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Celtitude
Irlande, musique celtique et identité

Entretien avec Érick Falc'her-Poyroux CMTRA : Erick Falc'her-Poyroux, vous êtes un spécialiste universitaire reconnu, diplômé d'une thèse de doctorat, sur les questions concernant l'identité, la musique et l'Irlande. Vous intervenez sur ces sujets dans le festival Celtitudes. Où en est votre réflexion sur ces questions qui sont passionnantes, des identités, irlandaises en l'occurrence, mais en général des identités dans la modernité ?

Erick Falc'her-Poyroux : D'abord la question de l'identité est, à mon avis l'un des éléments fondamentaux de cette fin de siècle et du siècle prochain. Ce sont de grands mots, mais on a besoin de savoir qui l'on est, et il me semble que connaître un pays, connaître les autres, c'est simplement une manière de se comprendre. Ensuite, vous parlez de modernité, il y a quelque chose qui me gêne très souvent, ce sont les journalistes qui parlent d'un groupe de musique, d'un cinéaste, etc. en disant "entre tradition et modernité".

Cela fait partie des choses que je ne comprends pas bien parce que l'on est en même temps traditionnel et moderne. Lorsque des musiciens irlandais jouent dans un pub, ils sont traditionnels et modernes. Traditionnels parce qu'ils ont un répertoire qui est globalement anonyme, parce que tous connaissent des centaines voire des milliers de mélodies qu'ils ont appris oralement ; et en même temps modernes parce que, par exemple, la musique irlandaise n'aurait pas survécu si le tourisme n'avait pas une influence énorme. L'influence du disque aussi, avec cette grande vague "musiques celtiques" qui vient vraisemblablement des Etats-Unis et sa force de frappe commerciale. Tout cela fait que l'on est en plein milieu de ce qui est à la fois modernité et tradition. Il ne faut pas essayer d'opposer les deux choses, c'est un point d'équilibre entre le passé et le futur, c'est le présent. CMTRA : Vous avez cité la vague de fond celtophile. Elle touche largement les pays d'Europe les plus divers, d'une part les régions d'Europe qui historiquement ont un rapport direct avec la population gaélique d'avant l'invasion anglo-normande, la Bretagne évidemment se réfère largement à un enracinement celtique, mais aussi des régions d'Europe incroyablement éloignées comme le Piémont, le Nord de l'Italie, une partie de Suisse aussi qui se réclament d'un enracinement celtique, et se replacent dans les grands lieux de pèlerinages contemporains, Lorient par exemple...

E.F.P. : Sur les termes "musique celtique", je pense qu'il y a 3 choses à distinguer : la première, qu'est-ce que cela veut dire "musiques celtiques" ? Est-ce que l'on parle des peuples qui sont arrivés en Irlande, il y a environ 3 000 ans ? Cela me paraît assez ridicule d'essayer de savoir ce que ces gens-là jouaient à cette époque. Effectivement, il y a énormément de gens qui peuvent se proclamer celtes parce les peuples celtiques, partis de l'Europe Centrale, sont allés jusqu'en Turquie. Je crois que c'est un problème qui ne se résoudra pas facilement.

Deuxième point : on assiste aujourd'hui à une tentative d'expression à travers une seule vitrine qui est la "musique celtique" ; à priori les musiques celtiques ont des points communs, mais elles sont quand même très différentes les unes des autres. Troisième point : il me semble que les Irlandais ont tendance à monopoliser l'expression "musique celtique", c'est-à-dire que 90% de cette production discographique est de la musique irlandaise. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. Je veux dire qu'aujourd'hui, on trouve dans le monde entier des festivals de jazz, alors qu'à l'origine le jazz est quand même américain ; alors je trouve très positif qu'il y ait un festival de musique celtique à Lyon parce qu'il n'y a aucune raison que ces festivals de musique celtique soient limités uniquement à l'Irlande, la Bretagne et l'Écosse. J'irais même plus loin : il serait intéressant qu'il y ait des festivals de musique celtique à Vienne ou en Lituanie.

