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La Maison Culturelle de la Turquie

En mars 1997 naissait la Maison Culturelle de la Turquie, installée à Chassieu (Rhône), à l'initiative de Murat Gumuskaya, une association ayant pour finalité la promotion des cultures traditionnelles turques et turcophones. Pour son inauguration, elle présentera au public rhônalpin l'ensemble de musique soufie d'Ahmet Özhan les 7 et 8 novembre prochains. Entretien avec Murat Gumuskaya Ahmet Ozan : Dès l'âge de 5 ans, ce chanteur natif d'Ourfa s'est intéressé à la musique sacrée . Depuis 1974, la musique soufie, indissociable de la mystique islamique fait partie de son quotidien: "Les gens pratiquant le soufisme expriment leurs sentiments de façon mélodique à l'aide de cette musique, et vivent dans son rythme". La formation interprétera la musique d'accompagnement de la chorégraphie "zikhr": les soufis évoquent alors leur amour "qui n'est qu' Allah" Le zikhr est particulier à chaque individu et ne se limite pas à un spectacle. La beauté est partagée avec le public. Les chants présents sont composés par ceux qui pratiquent le soufisme afin d'offrir plaisir , joie de vivre, ils participent aux mots qui nous rapprochent d'Allah.

Leur caractère répétitif associé à une mélodie simple permet de remplir nos oreilles. Pour réveiller les sentiments de l'auditoire, ceux qui exécutent les chants doivent être dans un émoi supérieur aux autres, pour permettre le passage des émotions. " Une musique qui peut sembler difficile à apprécier, en raison de son lien intime à la philosophie religieuse .

Toutefois, le succès qu'elle rencontre auprès du public occidental semble démontrer l'existence d'autres facteurs sensibles: la perception de sa spiritualité universelle, son intensité que peut percevoir chaque spectateur, et probablement, un certain goût cotemporain pour le mysticisme. "La musique est le seul art qui touche l'être humain au plus profond, témoignage d'une beauté qui nous ramène jusqu'à notre création. La musique soufie n'a pas de nationalité.

Pour savoir l'écouter, il suffit d'avoir des convictions humaines. Par son intermédiaire plus fort que toute langue, j'ai vécu des moments très intenses avec des personnes appartenant à des cultures différentes. Ainsi, il m'arrive de changer le programme sur scène après avoir ressenti l'état d'âme des spectateurs pour entrer en relation spirituelle avec eux." Ainsi s'exprime Ahmet Ozan, qui viendra pour la deuxième fois en France: ce doux rêve musical est dû à Murat Gumuskaya, directeur artistique de la Maison Culturelle de la Turquie, un rêve qu'il a su a changer en réalité. Grégory Ramos : Quel a été ton parcours en France avant la création de cette association ?

Murat Gumuskaya : Avant la Maison Culturelle de la Turquie, j'ai oeuvré en tant que bénévole dans la vie associative turque puis j'ai été salarié de l'association "Horizon Turcs" pendant 5 ans. Depuis 9 mois, j'ai arrêté cette activité. J'ai développé l'organisation de spectacles et danses traditionnelles turcs pendant deux ans dans cette structure. Le premier concert de musique classique ottomane a eu lieu au Vieux Village de Vaulx-en-Velin avec Burhan Öcal en 1995, suivi de celui d'un des plus grands maîtres du tanbur, Neçdet Yasar, réalisé en collaboration avec d'autres associations turques en France.

En mai 1996, c'est au tour de "l'Ensemble des Femmes d'Istanbul" de se produire à Nancy, Paris et Lyon puis, pour finir, les Derviches Tourneurs de Konya lors d'une série de trois spectacles . C'est ainsi que j'ai décidé de mettre en place la "Maison Culturelle de la Turquie". Après cette expérience à Horizons Turcs, j'ai senti qu'une structure de ce type était nécessaire, une structure dont le but premier serait la promotion de la culture turque. G.R. : Le 7 et le 8 novembre prochain aura lieu son inauguration à la Salle Molière. Comment vont se dérouler ces deux soirées ?

M.G. : Ces deux soirées donneront l'occasion de découvrir l'ensemble de musique soufie d'Ahmet Özhan. Je pense que le public sera essentiellement français le vendredi et plutôt turc le samedi. Je n'entends pas faire de distinction entre ces deux auditoires, mais cela résulte d'une pratique de la communauté turque qui sort difficilement le vendredi soir, et plus facilement le samedi ou le dimanche. C'est en même temps un pari difficile de vouloir réunir tant de spectateurs deux soirs de suite. J'ai envie de tenter, de voir les réactions. G.R. : Pourquoi avoir choisi un chanteur comme Ahmet Özhan pour cette inauguration ?

M.G. : Cela fait partie des idées que j'ai voulu mettre en place. Le public occidental s'intéresse beaucoup à la musique soufie. C'est un public de connaisseurs. Concernant notre communauté, les turcs issus du milieu rural sont aussi très attachés à leur culture, leur religion. Je voulais ainsi construire un pont entre ces deux populations en réunissant tous ces éléments et une telle formation musicale. G.R. : Pourquoi avoir pris la décision de créer la Maison Culturelle de la Turquie ? Existe t'il d'autres organismes de ce type en France ?

M.G. : Pas à ma connaissance. J'ai pris conscience de ce manque en travaillant à Horizons Turcs. Toutes les activités que je développais à l'époque intéressaient énormément, mais certaines personnes s'opposaient à l'organisation de ces événements culturels. Malgré l'intérêt que montrait le public pour les musiques traditionnelles turques, les différents financeurs connaissant mal notre culture mesuraient difficilement l'importance et les effets de tels concerts. Ils faisaient parfois apparaître des préjugés non fondés. J'ai alors décidé de ne pas aller plus loin avec Horizons Turcs et de monter ma propre structure. G.R. : Quelles sont les activités de cette association, ressemblant de très près à une société de production ?

