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Traditions musicales : Le choix des termes

Comment parler de toutes ces musiques venues d’ailleurs, héritages d’un passé plus ou moins lointain, expressions de cultures particulières ?
L’usage des différents termes (musiques du monde, musiques traditionnelles, traditions musicales, musiques folkloriques, musiques revivalistes…) nécessite de comprendre les réalités que sous-tend chacun, réalités souvent floues et aux limites sans cesse remises en question. En s’appuyant sur les exemples concrets des personnes rencontrées lors des collectes, on tentera de cerner les composantes de ces traditions musicales issues de l’immigration, résultats uniques et en évolution, fruits de rencontres multiples : c’est à partir de trajectoires individuelles que se dégagent les éléments universels
.



La définition de termes est un exercice complexe et limité : « [les mots] caractérisent non seulement ce qu’ils sont censés recouvrir, mais tout autant la perception que nous en avons, l’image que nous voulons en donner et les présupposés idéologiques de cette image.

Toute généralisation est par définition réductrice, et même souvent caricaturale. « Nommer une musique, c’est la définir et la cataloguer selon les points de vue et les critères de celui qui la nomme ; c’est lui imposer un regard délibérément ethnocentrique. (…)

« De même, écouter une musique, c’est la faire passer par le filtre de la subjectivité et des références culturelles de celui qui l’entend. Il n’y perçoit a priori que ce que ses oreilles en saisissent et en retiennent, ce que son conditionnement musical lui a appris à déceler. Et la différence entre message émis et message reçu est à la mesure de la distance culturelle existant entre émetteur et récepteur. (…)

« Une musique est en effet toujours plus que de la musique, chacune répond aux sollicitations particulières et aux normes esthétiques, sociales et spirituelles qu’elle est appelée à satisfaire. Mais elle est en même temps l’expression sonore du beau, d’un certain idéal acoustique qui, cela va sans dire, est par définition culturellement déterminé. » L.Aubert - Communication présentée au colloque « Transmettre le sensible », Toulouse, Université Le Mirail, 18 novembre 2006.

Ayant pris en compte ces paramètres, on peut alors définir des éléments de compréhension des termes suivants * :

* Les termes sont ici utilisés dans une acception courante. Cependant leur utilisation varie selon les cultures et les courants théoriques (anglo-saxon notamment). Par exemple, le terme de « folklore » a parfois une définition qui englobe celle ici donnée pour « populaire » voire « traditionnel » : le “folklore” collecté par O.Taranu dans sa jeunesse ou celui chanté par la communauté portugaise ne sont pas pour nous du « folklore » mais de la « tradition musicale ».
Les termes et leur définition sont également tirés (et adaptés) de la communication de L.Aubert.



Musiques du monde

Ce terme, bien que tautologique (quelle musique n’est pas « du monde » ?) et donc très vague, est néanmoins commode lorsqu’il s’agit de catégoriser le contenu d’un catalogue, d’une discothèque ou d’une saison de concerts.

Traduction de l’anglais world music, on l’utilise en général pour parler d’un genre moderne et interculturel, voire fusionnel, qui se distingue des « musiques sources », dont il dérive et emprunte une partie des ingrédients. Ce terme, qui ne recouvre aucune réalité artistique précise, se caractérise surtout par son éclectisme : on y trouve notamment tout ce qui ne rentre pas dans les autres genres.


Musiques et arts extra-européens

Ces termes, foncièrement ethnocentriques, font état d’une frontière arbitraire entre « nous les Européens » et « les autres », où l’Europe, réalité culturelle pourtant indéfinissable, proposerait des valeurs supérieures, civilisatrices. (Terme désuet, à éviter)


Musiques ethniques, musiques ethno

Ces termes, bien que bienveillants, héritages de l’époque coloniale, supposent une « ethnicité » des musiques « de là-bas » qui ne serait pas valable pour les peuples « d’ici ». Mais au nom de quels critères la musique des Peuls du Niger ou celle des Aymara de Bolivie serait-elle plus « ethnique » que celle de Basques et des Bretons ? (Terme désuet, à éviter)


Musiques populaires

Elles se définissent notamment par opposition aux musiques dites classiques ou savantes ; on y trouve une connotation à la fois sociale et qualitative de la musique. Ce terme correspond à l’anglais folk music (et non popular music). Par exemple la musique chaâbi, est une musique populaire, tout comme le rap ou les chansons d’Edith Piaf.