Mais globalement je trouverais dommage que les Irlandais monopolisent l'expression "musique celtique", de la même manière que les musiciens classiques ont tendance à monopoliser le terme "musique". CMTRA : Dans ce domaine "musique celtique", que l'on voit se construire depuis des décennies, les Irlandais, en terme de population, n'y sont pas pour grand chose, c'est plutôt le commerce multinational du disque qui s'est emparé de ce terme !

E.F.P. : Deux choses se sont produites en même temps : d'une part, aux Etats-Unis, le fait d'être Irlandais ne signifie plus comme dans les années 50-60, appartenir à une sous-classe de la population, ce qui a commencé avec l'élection de Kennedy bien sûr.

D'autre part, depuis le début des années 90, il faut prendre en compte l'essor économique phénoménal de l'Irlande, le pays qui a le plus fort taux de croissance à l'heure actuelle en Europe, grâce à son économie axée sur le développement de l'informatique. Il y a donc en même temps une sorte d'essor économique et culturel, et une reconnaissance générale qui fait "boule de neige". Ces deux côtés, américain et irlandais, génère une production discographique énorme, avec du bon et du moins bon évidemment. CMTRA : Peut-être pouvez-vous nous éclairer sur ce qui pourrait caractériser la musique irlandaise ?

E.F.P. : La musique irlandaise recouvre énormément de réalités différentes. Cela peut être aussi bien de l'instrumental que du chant, de la chanson d'amour ou de la chanson militante, elle peut-être rurale ou plus récemment urbaine J'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a peut-être pas de définition unique de la musique irlandaise, qu'il n'y a pas une seule façon d'en faire, et donc qu'il n'y a pas une seule façon d'être irlandais. C'est fondamental parce que, depuis leur indépendance en 1921, les Irlandais avaient besoin de s'affirmer, et pour s'affirmer ils avaient besoin d'être unis : on était Irlandais, on était donc comme ceci et pas comme cela.

Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'être Irlandais, cela signifie beaucoup de choses différentes. Cette explication a aussi son importance dans le cadre de l'Irlande du Nord, c'est-à-dire que l'on peut être Irlandais et protestant, Irlandais et catholique, Irlandais et juif ou athée, mais être Irlandais quand même. CMTRA : D'un point de vue musicologique, vous avez pu dégager des structures, des traces qui pouvaient signer une appartenance irlandaise à coup sûr ?

E.F.P. : Ce n'est pas vraiment mon domaine, puisque je m'attache surtout à comprendre une société à travers sa musique. Mais pour la publication de ma thèse l'année prochaine chez l'éditeur ArMen, en coopération avec Coop Breizh, j'ai délégué la partie musicologie à une professeur de Cambridge qui s'appelle Ann Buckley parce que je ne me sens pas suffisamment compétent dans ce domaine. Je suis compétent s'il faut expliquer à une salle combien de cordes comportait une harpe, combien de harpes il nous reste, de quelle date etc., mais au-delà je craindrais d'être imprécis. CMTRA : Si la musique irlandaise est difficilement définissable, elle est parfaitement reconnaissable par un public de plus en plus large, des adolescents qui se trouvent une passion, une vocation à découvrir et à pratiquer ce répertoire et les instruments de tradition irlandaise. Ils n'ont aucun critère au préalable, ce ne sont pas des musicologues, par contre ce sont des passionnés. Qu'est-ce qui constitue ces vocations qui sont de l'ordre de l'irrationnel et qui jettent les amateurs dans une "irlandophilie pratiquante" ?

E.F.P. : Vous disiez que c'était un peu de l'ordre de l'irraisonné, il y quand même un côté objectif qui est la musique elle-même, la musique qui présente comme intérêt de permettre plusieurs approches différentes : des chansons rapides ou lentes, des chansons militantes ou d'amour, des rythmes différents, etc. C'est le côté objectif, une musique entraînante, dansante, et qui par moment laisse la place à l'émotion.

