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Nocturnes Indiens
La Musique des Autres

À l'occasion du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Inde, Nocturnes Indiens et La Musique des Autres présentent un concert de musique carnatique le mardi 11 novembre avec le célèbre flûtiste Natesa Ramani. Nous avons demandé à Pascal Burianne de nous proposer quelques clefs pour comprendre et apprécier une musique dont l'universalité suffit pourtant, et souvent, à l'adopter, sans retenue ni connaissance. QUELQUES ÉLÉMENTS POUR APPROCHER LA MUSIQUE CLASSIQUE DE L'INDE DU SUD OU "MUSIQUE CARNATIQUE". Origine La musique indienne trouve son origine dans les Vedas, textes sacrés écrits dans la langue classique de l'Inde, le Sanskrit, et cela environ 4000 ans avant J.C. Le Rig Veda (le savoir du chant) est à l'origine du chant. Le récitatif devient premier chant, sur un ton puis sur deux, et ainsi sont transmis les textes, rites, invocations et mythes qui nous parviennent préservés et inchangés depuis des siècles.

Le Sama Veda (le savoir des mélodies) est la base de la musique indienne comprenant les structures mélodiques et rythmiques, le solfège et d'autres moyens techniques utiles à la composition et l'interprétation.

En Inde la musique et la danse se sont développées pendant des siècles de tradition continue sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, on distingue deux systèmes musicaux : la musique Hindusthani qui désigne la pratique musicale du Nord et la musique Carnatique au Sud de l'Inde, c'est à dire les états du Tamil Nadu, Andhra Pradesh, Kerala et Karnataka. Ces termes apparaissent au XIIe et XIIIe siècles.

De fait, l'Inde du Nord fut envahie par des chefs musulmans venus d'Asie Mineure. Les dirigeants s'installèrent au Nord, et petit à petit, les contacts entre les envahisseurs et les indiens engendrèrent des changements dans l'ordre social. L'interaction culturelle s'accentua avec l'établissement de l'empire Moghol. La musique du nord de l'Inde, tout comme la peinture et l'architecture, subit les influences des styles persan et arabe et il en résulta un style de musique complètement nouveau. Il s'agit de la musique Hindusthani, soit littéralement &laqno;la musique de l'Inde».

Pendant ce temps au Sud, la musique continue son développement dans le sens de l'impulsion originale, sans influence extérieure, et fut appelée musique "carnatique", ce qui signifie &laqno;ancienne» ou &laqno;traditionnelle», dans la langue Tamoul qui est parlée à Madras, dans l'Etat du Tamil Nadu.

Bien que ces deux systèmes soient constitués des mêmes éléments fondamentaux, le style, l'approche et la forme de l'élaboration donnent à chacun sa couleur et ses caractéristiques particulières. Définition et évolution La musique indienne du Nord ou du Sud, est une musique monodique, c'est-à-dire toujours exécutée à une seule voix. La musique chantée ou jouée reste le plus proche de l'expression humaine. La voix est considérée comme un instrument, l'instrument fondamental. C'est le moyen d'expression par excellence. Ainsi, toute musique existe suivant le principe de la voix. On reproduit à l'instrument ce qui est chanté et réciproquement.

Ainsi, le répertoire est commun aux chanteurs et aux instrumentistes. Purandara Dasa (1484-1564) codifia la musique carnatique. Il établit le côté théorique et la mise en forme. Il est un peu le père de la musique carnatique qui est interprétée aujourd'hui. Purandara Dasa composait des poèmes en l'honneur du dieu Vishnu. Il devint très populaire, son style se propageât et ses &laqno;Kritis» -qui est le nom donné au genre de ses compositions- sont aujourd'hui interprétés par les musiciens contemporains. Purandara Dasa à su développer ce que Basava (1125-1167) posait déjà comme les prémices des &laqno;Kritis». Il fut lui aussi un grand compositeur de poèmes shivaïtes. Inspiration La musique de l'Inde est d'inspiration sacrée. Elle invoque ou est dédiée aux divinités de l'Hindouisme. Dès les temps védiques, les récitations des textes sacrés ne prenaient une valeur d'efficacité que si elles étaient modulées et accompagnées de variations mélodiques particulières. Le son comme vibration revêt-là toute son importance comme évocateur et créateur. A un son &laqno;directeur» étaient raccordées des intonations vocales. C'est sur de telles règles que fut élaborée la langue sanskrite. C'est le début de la musique chantée et par extension de la musique instrumentale indienne à venir. Enseignement et improvisation L'apprentissage de la musique indienne débute avec le chant. Puis l'étude de l'instrument se fait à partir des connaissances acquises par le biais du travail vocal. Il s'agit de pouvoir transposer sur l'instrument ce qui est chanté. Traditionnellement, l'élève reste auprès d'un maître qui lui enseigne valeurs et techniques de la musique.