Musiques « classiques » ou « savantes »

Arts d’expression raffinée et élitaire auxquels, soit par inculture, soit par ségrégation, les classes populaires n’auraient pas accès. En Europe, le partage entre les musiques populaires et savantes, construit autour du clivage religieux/profane, s’est creusé à la Renaissance pour conduire à la séparation dont nous percevons toujours les effets aujourd’hui. Cependant on ne saurait sousestimer l’influence de la musique populaire sur la musique classique ; de même, l’apport de la musique classique à la musique populaire a été conséquent. Il existe de grandes traditions musicales savantes (dont certaines s’appuient sur un enseignement – et une écriture - de type solfégique) dans de nombreuses autres civilisations : la musique arabo-andalouse, la musique classique indienne, la musique classique chinoise, etc.


Folklore

Le terme est ambigu : dans l’imaginaire des Romantiques et de leurs héritiers du début du XXe siècle, il se référait aux us et coutumes du bon peuple, réservoir supposé de traditions et de sagesse immémoriales. Mais depuis la fin des années 1940 il désigne plutôt un genre musical bien particulier aux allures d’ersatz, un produit de consommation manipulé, homogénéisé et formaté au goût de certains pouvoirs politiques et à celui, présumé, de la horde des touristes en quête d’authenticité*.

Leurs formes sacrifient au « culte du joli », et leur contenu à celui du politiquement correct : costumes impeccables et identiques, chorégraphies soignées, symétriques, largement influencées par les ballets classiques, mélodies sans hésitation ni improvisation… Les assemblées de danse spontanée d’autrefois ont été transformées en un spectacle programmé destiné à un public passif.

Il faut toutefois reconnaître que, malgré ces aspects figés, reconstitués et impliqués dans des manipulations identitaires, le folklore est devenu, par son recours à l’histoire et sa technique (musicale, de danse), d’une part une activité de loisir, d’autre part un objet d’érudition qui a permis de maintenir la pratique de certains instruments et la transmission de certaines musiques et danses.

* L’authenticité est une notion qui pose problème : si l’on considère comme le Petit Robert que ce qui est « authentique » est ce qui est « attesté, conforme à l’original », alors le problème est de savoir où et quand trouver LA mélodie originale, LE morceau original. Impossible de vérifier à quand remontent les premières versions de telle ou telle chanson. Cependant, on peut dire qu’est authentique une mélodie qui s’exprime dans son contexte d’origine, celui qui lui donne sa fonction. D’autre part, les variations (issues des évolutions et des changements de contextes, de personnes) forment le corps de la tradition musicale : toute chanson interprétée est donc originale, chaque interprétation étant unique. Notre habituelle dichotomie « original / copie » n’a donc guère de sens dans le domaine des traditions musicales.


Revivalisme

Démarche consistant à réinterpréter des anciens airs en y intégrant consciemment plus ou moins de modernité. En ce sens, toute démarche de réinterprétation pourrait être qualifiée de revivaliste, qu’elle soit une démarche de reproduction « à l’identique » de la mélodie entendue, ou une démarche totalement créative (invention de nouvelles mélodies, adaptation à une autre échelle tonale, introduction d’instruments électro-accoustiques, recherche de nouvelles sonorités vocales, etc.).

C’est inspiré par le mouvement « folk » américain que s’est développé en France, dans les années 1960-70, ce que l’on nomme le « mouvement revivaliste », qui a notamment impulsé de nouvelles démarches de collectage musical.


Métissage musical

Processus de mélange, de fusion de différentes traditions musicales au sein d’une même musique._
Toute tradition culturelle étant le fruit de rencontres et d’échanges de différentes cultures au fil des siècles, certains métissages musicaux naissent de la fréquentation lente (plusieurs dizaines d’années, voire plusieurs siècles) de différents groupes sociaux qui intègrent peu à peu les éléments des musiques de l’autre pour créer un genre nouveau, au nom nouveau, aux fonctions nouvelles. Tel fut le cas pour le raï, le jazz ou le tango. Les processus de métissage seraient donc à l’origine de toutes les musiques ?

Mais une autre démarche de métissage plus récente, liée notamment aux moyens modernes de communication et de connaissance, en fait un mélange plus ou moins superficiel d’influences interculturelles (un rythme d’ici, un instrument d’ailleurs, une harmonie de là-bas), sans que les aspects particuliers - et notamment les fonctions - de ces différentes traditions soient forcément maîtrisés, sans que ces dernières soient considérées dans leur globalité, mais utilisées essentiellement à des fins esthétiques.

