Voici l’une des plus anciennes familles "flamenca" de Lyon. Réunis autour de leur mère Julia, les enfants forment un clan, une tribu très chaleureuse, que l’on croise dans toute soirée flamenca digne de ce nom. Voici leur histoire, écrite et racontée par eux-mêmes...
CMTRA : Comment la famille Diez est-elle arrivée en France ?
Julia Diez : Mes parents et moi-même vivions à Madrid. J’avais une
passion pour le chant, alors je me suis rendue dans une académie afin
que l’on me compose une chanson au piano. Fait du hasard, ce même jour
un imprésario me remarqua et par la suite me proposa diverses tournées à
travers l’Espagne au coté des plus grandes figures de l’époque : Emilia
Escudero, Gloria Romero, La Niña la Puebla, Luquitas de Marchena,
Adelfa Soto y el Principe gitano. Dans ma famille, j’étais la seule
flamenca, ma mère fredonnait des Fandanguillos. Lors d’une tournée,
pendant que je me préparais dans les coulisses, j’entendis tout à coup
une "solea" très mélancolique à la guitare. L’émotion qu’elle m’a
produite fût telle qu’elle m’entraîna, autour d’un groupe de danseurs de
la compagnie à laquelle j’appartenais. Lorsque je pus enfin entrevoir
le musicien, je fus éblouie par l’être qui interprétait cette "solea". A
partir de cet instant, je n’ai jamais cessé d’aimer cet homme : c’était
Luis, qui deviendra mon époux. Vers la fin des tournées, nous sommes
rentrés sur Madrid. Il reprit ses activités artistiques, car Luis était
le guitariste de l’académie de danse "Antonio Marin", où enseignait à
ses débuts el famoso danseur Guito, et plus tard Antonio Gades, qui
venait s’en inspirer pour de nouveaux ballets. C’était dans le quartier
de "Lavapies", le plus typique y aflamencado de Madrid mais aussi le
plus "chaud" ! Plus tard, mon frère aîné vint s’installer en France avec
son épouse et ils firent venir leur famille. C’est ainsi que nous avons
immigrés en France en 1962, où nous nous sommes installés à Vienne.
El Flamenco m’a tout apporté : il m’a permis de rencontrer un grand musicien doté d’une très grande sensibilité, qu’il donnait dans ses interprétations. Cet artiste fût le père de mes enfants. Lors de sa disparition, tous ceux qui le connaissaient ont été très affectés. Quant à ses enfants et moi-même, nous étions tout simplement anéantis. Mais, j’ai tout fait pour qu’ils n’oublient pas l’être exceptionnel qu’il était... Aujourd’hui, j’éprouve beaucoup de bonheur lorsque je vois notre famille si unie, partageant cette passion qui nous garde tout près de lui...
CMTRA : Et vous Conchi, Luis et Richard, comment vous est venu cet amour du flamenco ?
Conchi Diez : Par papa et maman. Lorsque mon père rentrait de son
travail, il prenait sa guitare et s’isolait pour interpréter du Flamenco
traditionnel : "Tarantos, rondeña, siguiryas, soleares, bulerias". Les
sons qui émanaient de sa guitare étaient comme une plainte émergée du
plus profond. Il touchait directement ma sensibilité. Je m’asseyais près
de lui pour l’écouter jouer pendant des heures, jusqu’à m’endormir sur
ses notes de musique. Il m’enseigna la guitare. Je me suis mise au
chant, peut-être influencée par les chants de maman au quotidien, et
j’ai arrêté de jouer de la guitare pour faire ce que j’aimais :
chanter !
Mon frère Luis reprit le flambeau : c’était un élève attentif aux moindres explications de mon père et il progressait de jour en jour au plus grand enchantement de tous. Nous avons été élevés "en el Flamenco" par la musique elle-même, mélancolique, vivante, chaleureuse et familiale. C’était notre vie, notre manière d’exprimer nos sentiments. A cette époque, je n’avais pas encore conscience de l’impact que le Flamenco allait avoir sur nos vies. Je pense que son inþuence a renforcé nos personnalités.
Mon père décéda en 1974, sa disparition fût une véritable tragédie pour notre famille. Aussi loin que je me souvienne, nous avons toujours eu une adoration pour notre père. Il était reconnu comme "le musicien" dans le monde du flamenco, il avait énormément d’amis qui l’appréciaient non seulement en tant que musicien, mais aussi pour sa générosité, son côté humain, sa grande humilité. Mon frère Luis lui ressemble tellement, et Richard, le petit dernier, le panache de tous, passion, émotions, sensibilité...hérités de sa démarche, de son gestuel, de sa sensibilité et de sa passion pour la guitare. Aujourd’hui, je suis le passé, le présent, et j’essayerai d’être l’avenir de mes parents.
Luis Diez : Mon père m’a appris les bases del flamenco. Si j’avais pu imaginer sa disparition si rapide, j’aurais sans doute été beaucoup plus attentif, mais je n’avais que 12 ans. Durant les mois qui précédèrent cette tragédie, je me rendais chaque jour à l’hôpital : il m’attendait dans la salle de repos avec sa guitare et insistait pour me transmettre ses connaissances, il me les enseignait sur sa guitare, ou me les inscrivait sur tablature. Je conserve tout cela précieusement, comme un héritage. Le dernier "palo" qu’il m’ait appris sur son lit était la "siguirya". Mon père était un très bon guitariste reconnu dans le milieu du flamenco. À cet époque, il y avait aussi Mr José Gomez de Saint Priest, un musicien de la même génération que j’apprécie énormément.
Papa décéda. À la maison, n’ayant pas de moyens pour pouvoir prétendre à l’enseignement d’un professeur, j’ai évolué comme j’ai pu, en m’inspirant de guitaristes tels que Paco de Lucia, Tomatito, Abichuela.
Mon frère Richard avait 8 ans quand il commença seul la danse flamenca. C’était sa passion première, il faisait également el "cajon y las palmas", on sentait déjà en lui un enfant très doué artistiquement. Plus tard, je lui enseignais les bases flamencas à la guitare que m’avait transmises papa. Il a le mérite d’avoir évolué tout seul en tant que musicien, et aujourd’hui en tant qu’interprète, atteignant ce très bon niveau obtenu grâce à sa persévérance et sa passion pour la guitare y el flamenco. Je suis très fier de lui et très ému lorsque je pense aux efforts faits par mon père pour perpétuer cette passion qui fût toute sa vie : el fllamenco.
Richard Diez : J’ai eu l’enseignement de mon frère. J’étais petit quand papa interprétait ses oeuvres musicales, je m’en souviens vaguement. Au départ, je dansais, je faisais du "cajon y las palmas", puis mon frère m’a enseigné les bases de la guitare flamenca. Ensuite, j’ai suivi mon chemin en écoutant des cassettes audios et vidéos de différents guitaristes : Paco de Lucia, Tomatito, Enrique de Melchon, Geraldo Nuñez, Vicente Amigo. Aujourd’hui, je m’inspire encore parfois de ces guitaristes. Je m’exprime au travers de ma guitare tel un oiseau dans l’espace, et je n’ai jamais pensé que la guitare Þnirait par être pour moi ce message entre le ciel et la terre, qu’elle m’apporterait le désir de me reconnaître. J’étudie ce qui est nouveau, j’approfondis ce qui est ancien aÞn de garder les sourires de mon père, qui eux sont restés dans ma mémoire. »
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