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Le chant à l’usine

LE CHANT A L’USINE

Chanter était l’une des rares distractions des ouvrières en soie, pour la plupart fort jeunes. Elles chantaient pendant les pauses ou le soir, quand elles logeaient à l’usine, pour se réchauffer en dansant. Mais dans les filatures comme dans les moulinages, le chant accompagnait surtout les gestes du travail. Tâches minutieuses et répétitives des écheveaux à former ou à défaire, des brins de soie mêlés par deux, trois ou quatre au doublage, qui cassent parfois et qu’il faut rattraper puis qui s’en vont à la torsion, vérification des bobines qui ne doivent présenter ni noeud ni bouchon... tout cela demandait beaucoup d’habileté, habileté qui s’acquérait avec l’expérience, économisait le geste et libérait le cerveau pour des chansons jetées au-delà du bruit infernal des machines.
La masse énorme du bruit vous avalait d’un coup lorsque vous pénétriez pour la première fois dans l’usine. Ensuite, on s’habituait, on composait avec pour apprendre à communiquer malgré tout, pour ne pas se laisser envahir. Ainsi l’écrivait Michel Vidal : _ "Même lorsque les ouvrières ne parlaient pas, elles étaient reliées, et donc, d’une certaine façon communiquaient, parcequ’elles se trouvaient à l’intérieur d’une même enceinte sonore, le bourdon des machines. Sa puissance était variable mais son pouvoir toujours aussi fort. Il disait d’une façon discrète mais radicale, il disait, au-delà d’une vie laborieuse, le partage du métier, l’appartenance au même travail, au même groupe..." Les ouvrières en gardaient à l’extérieur de l’usine une façon criarde de parler qui leur valait une réputation d’insolence.

De même, le bourdon des machines influait sur leur chant. Si celui-ci pouvait s’étendre presque uniformément dans l’espace de la filature, dans le moulinage le chant se heurtait au barrage de bruit qui s’élevait, après les banques d’évidage, au niveau des torses et des moulins. Là, le chant n’était plus possible.
"Y avait beaucoup de bruit, mais on pouvait chanter en travaillant, beaucoup de complaintes sur le pays, sur l’amour, toujours l’amour... On se répondait, y avait une bonne ambiance, très bonne. On était comme des soeurs... Le dimanche soir, quand on arrivait, il n’y avait rien de plus froid que le poêle ! Eh bien on faisait une ronde, et puis on chantait. On chantait à tue-tête toute la journée."
Bonne ouvrière, bonne chanteuse, les deux allaient de pair, le travail entraîné au rythme des chansons coulant plus facilement. L’hiver, des vieux des hospices venaient travailler pour pouvoir payer leur pension. Des femmes mariées, profitant de la morte saison, laissaient la ferme et passaient quelques mois à l’usine, de quoi améliorer l’ordinaire. De nouvelles voix s’ajoutaient donc à celles des ouvrières et enrichissaient leur répertoire.

Les chansons d’amour étaient les préférées. Leur jeunesse y retrouvait ses droits avec le rêve, et l’évasion d’un espace où le corps n’était plus qu’un instrument. Leur chant était partage, affirmation d’une complicité, dialogue. "On se répondait, il suffisait qu’une commence et puis ça s’étendait des banques jusqu’aux torses" disaient-elles souvent. Chacune avait ses propres chansons, et la mélodie reprise par toutes rassurait et encourageait. Au-delà des mots et des notes, elle était l’expression rebelle de la vie.



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