Lettre d'information n°46. Eté 2002 C'est une course qui commence...
Le nouveau CD de Zipcode 2025
Entretiens avec Christian Labonne et Gilles Rézard
CMTRA : Pouvez-vous nous dire dans quel contexte sort votre nouvel album ?
Zip Code 2025 : On a commencé en 1997, et sorti un CD en 1999. Le nouveau CD vient juste de sortir, les morceaux se sont construits petit à petit, nous avons enregistré Ün 2001-début 2002. Le CD est en dépôt dans les deux Fnac et chez Virgin à Lyon. La société Esprit Musik nous aide dans la recherche d'un contrat de distribution et de promotion. Elle fait le lien entre des maisons de disques, des labels et des groupes.
Vous invitez toujours des musiciens sur vos CD ?
Z.C. : C'est vrai. Gilles Rézard a joué du banjo avec nous sur un morceau. La formation est stable depuis le début mais notre mandoliniste a décidé de partir et l'enregistrement était l'occasion d'intégrer Gilles au groupe.
Nous avions envie d'avoir du violon sur deux morceaux, et notre ami Patrice Lacaud à l'accordéon.
Il sera d'ailleurs avec nous sur scène au Festival de Craponne pour quelques morceaux.
Ce sera notre gros concert de l'été. Tu connais le festival de Craponne sur Arzon ?
Non, mais vous allez m'en dire quelques mots ?
Z.C. : C'est un des plus gros festivals en France et en Europe de country, folk, bluegrass avec 15 000 spectateurs l'an dernier sur les trois jours du dernier week-end de juillet ! L'an dernier nous étions au Off, et cette année nous sommes sur la grande scène, le 27 juillet.
Vos deux disques sont assez différents, comment avez-vous évolué depuis le premier CD ?
Z.C. : Nous n'avons plus que des compositions en français, alors que dans le premier, il y en avait encore quelques-unes en anglais, l'obstacle étant que tout le monde ne comprend pas ce qu'on dit. Quand tu chantes en anglais, les gens sont réceptifs à la musique, en français, les gens écoutent les paroles, mais il ne faut pas qu'ils oublient la musique non plus ! Et nous voyons la différence avec les compositions en français : le public est réceptif d'une autre manière.
C'est une course qui commence (comme une valse hésitante), pourquoi un titre aussi long et étrange ?
Z.C. : C'est une course qui commence est un extrait de la dernière chanson de l'album, Dis-moi si. C'est une histoire d'amour qui commence et on ne sait pas bien où ça va aller. Et là , ça peut aussi être une histoire entre nous et le public par exemple, ou le succès. Et enfin, il y avait un rapport avec les petites bêtes sur la pochette que notre graphiste a réalisée. On trouvait ça drôle ces bêtes qui n'ont pas l'air d'aller très vite, c'est un peu nous, on fait des choses à notre vitesse, mais on avance (!)
Pour les gens qui ne connaissent pas la country et le bluegrass, comment définissez-vous cette musique en général, et la vôtre en particulier ?
Gilles Rézard : Ces deux musiques ont deux histoires différentes, elles s'influencent un peu, mais ce ne sont pas les mêmes répertoires. Le bluegrass est un mélange de styles, d'une part avec les musiques des montagnes, très roots, très traditionnelles, d'autre part avec la musique celtique, ragtime, gospel. C'est une entité bien à part, et localisée. La country, ce n'est pas le même propos dans l'esprit, c'est plus de la musique de ville, électrique, qui se danse beaucoup.
En France, c'est la mode des danses en ligne, les « line dances ». Il y a tout un folklore autour de la musique country, qu'on ne trouve pas en bluegrass, une convivialité mais aussi une mise en scène, les chapeaux, le décorum. La musique country est une musique de blanc, alors que le bluegrass est hyper influencé par les musiques noires américaines.
Christian Labonne : La musique country est plus easy-listening. Certains artistes sortent un album aux Etats-Unis et reprennent l'instrumentation pour la sortie en France, en enlevant par exemple de la pedal steel et en ajoutant d'autres instruments, pour obtenir une instrumentation vraiment «variet». Même excellemment exécutée et très bien chantée, certains artistes sont extrêmement ennuyeux. S'il n'y a pas d'émotion, c'est dommage.
G.R. : Il y a des musiciens qui s'amusent bien en musique country. C'est vrai que c'est beaucoup plus rigide que le bluegrass, lourd même au niveau du rythme, c'est martelé par la basse et la grosse-caisse en permanence. C'est une musique essentiellement pour danser.
C.L. : Si les line dancers s'ennuient pendant les concerts de bluegrass, c'est parce qu'ils n'ont pas assez le beat de la batterie. Et nous, nous n'avons toujours pas de batteur...
G.R. : Certains arrivent très bien à danser sur du bluegrass, mais ils sont parfois plus gênés.
C.L. : Zip Code, dans le petit monde du bluegrass, passe pour un groupe un peu particulier. On compose et on fait des reprises bizarres.
Parce que vous chantez en français ?
