Unanimement considéré comme l’un des meilleurs guitaristes flamenco de Lyon, et au-delà, Alberto Torres anime aux côtés du chanteur Lorenzo Gines et de la jeune danseuse Vanessa Amaya, le groupe Los Andaluces.
Albert Torres : J’ai commencé à apprendre la guitare à l’âge de 15 ans, avec mon cousin Norbert Torres qui est maintenant très connu dans le monde du flamenco en Espagne. Il est devenu une référence dans le monde des "peñas flamencas" d’Andalousie, même s’il est né en France, à Saint-Fons. Et donc, j’ai commencé la guitare avec lui. J’étais captivé par la guitare flamenca, par les chants que mon père chantait à la maison. Mes parents sont originaires d’Almeria. Ils sont venus en France en 1961. Je suis pratiquement né en France puisque j’avais un mois lorsque nous sommes arrivés ici ! Mon premier professeur, celui à qui je dois tout l’amour de la guitare flamenca, n’est autre que Lorenzo Gines, le chanteur de Los Andaluces aujourd’hui. Je ne cache pas d’ailleurs que la première fois que je l’ai entendu jouer du flamenco, j’ai eu la même impression et le même bonheur que la première fois que j’ai vu Paco de Lucia jouer en concert. Alors, évidemment, cela fait hurler de rire Lorrenzo ! Il vient de Cordoba, et c’est quelqu’un d’extraordinaire, qui a l’amour de cette musique, et qui le communique à tout le monde. C’est cet amour qu’il m’a transmis. Ensuite, je me suis formé d’une manière autodidacte en écoutant des disques et en repiquant tout ce que je trouvais de beau chez les guitaristes de flamenco. J’ai aussi pris quelques cours avec Tomas Navas, un excellent musicien qui habitait Lyon, mais qui maintenant s’est installé en Espagne. Puis, en 1982, avec mon cousin et quelques copains nous avons participé au premier cours international de guitare flamenca de Santalucar de Barrameda. Manolo Santalucar donnait lui-même les cours.
CMTRA : Comment expliquez-vous l’importance de la communauté espagnole à Lyon ?
A.T. : Je pense qu’il y a eu deux vagues d’immigration : une vague
d’immigration politique suite à la guerre civile : beaucoup d’Espagnols
se sont réfugiés dans la région pendant la seconde guerre mondiale,
pendant laquelle ils ont eu un rôle très actif dans la résistance. Et
puis, une deuxième vague d’immigration, cette fois plus économique dans
les années 50-60. Il y a pas mal d’industries dans la région, et je
pense que c’est pour ces raisons que nous trouvons autant d’Espagnols en
Rhône-Alpes. Mon père a travaillé pratiquement toute sa vie dans les
produits chimiques à Saint-Fons.
CMTRA : Existait-t-il des réseaux espagnols, des amicales ?
A.T. : Il n’y avait pas grand chose, en dehors des cercles
restreints d’amis. Il y avait des quartiers : Venissieux, Moulin à Vent,
issus d’une colonie d’Espagnols très unis. Ils ont créé dans les années
70 le "Centre Espagnol". Ce Centre reste encore aujourd’hui le plus
important, la plus grosse association dans la région pour faire
connaître la culture espagnole. Il y a sur Lyon quelques grandes
familles flamenca qui se sont créées il y a longtemps, comme la famille
Diez, ou encore Monsieur Gomez, un guitariste de Saint-Priest dont les
filles étaient danseuses. Et toute une génération à peu près de mon âge,
entre 37 et 40 ans. Il y a eu bien sûr Lorenzo très connu dans le
milieu flamenco sur Lyon et un peu partout. Et toute cette jeune
génération comme Jean-Marc Rodriguez, Paco Fernandez, Jean-Yves Sanchez,
un tas de jeunes qui sont devenus d’excellents guitaristes, qui en
vivent parfois, tous sont passés par le Centre, qui est un peu leur
"berceau".
CMTRA : Comment est né le groupe Los Andaluces ?
A.T. : Lorenzo Gines en est le fondateur : Dans les années 79-80
avec Lorenzo, deux danseuses, Sophie et Édith, mon cousin Norbert et
moi-même nous avons créé "Los Andaluces". À l’époque nous avons beaucoup
travaillé : on a fait des spectacles un peu partout, notamment en
première partie de "Carte de Séjour", au Théâtre Antique de Fourvière,
où nous avons joué devant 10 000 personnes en 1985 ! Nous avions fait un
tabac, en plus nos deux danseuses étaient très belles l’une d’entre
elles Sophie a d’ailleurs été élue Miss Lyon et 1ère dauphine de Miss
France la même année ! C’était un concert extraordinaire, avec un public
qui n’était pas vraiment habitué à écouter du flamenco : quand nous
sommes montés sur scène nous étions tous très impressionnés par la
foule. Je disais à Lorenzo : "Tu ne vas pas leur chanter du flamenco il
faut leur jouer des rumbas, des choses comme cela" Et, Lorenzo m’a dit :
"Non, je veux leur chanter une Solea !" Il a pris le micro et a dit au
public : "Je vous préviens, je vais vous tuer ! C’est du flamenco et
c’est comme cela !" Eh bien, il a chanté une Solea dans un silence de
cathédrale ! C’était impressionnant. Lorenzo a un charisme, il est
sincère et se donne toujours à fond, et le public le sent. À la suite de
cela, Vanessa (Diot-Amaya) et Sabrina (Romero) ont commencé à venir
prendre des cours de danse au Centre Espagnol à l’âge de 6-7 ans. La
relève s’est donc faite, Vanessa et Sabrina sont devenues les nouvelles
danseuses du groupe Los Andaluces. Il faut dire que c’est une grande
famille
CMTRA : Comment voyez-vous aujourd’hui l’évolution du flamenco à Lyon : va-t-il rester réservé à la communauté espagnole ?
A.T. : Non, je pense que c’est en train de s’ouvrir. Dans les années
80, nous étions le seul groupe à jouer du flamenco, nous avions
beaucoup de travail. Or, maintenant, il y a une multitude de groupes.
Quant à nous nous n’avons pas de CD, et ceci est notre premier
enregistrement professionnel. Nous sommes un peu en dehors de la
réalité : nous jouons en famille. Notre plaisir est de jouer sur scène,
et quand on sent que le public est réceptif, le plaisir est complet.
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