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Festival rigodonaïres
Patrimoine et rigodon en Sud-Isère

Entretiens avec Jean-Paul Biessy CMTRA : L'association Bise du Connest organise pour la 4e année consécutive un festival autour des musiques et danses du Rigodon. Vous travaillez également et avant tout sur la sensibilisation autour du patrimoine rural et local. Pouvez-vous nous présenter votre association et ses différentes activités ?

Jean-Paul Biessy : L'association a été créée en 1994 par une petite poignée de gens, autour du patrimoine. Bien entendu, nous parlons de patrimoine montagnard au sens global de patrimoine culturel, naturel et environnemental, puisque je suis moi-même impliqué dans le développement local et l'environnement local depuis 25 ans.

L'association travaille sur la connaissance et la découverte du patrimoine montagnard sud-iserois, et aussi sur sa retransmission auprès des publics, que ce soit des publics scolaires, jeunes ou adultes, de toute nature et de toute provenance, autant des circuits touristiques que des gens qui viennent ici en vacances ou sur des publics locaux, à l'occasion de fêtes d'été ou de fêtes familiales, fêtes de four à pain, fêtes de mariage, d'anniversaire etc... Le volet « culture, musiques, chants et danses traditionnelles » est un des aspects importants en volume de travail et d'intervention tout au long de l'année, et notamment lors du festival.

Sinon, nous intervenons à la demande pour tout type de fêtes locales, afin de faire revivre cette fête d'antan, surtout pas sous forme de spectacle, mais beaucoup plus sous forme d'animation active et participative, où nous essayons de mettre de la joie et du lien entre les gens qui sont là autour de ce patrimoine chanté joué et dansé. Les chansons s'articulent en partie sur des textes en patois, puisque les textes de certains rigodons sont écrits entièrement en patois. Où avez-vous trouvé tout ce répertoire ? Avez-vous fait des recherches particulières ?

Il est vrai que ce n'est pas arrivé tout seul. Cette culture avait plutôt tendance à disparaître, et heureusement il y a eu un premier groupe, « Rigodons et Tradition », qui a beaucoup travaillé sur le collectage auprès d'anciens sur des secteurs reculés de montagne : du Vercors aux Hautes-Alpes, en passant par le Trièves, le Beaumont et également la Matheysine. Ce sont surtout eux qui ont fait de la recherche et du collectage.

Pour notre part, c'est à l'occasion de contacts lors des fêtes de village par exemple que nous retrouvons également des choses qui ne sont que très parcellaires aujourd'hui, puisque malheureusement beaucoup d'anciens qui avaient encore cette culture dans leur mémoire disparaissent ou ont déjà disparu. Quelques livres d'histoire locale ont également cité quelques chansons qui avaient été écrites ; en revanche au niveau des musiques quasiment rien n'a été mis par écrit.

C'est un peu tous ces morceaux de collectages des uns et des autres qui font que nous avons réussi à retrouver des choses qui restent à priori assez authentiques et assez différentes de ce qu'a pu faire pendant longtemps « La Delphinane » qui, elle, a fait beaucoup de spectacles de danse dauphinoise, mais d'une manière très chorégraphiée et modernisée, donc transformée. Concernant le festival, pouvez-vous nous présenter son originalité et les différents thèmes abordés ?

Le festival concerne cinq cantons du sud de l'Isère, avec cinq ou six sites, et s'étale sur tout l'été, c'est-à-dire que ce n'est pas un festival groupé en lieu et en temps, mais un festival plutôt éclaté avec divers partenaires, divers lieux et des sous-thèmes sur chacun des lieux.

Ces thèmes s'axent beaucoup sur l'histoire rurale, mais aussi culturelle. Par exemple sur le canton de Clelles autour de Giono, on travaille en partenariat avec la Maison du Mont-Aiguille (relais d'information du parc du Vercors) : « le sentier Giono » qui sera découvert par un des textes de Giono - Découverte d'un site avec lecture de passages d'Un roi sans divertissement que l'on souhaite faire connaître. Mais le pays sera découvert aussi sous l'angle du paysage, de la montagne, de la forêt, de la faune, de la ëore. Sur chaque site, le festival prendra la forme d'une journée ou deux, dont une grande partie se passera à l'extérieur sous forme d'itinérance, bien sûr axée sur le thème : par exemple le chanvre sur le secteur de Mens dans le Trièves. On va donc redécouvrir, sur le terrain, la culture de cette plante qui redémarre et qui sert à de nombreux usages : les vêtements, des produits d'isolation et même des boissons.

Il y aura également la visite d'un ancien moulin à huile. Des choses se dérouleront à l'intérieur comme une exposition sur le chanvre au musée de Mens, des visites du bourg ancien de la ville de Mens. Le soir ce sera la partie la plus festive avec apéritif, buffet du terroir et produits locaux, et le bal dauphinois clôturera la journée pour terminer tous ensemble dans une ambiance sympathique.

