Lettre d'information n°65
EDITO - La musique tsigane, des mythes et des réalités
EDITO
Depuis plusieurs numéros de cette Lettre et de manière
régulière nous vous informons de la situation du CMTRA.
Celle-ci, une nouvelle fois, ne dérogera pas à la règle.
En
effet, une nouvelle page de l’histoire de ce Centre va bientôt
se tourner. Nous venons d’apprendre par notification
officielle du Conseil Régional Rhône-Alpes de
l’augmentation des moyens en faveur de notre
« esthétique » par la création d’un poste de chargé de
mission « Musiques Traditionnelles, Musiques du Monde »
rattaché au pôle des musiques actuelles de l’AMDRA
(Agence Musiques et Danses) et dont la fonction serait de
renforcer l’équipe existante…
Ceci dans l’attente de la
création imminente de l’Agence unique, dédiée au spectacle
vivant et dans laquelle le CMTRA serait absorbé.
Ainsi prend fin un suspense haletant, intenable quand il
n’était pas insoutenable…
Nous ne pouvons que nous réjouir de ce modeste geste de
reconnaissance de notre travail durant ces dernières années
et de voir enfin ce secteur - aussi modestement - quelque
peu reconnu. Cette jubilation serait presque totale si elle
n’était pas empreinte de quelque forme d’amertume.
Cette
restructuration, voulue par l’Etat et la Région, des
associations régionales est un recul de la démocratie
culturelle, de la diversité du même nom et une remarquable
négation des acteurs culturels et militants des associations
de terrain.
Qui plus est, on nous demande devant cette perspective de
nous esbaudir de ces lendemains enchanteurs où tout serait
presque parfait dans le pire des mondes. Ce triomphe de la
technocratie galopante devrait donc être célébré à son plus
haut niveau, celui de l’hégémonie paroxysmique, des
discours incantatoires et de la gestion de la misère.
Construire de tels échafaudages dédiés au spectacle vivant,
quand tout autour crie famine : conditions sociales des
artistes calamiteuses et de plus en plus dégradées, dossier de
l’intermittence non réglé, emplois artistiques et culturels en
constante régression, assèchement des crédits pour la
création, Compagnies artistiques paupérisées et en désarroi,
crise des publics dans les institutions culturelles, lois
inefficaces sur la protection des oeuvres par
téléchargement… et tout cela dans l’indifférence et le silence
culturel assourdissant des candidats à la présidentielle en
panne de propositions : cela relève d’une forme inédite de
cécité politique.
Comme si nous assistions aujourd’hui aux derniers
soubresauts d’un système culturel exsangue et pétrifié dans
ses certitudes, où la diversité que nous défendons dans les
colloques internationaux ne s’applique pas chez nous. Rien
n’est fait pour valoriser les identités locales et les cultures
régionales, quant aux cultures des populations issues de
l’immigration, nous atteignons dans ce domaine un cynisme
démagogique. C’est à croire que notre fameux modèle
républicain ne peut souffrir la diversité.
Là où il faut plus de souplesse et d’autonomie, là où tout le
monde s’accorde à une décentralisation des pouvoirs de
décision et un engagement citoyen, là où il faut privilégier
les regards singuliers et la variété des modes opératoires, là
où il faut encourager les acteurs à plus d’innovation et à
l’appropriation des territoires de plus en plus exclus de la
connaissance et du savoir, là où il faut un propos pertinent
sur les identités et le multiculturalisme, on nous oppose une
vision obsolète d’un système bureaucratique et centralisé :
une culture mise sous tutelle.
Mais gageons que nous saurons trouver tous ensemble et en
d’autres espaces la force et la passion pour changer les
choses, le dynamisme et l’intelligence du coeur pour
conserver la chaleur, l’enthousiasme, la créativité et la
richesse de nos identités et de nos différences.
Robert CARO