L'
association Génériques avait été créée en 1987 autour du projet de préserver, sauvegarder et valoriser l'histoire de l'immigration en France et en Europe. En plus de 40 ans d'existence, Génériques a grandement contribué à rendre visible l'apport des populations étrangères à l'histoire nationale et européenne, et a rendu possible nombre de travaux majeurs sur l'histoire de l'immigration. Parmi les nombreuses réalisations, on notera notamment la publication (avec les Archives Nationales) d'un inventaire des sources d’archives publiques et privées sur l’histoire des étrangers en France de 1800 à nos jours, outil indispensable aux historiens de l'immigration. Le portail de ressources
Odysseo, pendant numérique du guide papier, venait compléter ce travail de mise en accessibilité des ressources.
À la croisée des mondes universitaires, culturels et associatifs et au carrefour de l'Histoire et des l'actualité, Génériques publiait également la revue semestrielle
Migrance dont le dernier numéro inscrivait la thématique, brûlante d'actualité, de l'accueil des étrangers en France dans le temps long.
Alors que la nécessité d'une mobilisation citoyenne et d'un engagement scientifique autour des questions migratoires se présente à nous avec une urgence indéniable, nous ne pouvons que regretter ce "clap de fin". Nous reproduisons ici un texte de son directeur Amar Nafa :
" Inscrire l'histoire de l'immigration dans l'histoire nationale. Ce
projet paraissait pour certains incongru à la fin des années 1980 lors
de la création de Génériques. Comment en effet les archives, qui
témoignent d'une histoire, d'un enracinement, peuvent être associées à
l'immigration, vue alors par certains comme un phénomène conjoncturel et
temporaire de travailleurs étant amenés à retourner chez eux ?
Plus de trente ans après, l'aventure de Génériques s'arrête. Les
multiples diminutions et disparitions de subventions ne permettent plus
de poursuivre ce projet qui a été moteur et pionnier. S'il reste encore
beaucoup à faire sur le sujet, il faut apprécier le chemin parcouru
depuis 1987. Des dizaines de milliers de sources d'archives ont été
identifiées dans les centres de conservation du patrimoine, des
centaines de fonds privés ont pu être sauvegardés et rendus public. Ces
ressources ont permis d'essaimer, de nourrir des centaines de projets et
de progresser dans une meilleure connaissance de l'histoire de
l'immigration.
Pour preuve, il y a quelques semaines, un documentaire en prime time
sur France 2 présentait l'apport des étrangers à l'histoire de la
nation. Partout en France, des réseaux régionaux font preuve d'un
dynamisme pour faire vivre cet enjeu dans les domaines artistique,
culturel et scientifique au plus près des territoires. Enfin, grâce à la
mobilisation de Génériques et d'autres acteurs de la société civile, le
Musée national de l'histoire de l'immigration a pu voir le jour,
marquant une reconnaissance nationale aux personnes venues d'ailleurs
ayant contribué à faire de notre société ce qu'elle est aujourd'hui.
La figure du migrant d'aujourd'hui n'est plus celle de l'immigré des
années 1980. A l'heure où les populismes progressent partout dans le
monde et où l'Europe vit une crise de l'accueil, il est plus que jamais
nécessaire de poursuivre ce travail de collecte, de sauvegarde et de
valorisation des archives de l'immigration. C'est uniquement par la
connaissance, par des faits étayés par des sources et une démarche
scientifique, que les extrémismes de tout bord seront contrés. Devant
l'importance de ce défi, il appartient à de nouvelles structures de se
saisir de cet enjeu et de prendre le relais. C'est le clap de fin pour
Génériques, mais assurément d'autres histoires seront écrites à
l'avenir ! "