Nous proposons de retrouver cet esprit d'autrefois, après la journée de travail qui se passait à l'extérieur, que ce soit lors des moissons ou des fenaisons ou d'autres cultures, en finissant la journée par la fête tous ensemble avec la convergence de différents groupes qui ont fait des activités dans la journée et qui se retrouvent le soir pour manger, boire, chanter et danser ensemble. Et cela fonctionne bien ?

Cette quatrième expérience commence à prendre de l'ampleur. Les deux premières années s'étaient limitées sur un site, avec deux ou trois animations, uniquement en soirée.

Maintenant on touche plus de public et l'on sent que celui-ci répond, qu'il recherche ce type de « retrouvance », de racine ou d'histoire d'un pays dans lequel on vient passer des vacances. C'est découvrir un pays mais sous sa forme historique et culturelle en ayant des contacts avec les habitants. Ce n'est pas que découvrir en traversant et en allant consommer du lac, de la montagne ou d'autres lieux de séjour ou d'activités. Donc à chaque fois, c'est vraiment à partir de quelque chose de particulier au pays. Pourquoi avoir choisi ce titre « Rigodonaïres » ?

C'est un terme de patois qui est à consonance locale, bien sur à partir du mot rigodon. « Rigodonaïre », c'est la fête, la rencontre autour du rigodon, qui est « la » danse de notre région, un peu ce que la bourrée est pour l'Auvergne.

Mais ce n'est pas uniquement cela que l'on développe puisqu'il y a dans cette culture de deux siècles en arrière, les rigodons et puis un petit moins en arrière dans le temps, d'autres danses comme les valses, les polkas, les scottishes, les mazurkas qui sont des morceaux de musiques dauphinoises créées dans les montagnes des Haute-Alpes, Trièves, Vercors, Matheysine, Beaumont. L'initiation à la danse fait-elle partie du programme ?

Il y aura sur quelques sites un atelier d'initiation qui aura lieu dans la matinée ou en après-midi et qui permettra aux gens qui auront vécu ce moment-là de revenir le soir avec déjà une base de ces danses dauphinoises. Bise du Connest est également le nom du groupe qui animera la plupart des bals lors du festival. Est-ce une volonté de votre part ou une contrainte ?

Pour l'instant le groupe a le même nom que l'association, et c'est lui qui animera toutes les soirées. Étant donné que nous n'avons pas de financements extérieurs suffisants, on ne peut pas se permettre de faire venir d'autres groupes.

Avec la promotion de l'an dernier, nous avons été contacté et sollicité par de nombreux groupes et des artistes comme des conteurs, qui sont intéressés par la dynamique et qui souhaiteraient intervenir, mais pour l'instant les moyens ne le permettent pas.

Par contre si cela prend plus de reconnaissance et plus d'ampleur, (donc de budget), ce sera tout à fait bienvenu de faire intervenir d'autres groupes pour sortir de nos trucs habituels et s'ouvrir à d'autres styles. On peut voir fleurir un peu partout et de plus en plus de fêtes dites « à l'ancienne », fête du picodon, fête de la pomme, fête du four à pain. Comment se situe votre démarche par rapport à cette tendance ?

Il est vrai que souvent les groupes sollicités pour ce genre de fêtes et festivals sont plus souvent prestataires d'une intervention sur un lieu donné mais sans qu'il y ait un investissement plus global. C'est-à-dire que les organisateurs ont leur dynamique mais les gens qui interviennent sont souvent une pièce rapportée qui arrive et qui fait son truc et puis qui repart. Alors que dans notre cas, il y a une dynamique collective, même si ce n'est pas toujours évident de mettre dans le coup les partenaires locaux.

L'idée est donc de diffuser toute cette culture locale de manière large auprès de différents publics autochtones et vacanciers en séjour touristique chez nous l'été, mais pas de manière isolée et sous forme de prestation de service. Il s'agit beaucoup plus d'un projet partenarial avec des partenaires agricoles comme les producteurs locaux, des collectivités locales, des associations de patrimoine.

Nous voulons que l'ensemble soit un projet large et cohérent en même temps, qui réponde à la fois à cette demande des gens de retrouver des racines, mais aussi qui montre que cette région, elle vit, qu'il y a la possibilité d'accueillir des gens qui viennent en vacances et de leur faire découvrir ces paysages, leur histoire etc... C'est dans cette dimension que nous souhaitons nous inscrire, dans le développement local, ce n'est pas que la culture pour la culture ou l'animation pour l'animation. C'est vraiment une dimension importante de l'histoire des gens que nous souhaitons valoriser : notre avenir, on ne peut le construire qu'en partant de notre histoire et de nos racines.

Comment est-ce que l'on peut développer de nouvelles choses qui soient tournées vers l'avenir mais qui prennent en compte cette dimension-là ? C'est ce que nous cherchons à développer. Propos recueillis par M.P. Festival Rigodonaïres du 20 juillet au 30 août 2002 Contact

La Bise du Connest

Le Cardava 38144 Notre-Dame-de-Vaulx

Tél./Fax : 04 76 30 68 18


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