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30 ans de musique alpine
La Kinkerne fête son trentième anniversaire

CMTRA : Jean-Marc Jacquier, tu as beaucoup collecté en Savoie et dans l'arc alpin, comment en es-tu venu à t'intéresser aux musiques traditionnelles de ces régions ?

Je suis de famille savoyarde depuis de nombreuses générations. Né en 49, j'ai connu les dernières veillées où l'on se réunissait l'automne le samedi soir pour manger la fondue, ça chantait encore, ça jouait aux cartes. L'été, je passais les vacances à Mieussy, ça chantait en alpage, le soir en mangeant la soupe, après les travaux.

Mon père jouait de la trompette dans la fanfare de Ville-la-Grand, il a aussi fait du bal musette. J'ai appris l'accordéon. Je suis entré dans la fanfare de Ville-la-Grand, un vieux musicien de la fanfare nous montrait un peu les notes pour nous apprendre à déchiffrer. Ensuite j'ai animé des soirées et des bals. J'ai fait du jazz, du trombone New-Orleans à Genève.

Avec le début du mouvement hippie, j'ai tout arrêté pour voyager. J'avais acheté un Uher, c'était ce qui se faisait de mieux en magnétophone portable, en dehors du Nagra qui était hors de prix. Je suis resté 10 jours dans un festival de free-jazz et de pop en Belgique, j'ai tout enregistré, écouté, discuté avec des musiciens, etc. Je ne suis pas retourné au boulot. En voyageant, je me suis aperçu que je me sentais bien avec les peuples de montagne. J'ai retrouvé des démarches, des gestes que j'avais pris en alpage.

Parallèlement j'ai écouté Stivell, et je me suis dit "pourquoi il n'y aurait pas quelque chose d'intéressant chez moi en Savoie ?" J'ai toujours eu conscience que la Savoie était une terre à part. Je me suis intéressé à tout ça, j'ai fait des recherches, et j'ai rapidement flashé sur des violoneux, et sur le son du cor des Alpes. C'est là que j'ai commencé à me fixer. Pour gagner ma vie je faisais des remplacements de facteur dans la vallée du Giffre, où il y avait une forte tradition de chant et de musique. Comme les gens me connaissaient, je pouvais plus facilement retourner les enregistrer en fin d'après-midi ou en soirée.

Je collectais suivant mes moyens. J'avais mon Uher, mais les bandes coûtaient assez cher. C'est vrai que j'ai loupé pas mal de collectages à cause de ça. J'étais soutenu par Charles Joisten, qui était conservateur au Musée Dauphinois. Il me filait des bandes, je faisais des copies au Musée Dauphinois, et on a pu vérifier que 20 ans après ses propres enquêtes, voire plus, tout était resté bien ancré dans la mémoire collective. C'est ça qui était intéressant. Je collectais tout, des recettes de cuisine, des remèdes de bonne femme, des contes et légendes et de la musique... Ça me paraissait important de tout prendre. J'ai collecté d'abord sur la Haute-Savoie, ensuite sur la Savoie, après sur le Valais, le Val d'Aoste, le Piémont, etc. Qu'as-tu retiré de ces rencontres ?

C'est très vivant. On a toujours entendu dire qu'il n'y avait plus rien, que tout était mort. C'est vrai qu'il n'y a plus la même pratique. Mais je me suis aperçu que c'était très riche, et, comme je dis, avec mes petits moyens, j'ai loupé plein de choses, malheureusement des gens qui sont morts depuis. Que ce soit en musique ou en chanson, il y avait des vraies richesses. J'ai eu la chance de rencontrer des personnages, comme la Doxie, auprès de qui j'ai enregistré plus de 120 chansons, ou bien Louis Ouvrier Bonnaz (violoneux, accordéon diatonique et chromatique, harmonica) auprès de qui j'ai collecté plus de 80 airs de danse. Assez vite je me suis plus dirigé sur les musiciens, il n'y avait pas d'enquête sur la musique.

