Entretien avec Michel Favre
CMTRA : Michel Favre, vous explorez
les répertoires de rigodons
depuis longtemps avec différentes
formations ; les violons du
rigodons, le quartetette Drailles,
Rigodon sauvage ...
Pourquoi cette curiosité et cette
fidélité en tant que musicien violoniste
pour le rigodon?
M.F. : Il y a deux choses : d'une part,
c'est la musique de l'endroit où je vis,
elle est à côté de chez moi et elle est
méconnue, tout naturellement je me
suis interressée à elle.
D'autre part,
l'écoute de collectages nous a tout de
suite interpellés, progressivement nous
avons rassemblés les collectages
sonores et écrits qui s'étaient faits jusqu'ici,
des collectages écrits de Julien
Tiersot aux enregistrement de Patrick
Mazellier, jusqu'à des documents privés
d‘enregistrements familiaux qu'on
nous a fait parvenir.
Le répertoire de
base s'est très vite aggrandi, c'est vrai
qu'il n'est pas inépuisable et qu'il
n'est pas aussi vaste que celui des violoneux
du Centre, mais il y a tout de
même une grosse matière de départ.
Au départ, on joue ce qui est le plus
évident, ce qui est donné directement
par le jeu des violoneux. Avec le
temps, on n'arrête pas de redécouvrir
des choses qui nous avait échappées.
Ce sont parfois des petites choses qui
surgissent au détour du jeu d'un violoneux,
un petit contretemps, le déplacement
du temps fort... qu‘on se
réaproprie pour complexifier nos pratiques.
Pouvez-vous nous parler de la
puissance rythmique de cette
musique ?
D'une manière générale, je ressens
une forme d'âpreté dans le son, quelque chose
qui accroche.
Dans une partie des répertoires de
rigodons, il y a quelquechose de très
obsessionnel, une rythmique, une pulsation
qui tourne sur des mélodies
relativement simples.
A mon sens, ces
phrases assez courtes qui tournent en
rond, les rapprochent de la transe.
Certains rigodons représentent un
autre aspect du répertoire; ils se développent
jusqu'au moment où le rythme
se casse. Ca démarre assez calmement,
les choses se mettent en place puis
vient une accélération. Et tout à coup,
ça se casse, jusqu‘à ce que le cycle
recommence.
Par rapport à d'autres musiques de
danses, et nottament la bourrée avec
qui le rigodon partage pas mal de
choses (thèmes musicaux et paroles),
il y a là une grosse différence.
La pulsation
peut s'arrêter, ralentir, recommençer,
on n‘a pas une musique en
continu. C'est un aspect étonnant et
très intrigant de cette musique là, une
vraie particularité. Certaine ont un côté
tourne-en-rond et l'autre partie du
répertoire, plus découpée, joue sur les
ralentissements et les accélérations.
Parlez-nous de votre création chorégraphique
et musicale “Tiroirs“
où s'expriment deux univers souvent
trop antagoniques, la musique
traditionnelle et la danse contemporaine.
C'est un spectacle qui associe le quartette
Drailles à deux danseuses qui
viennent du champs de la danse
contemporaine. Nous n'interprétons
pas que du rigodon, il y a aussi
quelques thèmes de scottish, de
mazurkas et de valses, nous voulions
parler de la danse de bal en général, et
du rigodon en particulier. Nous avons
cherché à explorer la dimension de la
rencontre qui est présente en bal et les
relations étroites entre danse et
musique.
Comment la danse contemporaine
vient-elle éclairer différents aspects
du rigodon ?
Il y a d'abord la rencontre avec Nathalie,
de la Compagnie Li la Rose. Elle
a travaillé sur le rigodon pour une maîtrise
à la fac. C'est une danseuse
contemporaine qui veut voir, dans un
répertoire traditionnel, ce qui est
saillant, ce qui est frappant, et elle le
regarde à travers son bagage de danseuse
contemporaine. On a pratiqué
ce que j'appelle “l‘effet loupe“; on
s'arrête sur un élément et on se
demande ce qui se passe.
Les moments
d'accélération et de ralentissement qui
se produisent dans certains rigodons l'a
intéressé. On a très peu de témoignages
visuels sur cette danse, bien moins
qu'en musique ... donc on imagine ce
qui se passe dans cette relation directe
qui oblige le danseur, non plus à obéir à
une pulsation mais à écouter vraiment
ce qui se passe du côté du musicien.
Quelle est la posture générale d'un
danseur de rigodon?
Il y a dans le rigodon quelque chose
de très terrestre, avec des temps forts
et des appuis au sol très ancrés, mais
par rapport à la bourrée, où l'ancrage
également est fort au sol, ces appuis
servent à rebondir, le sol est là très présent
pour permettre l'élévation par le
rebonds. Ca se trouve vraiment entre
les deux, entre la terre et le ciel.
Et dans le jeu de violon c'est pareil, il
y quelque chose de très appuyé sur des
temps forts, sur des démarrages et des
premiers temps très écrasés qui servent
à repartir en l'air. C‘est pas une danse
au dessus du sol, c'est une danse où le
sol sert à rebondir.
Que pensez-vous de la pratique
actuelle de cette danse?
Il n'y a pas une grande pratique en
général, la danse se pratique à certains
endroits grâce à quelques personnalités,
par exemple à la Tour du Pin au
Folk des Terres froides. Elle a l‘image
d'une danse trop simple et fatigante,
alors qu'il y a une vraie richesse. La
fatigue se gère par la gestion des
gestes, quand on ne connait pas une
danse, on s'éparpille, ça demande
beaucoup d'énergie. Avec un peu
d'expérience on devient plus concis
et on commence à varier, à ornementer,
c'est là que la danse devient riche.
