Nos harmonicistes partagent un certain nombre de points communs, d’ordre générationnel, socio-culturel, musical, voire psychologique. Très souvent fils d’agriculteurs, pour beaucoup originaires des monts du Forez, certains se sont installés dans la plaine, où leur carrière professionnelle s’est généralement développée dans l’industrie et l’artisanat. Tous jouent pour leur – propre – plaisir. Leur pratique instrumentale est avant tout personnelle, discrète.
Roger Bertinelli aurait pu être musicien professionnel. Au début des années 1960, il passe le plus clair de son temps à travailler son instrument. Avec deux camarades également harmonicistes (ex. 1), il prépare le championnat de France d’harmonica. Le vocabulaire et l’organisation événementielle issus du monde du sport sont partagés par l’harmonica et l’accordéon. Ainsi, ont lieu depuis les années 1950 des championnats de France, d’Europe et du monde, mais aussi des coupes d’harmonica, qui font se confronter des champions-musiciens parfois regroupés en clubs ou fédérations. La célèbre course cycliste du Bol d’or des Monédières, fondée en 1952 par l’accordéoniste Jean Ségurel, est assez emblématique de cette proximité avec les structures sportives. Evénement populaire, il célèbre tout autant le vélo que l’accordéon.
Exemple 1 : coupure de presse, 1961. Le musicien de gauche tient un harmonica basse. Archives personnelles de Robert Bertinelli.
Qualifié de musicien hors-pair par les étudiants qui l’ont interrogé à son domicile montbrisonnais, Jean Chavaren est un amoureux de l’harmonica chromatique, à la fois modeste et conscient de ses talents, éprouvant un grand plaisir à jouer.
Exemple 2 : Jean Chavaren à son domicile à Montbrison, 2012, cliché de Mélanie Dessaivre.
Né en 1927 à La Chamba (42440), point de passage obligé entre les régions Rhône-Alpes et Auvergne, Jean Chavaren a gardé de ce canton de Noirétable un accent presque chantant et un goût pour les bals qu’il fréquente dès sa prime jeunesse. Son jeu est d’ailleurs marqué par la danse. Il rêve très jeune de jouer de l’accordéon comme ses idoles, Jean Ségurel et Édouard Duleu. Son père refuse, l’accordéon étant selon lui trop lié « à la bringue ».
Ayant reçu son premier harmonica de la part d’un de ses oncles, Jean Chavaren commence à pratiquer à l’âge de sept ans. Il se familiarise avec l’instrument en essayant de rejouer les mélodies qu’il entend dans son village ou au transistor. À treize ans, alors qu’il suit une formation en usinage à l’École Nationale de Thiers (63), un camarade harmoniciste lui apprend le seul morceau « classique » de son répertoire : le thème issu de la troisième des Études opus 10 de Frédéric Chopin, plus connu sous le titre apocryphe de Tristesse, sous lequel il a été popularisé. Jean Chavaren se souvient combien sa mère aimait lui entendre jouer cet air. Cette dernière lui offre ce qui sera son unique méthode d’harmonica. L’éducation musicale de Jean Chavaren se poursuit dans les bals. Il raconte que pendant la Seconde Guerre Mondiale, les jeunes gens de son village se rassemblaient de temps en temps autour d’un accordéoniste, malgré le couvre-feu. Des hommes qui se cachaient pour éviter le travail obligatoire en Allemagne, venaient parfois passer quelques heures en leur compagnie, « à une époque où il n’y avait pas beaucoup de réjouissances », pour reprendre les termes de J. Chavaren. Il apprend dans ces bals clandestins une bourrée très répandue dans la région : Garçons de la montagne.
À la Libération, âgé de 17 ans, il entre dans une usine à Courpière près de Thiers et restera ouvrier une vingtaine d’années dans le Puy-de-Dôme. Tous les week-ends, il rejoint sa famille et participe à l’animation des repas en dansant et jouant de l’harmonica. Le soir, il retrouve ses amis autour d’un verre d’alcool et n’hésite pas à apporter son instrument. Pendant cette période de sa vie, il passe une semaine chaque année à vendanger vers Roanne (42) et joue lors des soirées festives – de 20 heures à minuit, « alors qu’on se levait à 6 heures le lendemain… on était jeune ! ». Il s’installe ensuite à son compte comme artisan-carrossier. Le temps que lui demande alors son atelier ne lui permet plus, à son grand désarroi, d’aller danser et par conséquent de jouer, tant la fréquentation du bal est intimement liée à sa pratique instrumentale. En effet, Jean Chavaren puise non seulement l’essentiel de son répertoire dans les pièces entendues au bal mais aussi, il ne dissocie pas jeu et danse, alors même qu’il ne joue pas forcément pour faire danser. Depuis qu’il est à la retraite, il se rend à nouveau au bal – plus exactement au thé dansant – tous les quinze jours, accompagné de son épouse. « S’il ne dansait pas, il serait malheureux », plaisante cette dernière. S’il en a l’opportunité, il monte sur scène renforcer l’orchestre ou remplacer l’accordéoniste lors de ses pauses. Jean Chavaren ne manque aucune occasion de jouer ; il anime parfois les maisons de retraite ou les veillées patois organisées par le Centre Social de Montbrison (42600). D’après son épouse, ses interprétations y rencontrent un vif succès, comme en témoignent les articles du journal local.
Au fil des années, grâce à une pratique et un entraînement réguliers, Jean Chavaren s’est construit un large répertoire qu’il continue d’alimenter aujourd’hui, interprétant aussi bien des bourrées que des pièces de musette ou encore des chansons populaires, avec sa mémoire comme seul support.
Jean Chavaren a possédé trois harmonicas dans sa vie, tous chromatiques à piston, lui donnant accès à tous les demi-tons. Sa dernière acquisition est un Hohner Super 64 couvrant, selon ses termes, « quatre gammes de do ».
Jean Chavaren joue debout, cette position étant selon lui le plus confortable pour le souffle. Il soutient constamment son jeu d’un tapement de pied, ce qui donne une énergie dansante à sa musique. Tentant d’imiter le jeu des accordéonistes qu’il envie et admire, il réussit à superposer accompagnement et mélodie, rythmant les accords à coups de langue. Il varie constamment les thèmes musicaux, les ornant de multiples appogiatures, de fusées, de pincés et de mordants, usant de cadences conclusives marquées, dans un jeu très vivant.
Gérard Jambin est le plus jeune des harmonicistes que nous avons rencontrés. A 57 ans, toujours en activité, il trouve le temps de jouer de l’harmonica, souvent pour lui-même.
Originaire de Saint-Bonnet-le-Courreau, c’est dans ce même village qu’il a reçu en cadeau de sa sœur son premier harmonica, vers l’âge de 12 ans, lors de la fête patronale. Sur ce « petit appareil à cinq trous », il travaillera son premier morceau d’oreille, « Au clair de la lune ». Comme les autres harmonicistes rencontrés, il apprit seul, en reproduisant ce qu’il avait entendu. Les ressources d’internet lui permettent aujourd’hui de gagner du temps dans son apprentissage et d’étendre son répertoire
Dans son proche entourage qui pratique également la musique, G. Jambin se distingue par son instrument, dont il joue dans les fêtes de famille. Il a également tenu la partie de clairon pendant plusieurs années dans la fanfare de Saint-Georges-en-Couzan (42). L’harmonica reste son instrument de prédilection, celui dont il ne s’est « jamais séparé ».
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