Pour les chansons, il y avait eu des curés et des instits, qui ont fait un gros travail au XIXe et début XXe. On parle toujours de Ritz et Servettaz, ce sont les plus connus, Tiersot après s'est inspiré d'eux. Mais il y en a d'autres, plus locaux, notamment sur la collecte du patois. Tout ça n'a pas été publié. Il y a encore un gros travail à faire pour qui aime les recherches en archives. Il ne faut pas oublier qu'en Savoie les gens savaient écrire depuis longtemps, comme en Dauphiné. C'est pour ça qu'on retrouve des cahiers de chants très anciens. Dans tes collectes, as-tu trouvé des similitudes dans les répertoires, et plus largement dans la mémoire collective ?

Malgré les différences de langue, il y a un vrai style alpin, qu'on retrouve dans le mode de vie, avec les intempéries, l'altitude, le travail du bois, le lait, les fromages, tout ça a forgé le caractère des gens. Dans les Alpes, ce qui est impressionnant c'est qu'il y a eu en permanence énormément d'échanges. L'exemple que je donne toujours, c'est que sur une terre riche et plate, les gens vivent en autarcie dans un rayon de 15 à 20 km, parce qu'ils ont tout, les magasins dans le gros bourg, les artisans, le travail, ils n'ont pas besoin d'aller voir ailleurs. Alors qu'un montagnard a toujours envie d'aller voir ce qu'il y a de l'autre côté. C'est dans les gènes.

Il y avait des brassages parce que les gens étaient pauvres et avaient des conditions de vie très dures. On peut citer par exemple les ramoneurs ou les colporteurs, qui partaient d'ici, et d'autres de pays différents qui venaient en Savoie, parfois s'installaient, avec leur bagage culturel. Il y a eu sans arrêt un brassage d'idées.

Dans la manière de jouer, je persiste à dire qu'il y a un style alpin. On joue par exemple du violon beaucoup en double cordes. Le son est toujours renforcé, et le rythme est marqué suivant les danses, qui ne sont pas des danses qui s'élèvent, comme en Provence, mais des danses à terre. Il faut sentir le sol. Ce qui est également constant à tout l'arc alpin, c'est qu'il n'y a jamais d'unisson. L'habitude d'employer des percussions est également significative. Les gens accompagnaient les musiciens, avec les moyens dont ils disposaient, cuillers, outils, claquements de pieds, frottements, etc. Les gens inventaient, ils n'avaient pas les moyens de se payer des vrais instruments.

Le fait de jouer en orchestre était important aussi, j'ai retrouvé des exemples à Samoëns, avant la guerre de 14, il y avait jusqu'à 22 musiciens dans la grande bande de carnaval. Est-ce que les gens chantaient en polyphonie ?

Oui. J'emploie le terme de polyvocalité, en m'inspirant des valdotains, qui utilisent ce terme-là, ça différencie de la polyphonie qui a une connotation classique, plutôt écrite.

En Savoie, on appelle ça la contrevoix. On la retrouve encore maintenant, dans des bistrots, même si ça se perd. Pendant longtemps, dans mes collectages, j'ai privilégié les solistes, pour avoir une mélodie plus nette, et des paroles plus compréhensibles. J'avais peu d'exemples de contrevoix. Je ne me rendais pas compte que c'était rare, je l'avais toujours entendu comme ça. J'ai récupéré des enregistrements de 1961 en alpage où on entend chanter jusqu'à 5 voix différentes entre les hommes et les femmes. Hommes et femmes chantaient ensemble ?

Les hommes chantaient peut-être plus au bistrot, et les femmes plus lors des fêtes d'alpage ou des vogues, ou bien chez elles à la veillée, mais aussi ensemble. Le meilleur enregistrement que j'ai c'est sur une fête d'alpage où tout le monde chante ensemble. Tu as créé le groupe La Kinkerne il y a 30 ans, quel est l'histoire de ce groupe et le lien avec tes collectes ?

Ça a commencé avec Anne Osnowycz et Diego Abriel. Puis Jean-Michel David, un lyonnais, m'a appelé pour venir jouer avec moi, et Marc Charbonnel également, tous deux transfuges du Grand Rouge. Ensuite il y a eu Christian Abriel, puis Evelyne Girardon. Il y a une trace d'un festival où il y avait Jean-Michel, Marc, Anne et Evelyne, Christian, Diego et moi. Ça devait être en 1976.

