Lettre d'information n°68
EDITO
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De la diversité, de la diversité, de la diversité….
Nouveau crédo des politiques culturelles ?
Que n’entendons-nous pas par ce vocable depuis la
ratification, par l’Etat français des deux conventions de
l’Unesco, relatives à la protection et la promotion de la
diversité des expressions culturelles et celle de la sauvegarde
du patrimoine culturel immatériel.
La diversité culturelle -entendue ici comme orientation
politique plaçant les identités culturelles au centre de celle-ci- se doit d’être au cœur, à l’articulation, aux frontières des
politiques culturelles. Véritable paradigme, elle en constitue
le noyau dur, le pivot, l’axe autour duquel la réflexion doit
désormais s’établir. Elle doit en déterminer le périmètre, la
périphérie, le fondement, la philosophie, le sens, le principe,
la doctrine… Véritable cheval de bataille de la politique
culturelle de l’Etat, suivi en cela par les exécutifs régionaux,
la diversité culturelle va désormais déterminer l’avenir de
celle-ci. Nous allons enfin voir ce que nous allons voir.
Faites taire le tintamarre, nous approchons de la vérité, le
séisme tsunamique est annoncé à grands renforts de
colloques, conférences, autres séminaires et publications
diverses.
Que disent précisément ces conventions ?
- « …La diversité culturelle est un patrimoine commun de
l’humanité et qu’elle (doit) être célébrée et préservée au
profit de tous »
- « Reconnaissant l’importance des savoirs traditionnels en
tant que source de richesse immatérielle et matérielle…»
- « Reconnaissant que la diversité des expressions culturelles,
y compris des expressions culturelles traditionnelles, est un
facteur important qui permet aux individus et aux peuples
d’exprimer et de partager avec d’autres leurs idées et leurs
valeurs »
- « que les processus de mondialisation et de transformation
sociale, à côté des conditions qu'ils créent pour un dialogue
renouvelé entre les communautés, font, tout comme les
phénomènes d'intolérance, également peser de graves
menaces de dégradation, de disparition et de destruction sur
le patrimoine culturel immatériel, en particulier du fait du
manque de moyens de sauvegarde de celui-ci »
Que rajouter de plus à cela ? Sinon que nous avons
beaucoup de difficultés à lire dans les politiques publiques la
traduction budgétaire de ces orientations.
Nous étions en droit et nous le pensions pour le moins
légitimement, d’espérer enfin une reconnaissance du travail
accompli depuis plus d’une décennie et surtout connaître, à
la faveur de ces conventions, un renforcement de nos
moyens, une consécration de notre champ d’intervention, de
nos méthodes, de notre démarche et des principes qui la
guide. Et bien le CMTRA connaît ses derniers jours en tant
qu’entité identifiée sur ces sujets. Il sera désormais intégré,
par la volonté de ses tutelles à une nouvelle association
régionale dédiée au spectacle vivant. Ainsi prendra fin une
expérience singulière et qui a ouvert la voie à la prise en
compte de l’expression de cette diversité, précédent en cela la
ratification et la mise en œuvre de ces conventions.
Comme à l’accoutumée, la réponse des pouvoirs publics en
la matière, consiste essentiellement à ériger l’intégration dans
l’institution comme modèle de reconnaissance, assorti en
cela d’un discours généreux mais, bien entendu, sans aucun
moyen supplémentaire.
C’est un marché de dupes et un jeu de simulacre, qui
consiste avant tout pour les décideurs et les acteurs installés,
derrière les discours charitables et compassionnels, les
encouragements et félicitations d’usage, à ne rien changer
fondamentalement aux habitudes d’élaboration des
politiques culturelles.Au contraire et j’en veux pour preuve
deux faits récents et suffisamment marquants :
- une lettre de cadrage du Président de la République à
l’endroit de sa Ministre à la Culture - passée sous silence –
et qui ignore superbement toute référence à l’Unesco, à la
diversité culturelle et au patrimoine culturel immatériel.
- un budget 2008 du Ministère de la Culture en diminution et
qui se traduit – dans nombre de territoires – par des
réductions drastiques des crédits de l’Etat en faveur de la
création, du spectacle vivant et de l’action culturelle, chapitre
dans lequel figure précisément et principalement la prise en
compte de la diversité culturelle… !
Il semble bien dans ce domaine, comme dans bien d’autres
me direz-vous, que les incantations suppléent au manque de
moyens.
Bonne et heureuse année 2008.
Robert CARO