M.G. : Pour la saison 97/98, trois tournées vont être mises en place, sans compter la venue exceptionnelle d'Ahmet Ozan. C'est la première année d'existence de la Maison Culturelle de la Turquie, c'est un commencement. En février 1998, l'Ensemble de Musique "Fasl" d'Istanbul viendra à Marseille et à Lyon suivi par l'ensemble des Femmes d'Istanbul en mars à Toulouse , Marseille et St Fons. À Toulouse, des formations vont être proposées par ces musiciennes, pour initier les gens à l'écoute de cette musique.

L'activité est essentiellement axée autour de la productions de spectacles de musiques et danses traditionnelles turques, sans oublier la cérémonie des Derviches Tourneurs de Konya qui se produiront à Marseille, à l'Auditorium de Lyon, à Genève ainsi qu'au Festival de Musique Sacrée de Fès au Maroc...toutes les autres demandes étant les bienvenues. G.R. : D'où vous vient cet intérêt pour les musiques traditionnelles ?

M.G. : En Turquie quand j'étais jeune, j'écoutais plutôt "l'ozgün muzik" qu'on appelle aussi "musique progressiste". Cela correspond essentiellement en FRance, aux "musiques actuelles". Quand je suis arrivé en France il y a 13 ans, j'ai commencé à me passionner pour la musique traditionnelle turque. En Turquie, je n'écoutais pas cette musique. Je ne la connaissais pas.

Aujourd'hui, je veux construire un pont entre deux populations : celle du pays d'accueil et la communauté turque. En organisant et en produisant ces spectacles, les deux publics se retrouvent dans la même salle. Les turcs en France répondaient très peu aux activités culturelles généralistes. Petit à petit, ils commencent à mettre un pied dans les salles de spectacles, les centres culturels, C'est un véritable progrès, un changement fondamental, qui a une très grande importance pour moi. Maintenant, ils se déplacent pour connaître aussi leur propre culture. G.R. : Est-ce que tu as eu des soutiens moraux et/ou financiers autour de la création de la Maison Culturelle de la Turquie ?

M.G. : Pour l'instant, je finance cette association sans l'apport d'aucune subvention. En même temps et au vu des difficultés pour les obtenir, je ne voulais pas me tracasser pour les chercher, tant du côté de l'Etat turque que du côté de l'Etat français! Par contre, les soutiens moraux sont nombreux, notamment le service culturel de la ville de Meysieux, le Consulat Turc et son consul général M. Kart, le CMTRA , et aussi le service culturel d'ISM. Sans oublier Marc Loopuyt qui m'a beaucoup aidé, et ce bien avant la Maison Culturelle de la Turquie. G.R. : Comment s'est effectué le choix des artistes présents dans la plaquette de présentation de la Maison Culturelle de la Turquie ?

M.G. : Je connais presque tous les ensembles de musiques traditionnelles en Turquie et ce depuis des années. Ce sont toutes des formations de grande qualité. C'est pour cela que je les ai choisies. Au sujet des "Femmes d'Istanbul", j'ai trouvé intéressant de les faire venir à l'occasion de la" Journée de la femme", le 8 mars, et de créer un événement autour de ce concert. Sur le conseil du CMTRA, elles seront ce jour-là au Volume Variable de Saint-Fons. G.R. : Est-ce que le choix de ces artistes résultent de ton travail de repérage sur le terrain ?

M.G. : J'ai commencé cette année par présenter des groupes déjà existants, groupes étant sous l'autorité du Ministère de la Culture en Turquie. Mais à partir de l'année prochaine, j'ai envi de fouiller, de chercher les musiciens locaux perpétuant d'autres types de musiques traditionnelles. G.R. : Comment a réagi la communauté turque à la genèse de la Maison Culturelle de la Turquie ?

M.G. : Pour l'instant, je ne peux pas répondre. Je pourrai me rendre compte de l'impact et de leurs réactions les 7 et 8 novembre prochains. Un constat seulement : les jeunes turcs me demandent depuis quelques temps quand aura lieu le prochain concert et j'en suis très heureux. Les turcs qu'ils soient de la deuxième ou de la première génération connaissent peu ces musiques. Je me bats sur le terrain pour qu'ils viennent à ces spectacles même si ce n'est pas la musique qu'ils écoutent. G.R. : Tu parles de Maison Culturelle de la Turquie. Pour l'instant, il s'agit plutôt de la Maison Musicale de la Turquie! Arts plastiques, cinéma et littérature ne sont pas encore représentés: l'ouverture à ces arts fait-elle partie des projets de l'association ?

M.G. : Les projets arriveront petit à petit. Je ne peux m'avancer sur les prochaines réalisations de la Maison Culturelle de la Turquie. Je veux essayer de créer une dynamique pour que les personnes passionnées par notre culture viennent se greffer à l'association en apportant de nouvelles idées. C'est un appel à de futures collaborations. Propos recueillis par Grégory Ramos, chargé de production en cultures traditionnelles à ISM-RA Propos d'Ahmet Özhan traduits du turc par le service interprétation-traduction d'ISM-RA. Maison Culturelle de la Turquie 19, rue Auguste Delage

69680 Chassieu Responsable : Murat Gumuskaya

Tél. : 04 78 49 90 40


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