D'un autre côté, pourquoi les gens s'attachent-ils à cette image de l'Irlande ? Cela tient peut-être au fait que l'Irlande a très longtemps été présentée à travers une image américaine, nostalgique. Qui dit nostalgie dit nécessairement présentation du seul côté positif, sans voir le côté pauvreté de la ruralité. Je pense que cela a déteint un peu sur l'Europe.

D'autre part, plus récemment, on constate que les touristes (surtout les Allemands) se précipitent en Irlande pour voir les derniers vestiges de la ruralité européenne, avec le Portugal et la Grèce. Il y a un petit côté "retour aux sources" que les touristes adorent, mais que les Irlandais n'aiment plus du tout. L'Irlande aujourd'hui, c'est presque 60% de la population qui vit en zone urbaine, ce n'est plus le pays totalement rural que l'on décrit parfois. Il y a donc ces deux côtés, objectif et subjectif, et puis la nostalgie américaine, puis d'influence touristique européenne. CMTRA : Depuis les années 70, on connaît une vague de fond, chez les amateurs de musiques traditionnelles, d'un intérêt pour les musiques traditionnelles irlandaises. On l'a vu sur 25 ans, 30 ans, les bacs " musique celtique " s'allongeaient. Il est envisageable qu'un jour ou l'autre, il y ait un revers d'intérêt. Peut-être que les intérêts se déplacent, est-ce que vous avez noté des choses qui allaient dans ce sens-là ?

E.F.P. : Il me semble qu'on a eu une première vague dans les années 70, un creux dans les années 80 et une puissante lame de fond dans les années 90. Même si le phénomène retombe, il laissera des traces. Il y a une production culturelle derrière, les gens se sont aperçus que c'était intéressant, on a pu voir Dan Ar Braz chanter en breton à l'Eurovision, même si ce n'était pas exceptionnel, on a vu "Riverdance" faire un tabac dans le monde entier (sauf en France).

Il restera quelque chose, même si les gens se déplacent vers la musique yiddish, par exemple. Pourquoi pas la grande mode de la musique yiddish dans 10 ans, dans 20 ans, ou de la musique portugaise, brésilienne ? À la limite ce n'est pas une vague qui va en remplacer une autre, c'est une vague qui va se superposer à la première, et peut-être que les gens vont s'apercevoir qu'il y a beaucoup de choses qui se passent. J'ai le souvenir extraordinaire d'avoir emmené, lorsque j'étais professeur d'anglais en lycée, de jeunes assistants anglais et américains en fest noz en centre Bretagne. Ils étaient effarés, ils ne soupçonnaient même pas ce genre de chose, ils étaient comme sur une autre planète. Et ils trouvaient ça fabuleux. Maintenant, ça commence à se savoir. Pas partout, pas tout le monde, mais on commence à savoir que cela existe. Ajoutons à cela que des gens commencent à savoir ce qui se passe au Portugal ou au Brésil ou parmi les Yiddishs, ma foi, tant mieux, cela fera une mosaïque. Propos recueillis par J.B. Festival Celtitude du 7 au 25 Mars

VILLEURBANNE (69) - 07/03 : Atelier de danse irlandaise avec La Campanule - 14/03 : soirée d'ouverture, concert de Mirror Field. - 17/03 : Concert-bal de la St-Patrick avec Courant d'Eire. - 21/03 : Atelier de danse irlandaise avec La Campanule. - 23/03 : Conférence-concert " La Musique irlandaise ". - 24/03 : Fest-noz avec Mords le Vent 1ère partie avec Robert le Diable. - 24-25/03 : Stage d'initiation aux danses de Bretagne avec Mords le Vent exposition " Paysages et musique d'Irlande de Didier Charles. Programme sous réserve de modification Contact

Celtitude: Tél : 04 74 98 19 87

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