Après certains sont partis, pendant longtemps on a tourné Christian, Marc, et moi. Marc a ensuite été remplacé par Reynald Breithaupt en 1982, puis par Robert Amyot. Et depuis 4 ans il y a Claudius Perrin.

Les 8/10e du répertoire sont issus des collectages, le reste c'est un peu de compositions et des airs appris avec d'autres groupes. Certains airs piémontais ou suisses peuvent venir aussi de collectages. La Kinkerne fête ses 30 ans cet été, peux-tu nous parler des manifestations de l'été et du CD ?

Le disque a été enregistré dans une cave, avec un public. Ce sont des vieux morceaux de la Kinkerne qu'on n'avait jamais enregistré, et des chansons qu'on fait actuellement. On a tellement de répertoire qu'au bout d'un moment on ne fait plus certains morceaux, et un jour, un air revient sans qu'on sache pourquoi, alors qu'on ne l'a pas joué depuis 10 ans.

Cet été, on fera un concert au parc à Annemasse le 9 juillet, avec Diego Abriel et Ariondassa. Ensuite il y a un gros week-end, les 24 et 25 juillet, en Vallée d'Aoste. C'est un hommage à la Kinkerne, rendu par les autorités valdotaines et les Trouveur Valdoten, avec le samedi une conférence à Saint-Nicolas et un concert, et le lendemain, un repas avec environ 200 invités, et un concert-bal. Cet hommage des valdotains me touche beaucoup. Il y aura une soirée carte blanche à la Kinkerne le 14 août, au Feufliazhe. Je vais essayer de faire venir des anciens de la Kinkerne, il y aura les amis d'Ariondassa, les Trouveur Valdoten, et d'autres. Tu interviens dans les écoles, quelle est la nature de ces interventions ?

Mes interventions sont basées sur la musique de Savoie, je monte un spectacle d'un peu plus d'une heure, avec une partie théâtrale, chansons et danses. Je suis en soutien des enfants sur 10 demi-journées. A chaque séance je présente un instrument différent, pour expliquer la diversité des instruments de musique, et je leur parle de la vie en Savoie. Les thèmes peuvent être les 4 saisons dans le village, une légende ou un conte local ; j'ai fait plusieurs fois un spectacle sur l'émigration des savoyards en Argentine pendant la deuxième moitié du XIXè. Mais là, malheureusement ça s'est arrêté depuis un moment faute de financements et de volonté de promouvoir ce type d'activités dans les écoles, alors qu'il y a de la demande ! Que conseillerais-tu aux personnes qui souhaitent faire du collectage maintenant ?

Il faut aller sur le terrain, dans les bistrots, discuter. Pour les collectages, quand tu as une adresse précise, moi, si c'est un homme, j'arrive toujours avec une bouteille. Si c'est une personne âgée, plutôt du rouge que du blanc, parce que le blanc c'est pas très bon pour l'arthrose. Pour une femme, j'amène toujours une boîte de chocolats. Ça fait plaisir. Dans le collectage, il y a des choses étonnantes. Il m'est arrivé de retrouver une chanson entendue chantée par un de mes amis, dix ans après auprès d'une jeune fille de 25 ans, et qui faisait partie du répertoire de ses grands-parents. Donc, rien n'est perdu. Et dans quelques années, quelqu'un viendra peut-être collecter Jean-Marc Jacquier... Propos recueillis par P.D.J. Contact

Jean-Marc Jacquier 13, rue Salengro 74100 VILLE LA GRAND

Tél. : 04 50 37 18 65

Fax : 04 50 92 49 93 Retrouvez la Kinkerne à Feufliazhe

les 14 et 15 août sur le plateau de Pleine-Joux (74)

en compagnie notamment des Trouveurs Valdotèn, de Ariondassa, des Chamoshire et du Cercle Brizeux

Rens. :

www.feufliazhe.com

[feufliazhe@free.fr->feufliazhe@free.fr] 9 juillet

Annemasse

24 et 25 juillet

Val d'Aoste


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46 cours du docteur Jean Damidot
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