Ce terme un peu fourre-tout est proche de ceux de « musique de synthèse », « musique de fusion » ou encore « world musique ».


Musiques de l’immigration

Ce terme désigne les musiques dont le contexte d’origine est situé dans un autre pays que celui où elles sont repratiquées.

Elles seront assez fréquemment rejouées dans une volonté de reproduire à l’identique les conditions d’exécution originales ; cependant, la délocalisation des musiciens et du public (a fortiori lorsqu’il s’agit d’une communauté) implique des changements au niveau de la production et de la réception de la musique. Malgré ces adaptations à la situation d’exil (qui peuvent amener à certains métissages), ces musiques continuent généralement à se perpétuer pendant une ou deux générations, évoluant plus ou moins au niveau de leurs fonctions sociales.

Déclinaisons bien particulières des musiques de l’immigration, les chants de l’exil « relèvent d’une pratique d’intimité communautaire, et sont des exutoires pour exprimer la déchirure de l’exil, la séparation d’avec la famille et le pays d’origine, l’éloignement inéluctable des enfants d’immigrés vers la culture d’accueil, le rapport dramatique à l’idée de retour au pays, toujours caressée, toujours reportée, l’autocritique du rêve initial du candidat à l’émigration et la certitude de mourir loin du pays natal. »*

On peut ainsi dire que, à l’exception du morceau breton (interprété par des musiciens rhône-alpins), toutes les musiques présentes sur ce DVD sont des musiques de l’immigration : les musiciens et chanteurs sont d’origine extra-française ; ils jouent et chantent une musique dont la tradition est née hors de France.

* J.Blanchard, « Chants d’exil à Lyon », Lettre d’Information du CMTRA n° 54, été 2004


Musiques de tradition orale

Ce terme désigne les musiques dont la transmission se fait par le biais de l’oralité. Cependant, certains percevant l’oralité comme un moment pré-historique, précédant l’âge de l’écriture, ce terme peut sousentendre un jugement de valeur négatif à l’égard de l’oralité.

D’autre part, toute transmission musicale exclusivement basée sur l’écrit n’est pas concevable : la part de l’oralité demeure toujours prépondérante.

Mais à l’inverse, une musique de tradition orale peut entrer en interaction avec l’écrit, ce phénomène s’étant multiplié avec la progression de l’écriture à travers les siècles.

Ainsi les chants des anciennes cultures rurales de France véhiculés par la tradition orale furent confrontés aux feuilles des colporteurs, aux recueils des folkloristes, aux musiques liturgiques, etc.


Musiques traditionnelles, traditions musicales, cultures musicales

Ces termes (dont le premier est largement usité) intègrent à juste titre la notion de tradition, notion complexe qui fait référence au passé et appelle une évolution de celui-ci dans le présent.

En effet, toute musique s’inscrit nécessairement dans une tradition, dans un déterminisme culturel et historique, y compris le free jazz et la musique sérielle, tous deux pourtant fondés sur la déconstruction d’une certaine tradition. A moins d’être sourd ou incompétent, chaque musicien, comme chaque être humain, s’imprègne de ses expériences et de ses stimuli auditifs, que ce soit consciemment ou non. On pourrait dire que la tradition est la dimension diachronique de la culture, sous son aspect à la fois individuel et collectif.


Quels que soient les termes utilisés, on voit toujours apparaître le problème des limites, comme lorsque l’on cherche à définir des styles musicaux. A partir de quel degré d’ancienneté une musique peut-elle être considérée comme traditionnelle ? et jusqu’à quel stade de transformation et d’hybridation peut-elle encore y prétendre… ?

Il n’est donc pas rare qu’un même morceau puisse être classé dans plusieurs genres en même temps : d’une part car il répond conjointement à plusieurs critères (chanson, musique de l’exil et musique communautaire par exemple), d’autre part car, selon la sensibilité des personnes, l’appartenance à tel ou tel style ne sera pas perçue de la même manière (est-ce qu’il faut classer Mongo Santa Maria dans le jazz, la musique afro-latine ou les percussions africaines ?). Ainsi, si certaines sont claires, la plupart des classifications et des dénominations sont encore et toujours à discuter !



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