Festival 6ème continent
Lyon, du 21 mai au 8 juin
Entretien avec Mohamed Sidrine
CMTRA : Mohamed Sidrine, tu es directeur artistique et administrateur du festival « 6ème Continent » dont la quatrième édition aura lieu à Lyon du 21 mai au 8 juin 2002. Cette année encore, la programmation est construite autour de deux pays. Peux-tu nous expliquer quels ont été tes choix artistiques pour cette nouvelle édition ?
Mohamed Sidrine : Les objectifs fondamentaux du festival sont la promotion des cultures du monde de manière générale (volet international) et la valorisation des diversités et des mixités culturelles de notre région (volet local). Chaque année, nous choisissons deux pays ou deux régions autour desquels nous construisons notre programmation.
Par ailleurs, nous offrons un espace aux artistes régionaux de toute origine lors d'une grande fête populaire qui rayonne sur toute l'agglomération à partir du 7e arrondissement de Lyon. Cette année nous avons choisi le Mali et le Pakistan. Le Mali par ce que nous avons beaucoup d'opportunités, de contacts et un réseau assez important là-bas. Le Pakistan, nous l'avions choisi avant les événements du 11 septembre. Suite à ces événements, la question s'est naturellement posée de maintenir (ou pas) ce choix. Le conseil d'administration de l'association a décidé de parler du Pakistan plus que jamais afin de rappeler qu'au-delà des images des conflits que l'on voit à la télé, il y a des hommes et des cultures.
C'est un festival pluridisciplinaire, où l'on retrouve aussi bien des concerts, des expos, des conférences, du cinéma et du conte. Peux-tu nous présenter les temps forts dans chaque discipline?
Le festival est pluridisciplinaire parce que le souhait de l'association est d'appréhender les cultures par différentes entrées. Nous essayons donc de croiser différentes formes artistiques. Cette année, le festival est accueilli par 25 lieux. Il y aura à la fois des expos d'arts plastiques avec Abou Diallo, artiste malien installé à Paris, Chahla Rafi, attachée culturelle à l'ambassade du Pakistan à Paris et puis des artistes français qui travaillent autour de ces pays, comme Véronique Abt, peintre de Pau qui s'inspire beaucoup de la culture touareg du nord du Mali. Il y aura des rencontres littéraires avec Albakaye Moussa Kounta, écrivain de Bamako.
Nous avons également invité un chercheur parisien spécialiste du Pakistan, Denis Matringe, qui a traduit les légendes du Sind qui seront dites par un comédien français. C'est la solution que nous avons imaginée pour contourner l'entrave linguistique. Nous organisons aussi des séances de contes avec Moussa Ag Assarid et d'autres conteurs dans des bibliothèques de quartier mais aussi lors d'une nuit consacrée à cet art de la narration, le 23 mai.
Au niveau musical, la démarche de l'association, qu'on retrouve aussi dans notre journal World Mag et dans toutes nos actions, est de proposer à la fois des spectacles « traditionnels », « métisses », et des rencontres entre musiques traditionnelles et musiques électroniques. Nous diffuserons une création réalisée à partir de la rencontre de musiciens poitevins et de musiciens pakistanais, Pastoral Balushien Group et le groupe de Shuhaib qui tient le restaurant le Peshawar dans le 5ème arrondissement, excellente formation du Qawwali.
Nous avons également invité Habib Koité, artiste malien, Maré, un percussionniste du ballet national malien et Moussa Condé, joueur de kora pour plusieurs spectacles dans l'agglomération mais aussi pour une création que nous coproduisons avec La Tannerie, nouvelle salle de musiques actuelles de Bourg-en-Bresse. Les artistes maliens et les DJ lyonnais travailleront ensemble durant une semaine. Cette création donnera lieu à un spectacle à la Tannerie le 23 mai mais aussi à Lyon.
Toujours dans cette perspective d'aide à la création, nous lançons cette année le premier concours de nouvelles ayant trait au voyage en partenariat avec les éditions La passe du vent. Les manuscrits ne doivent pas dépasser 2500 mots et doivent nous parvenir avant fin avril.
Le 25 mai est la journée dédiée à la valorisation des diversités culturelles de notre région et à la création locale. Ce jour là, dans le 7ème arrondissement particulièrement (de la Guillotière jusqu'à Gerland) il y aura des concerts de groupes locaux, des spectacles de rue, des fanfares, une batucada et un bagad breton Il y aura également trois scènes avec trois groupes régionaux : Son del Gazo, groupe de salsa du collectif Gazomètre, Ilyès et Ano Neko Ensuite et en partenariat avec l'ENS, les élèves de cette école donneront un spectacle de danse orientale et un concert de musique yiddish (sur le parvis).
Le but de cette journée est à la fois de positiver les diversités culturelles présentes dans la région et de démontrer qu'à travers des rencontres musicales, la cohabitation des différences peut être harmonieuse. Ce temps festif finira au parc de Gerland avec un grand rassemblement où se tiendra un forum d'une quarantaine d'associations culturelles, communautaires ou humanitaires, avec des animations pour les enfants Ce temps fort du festival sera ponctué par un concert de Mory Kanté et peut être Rizwan (les neveux de Nusrat Fateh Ali Kahn) et de Jah Wobble (un grand monsieur de l'électro londonien). Enfin, comme pour les éditions précédentes, il y aura à partir de minuit un after électro au Ninkasi Kafé où se produiront des DJ du collectif parisien Pakistan Beat.
Dans un souci de démocratie culturelle, nous organisons plusieurs manifestations de proximité dont une grande soirée au foyer Sonacotra de Gerland le 1er juin. Les résidants de ce foyer, en majorité sénégalais et maghrébins, sont totalement impliqués dans l'organisation des deux concerts de raï et de mbalax.
Il y aura également deux soirées cinéma, une nuit du cinéma pakistanais et une nuit du cinéma malien à l'ENS-lettres qui est l'un des partenaires du festival, avec la projection de "Fish and Chips » d'Adrien O'Donnell, « Genèse » de Cheikh Omar Sissoko, en présence des réalisateurs.
Enfin, nous organisons une table ronde à l'Espace Monplaisir pour apporter des éclairages sur les rencontres entre traditions musicales et nouvelles technologies. Nous y invitons un journaliste spécialisé, un sociologue, un philosophe, les acteurs culturels de la région qui sont concernés par cette question et des responsables de lieux de diffusion et de festivals. Cet espace de réflexion nous permettra de réfléchir ensemble sur ce phénomène "ethno-electro", sur ses enjeux esthétiques, sociaux et économiques. Cette rencontre donnera lieu à des actes.
Il y a donc 25 lieux partenaires du festival dans lesquels se dérouleront les spectacles. Il y a aussi bien des salles de musiques actuelles, des institutions culturelles que des lieux de proximité Peux-tu nous parler de cette démarche ?
Le pari du festival est de faire de cet événement à la fois une manifestation culturelle de « haut niveau » avec une grande exigence artistique et un événement « populaire ». C'est pour cela que le festival est éclaté géographiquement sur toute l'agglomération et construit en partenariat avec des institutions prestigieuses comme l'ENS ou le Museum d'Histoire Naturelle mais aussi avec des structures socioculturelles comme des MJC, le foyer Sonacotra, le centre social de Gerland, des cafés de la Croix-rousse, des petits lieux associatifs.
Propos recueillis par Y.E.
Contact
Festival 6e Continent
11, rue Sébastien Gryphe 69007 Lyon
Infoline : 06 14 96 44 93
e-mail : [festival.6continent@wanadoo.fr->festival.6continent@wanadoo.fr ]