C'est comme en musique avec le décalage
qu'il peut y avoir entre un collectage
écrit et la mélodie que va jouer un
violoneux, ce ne sont pas les notes de
bases qui sont intéressantes, ce qui est
interressant, c'est qu'à partir de cette
simplicité on a un espace d'expression
qui est énorme.
Propos recueillis par P.B.
CD :
Drailles, quintette de
violons, Modal. En
vente en VPC, p17
Dates de Tiroirs:
23
septembre à Gap au
CMCL
Quartette Drailles:
Isabelle
BARTHELEMY/
violon,voix
Michel
FAVRE/violon,ténor,
voix
Patrice
GABET/Violon, voix
Christiane
ILDEVERT/
contrebasse,voix
Compagnie
Li la Rose:
Nathalie MASIA,
danse
Inga STERNER,
danse
En savoir plus sur le Rigodon: [Lettre 63->article516], [lettre 46->article407], [lettre 26->article1100]
-
Pour aller plus loin
Références et adresses:
Collectages audiovisuels inédits:
* Le film du Trièves donné par Mme
EBRAD : Clelles 15 août 1946. Film
déposé au Musée Dauphinois
* Le film de 1947 : la Saint Bernard à
Villard St Christophe en Matésine.
Film déposé au Musée Dauphinois
* "Le film de 1947 " : par encore localisé,
film déposé au Musée Dauphinois
* Deux films plus récents sur Escale et
Istier : mais ils donnent d'avantage des
renseignements sur les violoneux que
des renseignements sur la danse, on
voit tout de même les filles d'Istier
danser .
Sur le terrain : Rencontre de quelques
danseurs dans le Champsaur , le Beaumont
et le Trièves.
Cinq disques de référence, collectages
et pratiques actuelles:
* Le violon traditionnel en France,
Dauphiné : Les pays du rigodon,
Champsaur-Gapençais, Beaumont,
enregistrements historiques 1939-
1977.
Collectages effectués auprès de 3 violoneux:
Emile Escalle (1975-76),
Roger Desvigne (1939) et Camille
Roussin (1977), Silex
* Hier, Aujourd'hui ; collectages et
pratiques actuelles autour du rigodon,
Buda musique, collection musique du
monde
* Drailles, quintette de violons, Modal,
1999 (En vente en VPC, p17)
* France « Rigodon sauvage », Ocora
Radio France, 1995
* Arco Alpino, violons traditionnels
des Alpes, Modal, 2001 (En vente en
VPC, p17)
Un collectif de musiciens de tous horizons
réunis sous la houlette de Patrick
Vaillant.
Bibliographie :
* Julien Tiersot : Chansons POPULAIRES
recueillies dans les Alpes
Françaises - 1903
* Paul Pittion : En pays DAUPHINOIS.
(Grenoble, Roissard 1950)
* « Chants et danses de tradition. Le
domaine du rigodon : une province
originale de la danse », Jean-Michel
Guilcher, le Monde Alpin et Rhodanien,
n°1 et 2, 1984.
* A propos de l'enquête Roger
Dévigne, lire un article de Marie-
France Calas : « les archives de la
parole », dans la revue Modal : Collecter
la mémoire de l'autre
Quelques lieux ressources :
* Folk des terres froides, à La tour du
Pin (Isère), ateliers, bals folk.
[http://perso.orange.fr/folk.terresfroides-
index.html->http://perso.orange.fr/folk.terresfroides-
index.html] / [folk.terresfroides@
wanadoo.fr->folk.terresfroides@
wanadoo.fr]
* Compagnie du rigodon : Les Chariots
du Buëch
05700 La Bâtie-Montsaléon
Tél. :04 92 58 74 95,
Mail : [cie.rigodon@
free.fr->cie.rigodon@
free.fr]
, [http://compagnie.rigodon.
free.fr/->http://compagnie.rigodon.
free.fr/]
* Association Rigodons et Traditions,
Sassenage, ateliers, bals folk.
Tel : 04 76 27 58 84
* L'Echos des Garrigues , Rural café :
[rural.cafe@free.fr->rural.cafe@free.fr]
Patrick Mazellier, tel : 04 75 45 03 65
Page mise en forme et proposée
par P.B
Une association « Rigodons et Traditions » oeuvre en Dauphiné
autour des pratiques de rigodons. Elle a déjà publié trois cd de
musique à danse et mène nombre d'actions d'animation et des bals
pour vulgariser cette danse.
L'association s'attaque aujourd'hui à un
projet d'envergure avec la sortie d'un DVD consacré au rigodon. La
sortie du DVD est prévue en décembre 2006. Au cours de 15 ans
d'investigation dans différentes régions du Dauphiné (Trièves,
Vercors, Beaumont, Dévoluy, Champsaur, Quéras ...) sept pas
différents, avec pour chacun deux à trois variantes ont été collectées.
L'enregistrement sera réalisé en trois phases : dans un premiers
temps, images d'archives des danseurs collectés filmés dans leur
environnement naturel, suivis d'une présentation historique et
pédagogique accompagnés de documents écrits. Dans la troisième
partie, les danses sont présentées dans un contexte de bal afin
qu'elles ne soient pas victimes d'un carcan pédagogique trop étroit.
L'association lance un appel à souscription pour financer ce gros
projet. La souscription est de 20Euros et vous permettra d'avoir le
DVD au moment de sa sortie et une invitation à un bal de
l'association.
En savoir plus, tel : 04 76 27 58 84