Z.C. : C'est vrai que ça ne se fait pas trop d'écrire des morceaux en français dans ce type de musique. En France, on les compte sur les doigts de la main. De plus, on met dans notre répertoire des morceaux qui viennent du bluegrass, et des morceaux qui ne conviennent pas du tout à certains puristes. Il y a deux optiques, l'optique CD pour mettre en avant nos compos, et l'optique concert avec plus de reprises traditionnelles bluegrass, et aussi plus fantaisistes. C'est aussi pour que les gens se disent « Tiens, je connais ce morceau ». C'est bien d'intéresser les gens, même si les morceaux sont arrangés à notre manière.
Sur scène, on essaie d'être pas trop ennuyeux, il y a certains groupes de bluegrass qui ne font qu'une suite de morceaux en concert, nous on essaie de donner un peu plus. Le concert, c'est aussi l'occasion d'être un peu plus conviviaux, de communiquer avec le public.
Votre public est celui du bluegrass en général, ou est-il différent ?
C.L. : Il y a peu de groupes de bluegrass en France, donc les gens qui aiment ce genre de musique viennent nous voir, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes sur la région. Mais les spécialistes de bluegrass constituent une très petite part de notre public. On joue essentiellement devant des gens qui ne connaissent pas bien cette musique. L'exception, c'est par exemple à la Grange Rouge, entre Mâcon et Chalons-sur-Saône, où beaucoup de gens connaissent bien le bluegrass. Il y a une grande rencontre de bluegrass une fois par an et des ateliers de musique traditionnelle, le reste de l'année. Mais à côté de ça, on joue dans des endroits où il y a un public plus varié, un peu comme aux Jeudis des Musiques du Monde au Jardin des Chartreux l'an dernier. Ce sont plus des gens qui ont envie d'écouter de la musique et qui sont un peu curieux.
G.R. : il y a toujours une petite proportion de gens qui ont écouté du bluegrass pendant une période, ou qui en écoutent occasionnellement, et qui connaissent tel groupe américain ou tel groupe français, en tout cas qui s'intéressent à cette musique-là et la suivent de près ou de loin.
Il y a tout de même un réseau bluegrass en France ?
G.R. : C'est un petit réseau, quelques centaines de personnes, des gens qui se connaissent pour la plupart, qui sont actifs au niveau musical et associatif. C'est un petit monde qu'on retrouve dans les festivals spécialisés, comme à la Grange Rouge par exemple, avec des groupes bluegrass qui viennent jouer en bonne amitié, et parallèlement des groupes de folk français qui ont la même démarche. Ce qui provoque des rencontres intéressantes.
Vous avez déjà joué aux Etats-Unis, comment votre musique est-elle perçue par les américains ?
C.L. : Nous y sommes allés deux fois. La première fois il y a une dizaine d'années avec Coyote 2024, et nous y sommes retournés, il y a deux ans, invités par le guitariste de Shady Grove, que nous avions fait venir également sur Lyon. Nous avons fait six concerts, dont un dans un festival.
Nous avons fait quelques chansons en français, mais pas trop, pour montrer que cela se faisait, sans risquer de lasser le public américain, le reste du répertoire était constitué principalement de reprises. Mais les américains étaient flattés de savoir qu'on jouait cette musique en France. Nous allons peut-être y retourner en octobre, c'est un projet avec l'IBMA (International Bluegrass Music Association). C'est intéressant d'échanger avec des gens qui font cette musique et qui la connaissent bien.
Comment procédez-vous pour composer ?
C.L. : L'habitude qu'on a pour le moment, c'est de composer individuellement. Gilles, tu as déjà écrit des morceaux collectivement ?
G.R. : Jamais en relation étroite. J'ai écrit récemment une musique sur des paroles qu'on m'a soumises, mais ce n'est pas ce que j'aime le plus faire, là c'était presque une commande. Mais quand on a des paroles qui nous touchent vraiment, on prend le temps de mettre la musique en phase avec les mots, quitte à faire retoucher les paroles par l'auteur. C'est quelque chose que je n'ai jamais fait, mais c'est sûrement un travail très intéressant.
C.L. : C'est difficile parce que c'est quand même très personnel. Même les cassettes d'idées, j'hésite déjà à les réécouter, alors les faire écouter à quelqu'un d'autre, je trouve ça impudique... En général, on présente aux autres quelque chose de déjà un peu abouti.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Z.C. : Le plus important, c'est d'essayer de monter en puissance au niveau des concerts qu'on donne, et essayer d'étendre notre périmètre d'activité. On voudrait essayer de jouer dans des endroits qui assurent de bonnes conditions de concert car c'est important aussi pour le public. On voudrait aussi trouver auprès des médias plus d'écho, et être distribués. L'autoprod est très bien parce qu'on a la liberté totale de ce qu'on fait, si le disque est produit par une maison de disques, il peut y avoir plus de contraintes. Être distribué, c'est un confort, mais une distribution seule n'offre aucun intérêt si elle ne s'accompagne pas d'une promotion.
G.R. : Les choses vont à leur petit train, on travaille sur des choses à la fois musicales et scéniques.
C.L. : On se demande si on ne ferait pas un spectacle, quelque chose de visuel, un truc plus scénique, mis en scène. Et continuer à écrire des morceaux, parce que cet aspect nous intéresse beaucoup. Si nous nous sommes mis à chanter en français, c'est d'abord dans un souci de communication avec le public, et nous aimons composer. Nous voulons donc continuer dans cette voie, tout en augmentant la qualité des concerts.
Propos recueillis par P.D.J.
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