Musiques sous influences à Saint-Fons,
Nord-Sud : Jean-Pierre Yvert et Jacques Mayoud
Entretien avec Claudine Pellé,
metteur en scène
CMTRA : Claudine Pellé, votre mise en scène du spectacle Nord-Sud suppose un itinéraire particulier...
Claudine Pellé : Oui, j'ai plutôt fait des mises en scènes d'opéra, en tous cas toujours avec des musiciens ou des chanteurs. J'ai beaucoup travaillé sur les époques baroques. On y retrouve cette relation entre la musique, la danse et le théâtre sur scène. En tant qu'interprète et metteur en scène, on doit avoir la connaissance de tout cela.
CMTRA : Avez-vous croisé le chemin de Francine Lancelot, "la" spécialiste française de la danse baroque ?
C.P. : Oui, j'ai rencontré Francine Lancelot en 1981. Mais j'avais commencé à travailler avec Philippe Lenaël sur le théâtre du XVIIème siècle, et à me former à la gestuelle avec un vieux monsieur australien, Dean Barnett, bien avant. Puis j'ai fait partie de la Cie Ris et Danseries pour qui j'ai établi la gestuelle baroque. Nous avons d'ailleurs présenté un spectacle à la Maison de la Danse qui à l'époque se trouvait à la Croix Rousse, à Lyon.
CMTRA : C'était un très beau spectacle en effet. Comment s'est passé le contact avec Nord-Sud ?
C.P. : C'est en les voyant jouer sur scène à Paris. J'ai été transportée par leur musique, il m'a semblé possible, d'emblée, de prolonger ces sonorités, ces ambiances, par des gestes, des corps qui bougent. Je suis originaire de Tunisie, j'ai voyagé dans le Hoggar avec les touaregs. Enfin je suis dans tout ce qui est danse, pas forcément "danse contemporaine", mais aussi dans cette recherche sur les "pas" de danse, et la gestuelle, que ce soit dans les danses populaires, orientales, baroques, ou dans le tango... Je suis passionnée aussi par le Sacré, par les rituels. Pour moi le point de départ, c'est la Tragédie grecque. Tout ceci n'a fait que renforcer cette rencontre avec Jacques et Jean-Pierre.
CMTRA : Pour Nord-Sud, comment avez-vous travaillé avec les musiciens : sans micros, uniquement autour d'instruments acoustiques ?
C.P. : Les instruments ne peuvent pas être posés à terre Il y aura toute une recherche de suspensions, intégrées dans la scénographie. J'aimerais créer une espèce de calligraphie dans l'espace, ou peut-être quelque chose de japonais, proche du Théâtre No, dans sa structure et son intensité, mais aussi de la danse indonésienne, par sa fluidité, et qui est ma pratique actuelle. Mais ce seront avant tout les mouvements des musiciens, et leur façon d'être " dans leur musique " qui ressortiront. Ce qui est le plus difficile, c'est d'entrer dans leur monde et de voir comment petit à petit, on peut faire ressortir, renforcer, ce qu'ils révèlent par leur musique, et qui déjà se trouve dans leur corps. Ils ont déjà une belle présence sur scène, à la fois ludique et dramatique, parfois. Le but est de faire grandir tout cela vers une théâtralisation.
CMTRA : La thématique du spectacle - le Nord, le Sud -, est-elle facile à explorer pour un metteur en scène ? En d'autres termes allez-vous poser une boussole géante au Volume Variable ?!
C.P. : Je vais essayer , en m'inspirant du propos de "Nord-Sud, fragments de route", de théâtraliser cela sans que ce soit forcément visuel au sens du théâtre actuel : il n' y aura pas de grandes images très précises, et complètement signifiantes. J'essaierai de proposer cela sous forme d'images, images toujours en mouvement, et en travaillant beaucoup avec la lumière. Le travail de Bruno Prothon, qui fera la création lumière, est essentiel.
J'emploierai plutôt le terme de "signes" que celui d'"images" : les signes sont présents dans un corps, dans l'espace, avec une lumière qui revient sur un geste, et qui devra dire une expression et donner un autre langage que la musique. Raconter un homme seul dans un espace, ou la rencontre entre ces deux hommes, ou la rencontre de tous les hommes sur la terre : Jacques et Jean-Pierre parlent beaucoup de cela. Mais cela rejoint peut-être la rencontre avec son monde intérieur ?
CMTRA : On a compris que finalement, Nord-Sud n'est qu'un prétexte pour une échappée vers des horizons nouveau ? C'est du reste le thème général de "Musiques sous Influences" à Saint-Fons ?
C.P. : Un prétexte quand même très important, car c'est de cette rencontre, de ce métissage dont ils parlent dans leur musique. L'intérêt, c'est la rencontre entre deux mondes, entre deux cultures. Mais ce que chacun donne de lui-même, dans sa musique et dans ce que peut apporter la mise en image, tout cela constitue finalement les "fragments de routes".