Ljube, "Amours et Chants yiddishs"
à l'Amphithéâtre de l'Opéra de Lyon
Entretien avec Anna Kupfer
CMTRA : Anna Kupfer, tu es la chanteuse du groupe Ljube, dans lequel vous interprêtez un répertoire yiddish, comment est né cet ensemble ?
Anna Kupfer : Au début nous étions deux, Bruno Sansalone, clarinettiste, et moi-même. Bruno avait envie d'interpréter la musique Klezmer parce qu'elle est souvent créée par des clarinettistes, et moi j'avais envie de chanter ces textes, par amour pour cette musique. J'ai vécu 20 ans en Allemagne, j'ai voulu me confronter à la période de la deuxième guerre mondiale. Le yiddish est entré en moi par la peau. Il existe beaucoup de chants nés à cette période qui parlent de guerre ou d'amour. Ces deux thèmes me paressent être d'une grande actualité ! Chanter ce répertoire est donc aussi une possibilité d'exprimer ma révolte. Nous nous sommes produits à deux quelques fois, (nous avons par exemple participé à l'inauguration de la cité de la musique à Paris) et très vite nous avons eu envie que cela prenne des allures plus conséquentes.
C'est à ce moment-là que Jean-Louis Chalard nous a rejoint avec sa contrebasse, il nous a donné une meilleure assise en rapprochant les harmonies de l'accordéon et de la clarinette. Puis, j'ai exprimé le désir de lâcher l'accordéon pour pouvoir vraiment me consacrer au chant. Par bonheur Philippe Bourlois est arrivé parmi nous. Puis, parce que 4 est un chiffre trop rond (rire), Alain Chaléard nous a également rejoint avec ses percussions. Maintenant, on nous demande parfois si nous finirons en orchestre symphonique et que personne ne voudrait plus nous acheter parce nous deviendrons trop chers. Cela me donne des idées, mais je crois que ce sera pour une autre vie (rire) !
Cette formation existe maintenant depuis un an et demi, et je pense qu'elle est arrivée à maturité. Quoique Un petit violonOu deux Comme la clarinette, il fait lui aussi partie des instruments voyageurs si chers à cette musique.
CMTRA : Tu as indiqué que tu avais beaucoup de partitions, comment est-ce que l'on trouve les textes, les musiques, les répertoires de tradition yiddish ou plus largement juive ? Quelles sont les sources, qu'est-ce que tu as choisies de ces répertoires ?
A.K. : Ces musiques sont normalement transmises oralement comme beaucoup de musiques traditionnelles, mais par bonheur il y a eu des gens qui ont eu l'idée de les noter, pour laisser des traces. J'ai quand même beaucoup cherché, j'ai trouvé de nombreuses musiques et des textes en Allemagne et dans d'autres pays d'Europe. À Paris, je suis aussi allée à la bibliothèque ME DEM.
La plupart des textes sont transcrits en lettres latines, alors que le yiddish s'écrit avec l'alphabet hébraïque. Cela m'a facilité la tâche même si je connais maintenant l'alphabet, et que je peux lire un peu dans le texte.
Bruno Sansalone a lui aussi cherché des partitions qui sont notées par différents éditeurs, puis, via Internet, nous avons trouvé à New-York de quoi nous réjouir. Au départ j'ai choisi les chansons très spontanément, suivant mon envie et l'état d'âme de l'instant. Ensuite, nous avons choisi des mélodies et des textes un peu plus enlevés, plus rapides pour faire vivre l'esprit de la culture yiddish, "un il pleure et l'autre rit".
Peu à peu, nous sommes devenus gourmands, nous avons rajouté quelques morceaux en judéo-espagnol afin d'avoir aussi cette chaleur-là , celle du soleil, en contraste avec celle d'une "yiddishe mame". Il nous semblait important d'ouvrir. Je tenais également à chanter en allemand, le yiddish a été aussi parlé en Allemagne, pas seulement en Pologne ou en Russie, et j'avais envie de pouvoir chanter ces deux langues, de les rassembler. Je chante entre autres une chanson de Brecht-Eisler, "Marie Sanders", une femme allemande, condamnée pour avoir aimé un homme qui avait les cheveux trop noirs et un texte de Ingeborg Bachmann que j'ai mis en musique.
CMTRA : Ljube, qui rassemble les personnes que tu as nommées, vient de concrétiser toute cette trajectoire d'émotions musicales sur un CD, qui s'appelle "Amour et Chants Yiddishs". Peux-tu nous donner quelques clés supplémentaires à l'écoute de ce CD ?
A.K. : Le CD est un condensé du spectacle qui dure 1h30. On a choisi les morceaux qui nous paraissaient être les piliers du répertoire. Sa réalisation marque un tournant pour Ljube ! Nous l'avons auto produite pour rester tout à fait libres dans nos choix. Chacun s'est investi à sa façon et avec ses moyens. Nous nous sommes fait une preuve d'amour, (encore l'amour). Tout s'est fait très rapidement, nous avons répété dans la foulée de notre décision et nous l'avons enregistré et mixé tout de suite après en studio avec notre complice Emmanuel Sauldubois. C'est Arièle Bonzon, qui a réalisé les photographies et la partie graphique du disque. Le CD est vraiment le reflet de ce que nous faisons sur scène.
Évidemment, un disque est toujours un peu réducteur, chanter, être sur une scène, est tellement plus vivant, on peut faire passer tellement plus d'émotions que sur un disque ou la technique devient très pointue. La scène offre quelque chose de plus, je pense que pour ressentir on a besoin de tous ses sens : des oreilles, de la vue, etc. Le public a besoin de cela aussi. Cependant, je crois que nous avons fait un bon disque et que nous pouvons en être fier.
CMTRA : J'ai cru comprendre, dans les textes que vous avez choisis, qu'il est plusieurs fois question de la mère et de l'enfant. Est-ce qu'il y a une raison, ou est-ce le hasard ?
A.K. : Je suis très surprise que tu relèves cela ! Étant une femme, cela a dû m'échapper ! Effectivement la mère tient un rôle important dans la culture yiddish, comme dans toutes les cultures méditerranéennes. Il existe d'ailleurs une chanson intitulée "a yiddishe mame" qui lui fait largement hommage. Ceci dit, si on fait le compte cela fait trois sur le CD ! Est ce beaucoup ?
CMTRA : Anna Kupfer, on retrouvera Ljube en concert à l'Amphithéâtre de l'Opéra de Lyon, le 9 mars prochain, que dire de votre passage sur cette scène ?
A.K : Je suis très heureuse que grâce au CMTRA nous puissions jouer à l'Amphithéâtre. C'est un lieu prestigieux, et nous espérons parvenir à y attirer des gens de la profession, pas seulement des programmateurs, mais aussi des agents. Car nous recherchons activement quelqu'un qui serait intéressé par Ljube et saurait le promouvoir. L'autogestion est un exercice important qui rapproche les artistes de la réalité, mais le travail d'un agent n'est pas dans mes compétences et j'ai choisi le métier de chanteuse.
Propos recueillis par J.B.
Ljube en concert
- 09/03 : Lyon (69) Amphithéâtre de l'Opéra, à 20h30
rens. 04 72 00 45 45
Contact
Ljube:
Anna Kupfer /
Tél : 04 78 30 14 88
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