Rituellement, à même époque, par pluies, neiges et vents, brouillasses et gelées, ou soleil piquant de l’hiver, le paysage bressan est sillonné des hordes hurlantes et fanfaronnantes des conscrits. Drame sonore et coloré, musique exhubérante et omniprésente, tournées, banquets et défilés, la fête des conscrits représente aujourd’hui l’antique tradition des fêtes de la jeunesse, le renouvellement perpétuel des saisons et des vies...Voici la musique et les sons des conscrits en Bresse.
LA BRESSE et le VAL DE SAÔNE
La Bresse est secrète et profondément enracinée. Pas
vraiment de paysages spectaculaires. Longée et même traversée par les
plus grands flux de voyageurs de l’Europe, elle reste méconnue,
impénétrable derrière son apparente banalité. Pourtant, elle existe dans
la tête et le coeur des gens qui l’habitent. Elle va surgir dans des
gestes, des paroles, une vie sociale intense et réglée par mille
traditions... Son identité est multiple, foisonnante, sans cesse
réinventée. Elle existe aussi dans des éléments du paysage qu’il faut
peut-être lentement découvrir : une lumière particulière, l’ondulation
parfois plus accentuée d’une fausse plaine où l’habitat se disperse
comme les eaux, les lambeaux de forêts, les buissons et les chemins, où
l’espace des creux et des bosses est subtilement organisé par les haies,
les fermes isolées et les mares, les terres et les prés. Arpenter les
pays demande parfois plusieurs semaines lorsqu’en tournée les conscrits
visitent tous les quartiers, resserrant ainsi rituellement un lien
territorial que le paysage ne mets pas en évidence.
Il y a aussi des villages et des bourgs, presque des petites villes,
tranquilles et doucement commerçantes, qui s’animent les jours de
marché. Égrenées le long de la prairie de Saône et sur les grands axes
routiers, elles condensent peu à peu la substance de la campagne, qui se
vide et s’étiole dans ses marges. D’où vient la discrète saveur du
paysage bressan ? Serait-ce son traditionalisme ? La fête des conscrits
en est une image paradoxale : ce sont les jeunes qui organisent et qui
mènent le train. Cris, bruits, vie... minijupes, jeans et blousons.
Chapeaux gibus aussi, enrubannés, cocardes et drapeau, branches
décorées... et le tourbillon des rites :
défilés, photo solennelle, apéros, messe, banquet, et les tournées,
et les matefaims, et l’enterrement... Tout est réglé, organisé, codé,
mais non pas figé. Ce qui compte, c’est de tisser serrées les mailles du
lien social, qui reste souple et se noue autour des gens tels qu’ils
sont, autour des lieux tels qu’ils vont et se transforment, avec les
rythmes du temps d’aujourd’hui. L’agriculture industrielle défait
l’horizon du bocage, et les lotissements perpétuent les vieux noms de la
campagne disparue. "Les conscrits sont là"..."malgré qu’ils soient tous
aux études" ! Ils imprègnent de leurs trépidations enjouées, du cri
pointu des conscrites la banalité des villages dévastés de goudron et de
béton, plantent leur drapeau au coeur des bistrots survivants du
commerce local, et télescopent joyeusement dans une farandole endiablée
l’ancien et le moderne, le sauvage et le policé, l’impertinence et le
conformisme.
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