Cela peut durer des années. Le système musical indien est complexe à noter (partition), car il comporte des éléments difficiles tels que les polyrythmies. Chaque type de frappe est représenté par une syllabe. L'écriture est donc schématique; elle sert d'aide-mémoire.

L'enseignement par transmission orale est considéré comme la seule voie réelle. Lorsque l'élève devenu musicien donne un concert, il exprime, grâce à ses qualités techniques et sa perception de modes musicaux, son sentiment, son idée, son concept personnel de la pièce musicale choisie. C'est l'improvisation pure qui est une part importante de la musique indienne.Cette improvisation peut exister à partir d'un cadre musicale fixe et précis (ragas), ce qui permet au musicien de faire de chacun de ses concerts un moment unique C'est véritablement une aventure vécue entre le public et les musiciens, qui implique l'impossibilité de connaître à l'avance le programme du concert. Quelques termes de la musique carnatique : Raga : mode dans lequel s'exprime l'état intérieur du musicien. De façon plus technique, le Raga est une échelle mélodique avec une note fondamentale et plusieurs autres notes dont les hauteurs varient. Le Raga c'est "ce qui plaît à l'esprit".

Un Raga a un caractère et sa personnalité propre est diversement créée; c'est un complexe sonore correspondant à un état d'âme particulier. Tala : ce sont des cycles rythmiques comprenant un certain nombre de temps divisés en plusieurs parties, répétées dans le même ordre. L'habileté de l'accompagnement des percussionnistes crée la surprise. La précision de l'arrivée sur le Sam (ponctuation claire et la plus énergique du cycle) après des variantes très étendues est étonnante. Kriti : type de composition musicale basée sur le raga et le texte. Le musicien se concentre sur la beauté, ce qui le conduit à l'improvisation. Le Kriti se divise en trois parties. Le Pallavi première partie avec des variations, l'Anupallavi qui est un développement et le Charaman qui conduit à l'improvisation. Varnam : le Varnam fait l'éloge de Divinités. Il est joué en début de concert, un peu pour chauffer et donner sa couleur au concert. Tillana : morceaux courts qui sont joués en fin de concert. Quelques instruments : La Saraswati Vina : grand luth à cordes pincées. C'est l'instrument le plus vénéré dans le Sud de l'Inde. Le Nagaswaram : instrument à vent en bois ayant une puissance sonore forte. Le Mridangam : tambour classique à double face en bois, autrefois en terre glaise. Le Gatham : sorte de cruche. L'argile dont il est fait est cuite avec de la grenaille de bronze, de cuivre et un peu de fer. On le joue avec les paumes, les doigts et les ongles pour produire différents sons. Murali : flûte en bambou à huit trous. Tambura : instrument à cordes. Il est réservé à l'accompagnement afin de donner le ton. L'âge d'or de la musique carnatique La fin du 17ème siècle vit naître trois des plus grands compositeurs de musique carnatique. Ils sont particulièrement vénérés, car ils laissent une oeuvre importante. Tyagaraja qui s'était consacré au dieu Rama, fin technicien il perfectionna la forme musicale Kriti. Muttuswamy Dikshitar, érudit, composait en Sanskrit. Ses compositions particulièrement travaillées sont imprégnées de son rayonnement intellectuel. Syama Sastri s'était consacré à la déesse Parvati. Ses Kritis sont très riches en conceptions rythmiques.

Ces musiciens furent désignés comme la "Sainte Trinité des compositeurs carnatiques". Pascal Burianne


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