Tonynara, CD live à Lyon
Entretien avec Rachid Hassani
Rachid Hassani : Tonynara enregistre un CD live les 3, 4, 5 décembre au Rail-Théâtre. On attendait cela depuis longtemps, notre public aussi. Au niveau du contenu, on retrouvera des morceaux qui existent déjà sur les précédents CD, mais les arrangements seront différents, car les arrangements de concert ne sont pas les mêmes qu'en studio.
Puis, il y aura aussi des morceaux qu'on joue régulièrement sur scène et qu'on n'a jamais enregistrés, des titres récents. Ce que nous souhaitons préserver, c'est ce côté frais et chaleureux du direct, ce côté vivant qui laisse transparaître la complicité que l'on peut avoir avec notre public. Parce que, jusqu'ici on a enregistré, coté studio, quatre albums pas mal arrangés avec des interventions de musiciens invités et d'autres instruments que l'on a pas forcément sur scène. Mais cette fois-ci on compte sur le public...
CMTRA : Pour les groupes ont déjà réalisé un CD Live, ce qui est recherché à chaque fois, c'est justement cette tension, cette chaleur directe avec le public. Est-ce que le concert public pousse les musiciens plus loin ?
R.H. : C'est vrai, on s'est rendu compte que le studio et le travail sur scène, c'est deux mondes différents. En studio on prend le temps de fignoler les choses, d'aller dans une recherche d'arrangements. On a le temps et on prend le temps. En situation de concert, il y a plein de choses qui ne sont pas contrôlables, les morceaux existent avec des arrangements prévus, mais en situation de concert le rapport avec le public fait que, sur le moment, il y a des choses qui vous échappent. Ce qui nous intéresse dans cet enregistrement, c'est de mettre tout cela en boîte.
CMTRA : Après l'enregistrement en public, vous avez l'intention de garder le CD live le plus brut possible ?
R.H. : Oui, on a pas envie de trop toucher au montage. Et c'est vrai que maintenant, beaucoup de groupes ont tendance à enregistrer un "live", mais aussi a le retrafiquer derrière. Ce qui est dommage, car ils perdent ce côté brut, et c'est pourtant ce que les musiciens recherchent au départ ! en remaquillant et retravaillant le "produit", ils perdent l'essentiel. Je pense que cela est dû au fait que l'on désire que le "produit" final soit très bien, aussi bien pour nous en tant que musiciens, que pour le public qui va réécouter l'enregistrement.
Mais, je crois qu'il ne faut pas être trop perfectionniste, lorsque l'on enregistre un live. Le travail se fait sur la scène, l'intérêt se trouve là. Donc on essaie au maximum de ne pas retoucher, par contre il y aura certainement un gros travail de mixage.
CMTRA : En 1999, quelles sont les influences musicales pour Tonynara ?
R.H. : C'est difficile de se définir. Le groupe en est à sa dixième année d'existence : au début nous étions partis sur un répertoire celtique, irlandais surtout, au niveau des chansons et des instruments. Puis, petit à petit, il y a eu pas mal de compositions. Vu les différentes origines des musiciens, des différences de sensibilités sont apparues avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte.
Tonynara a des musiciens issus du classique qui apportent des éléments classiques tout en s'imprégnant d'autres répertoires traditionnels, irlandais, ou autres. Et il y en a d'autres comme Nass et moi, qui apportent des éléments nouveaux influencés par notre culture maghrébine et orientale. Donc, tous ces composants font qu'il y a un certain brassage musical dans Tonynara, l'avantage c'est que l'on ne s'est pas éloigné du celtique dans la sonorité. Après, il est très difficile de mettre une étiquette sur notre musique.
CMTRA : Au cours de ces dernières années, dans vos concerts, on a vu naître à côté de chansons anglophones, un répertoire français, où en êtes vous ?
R.H. : Il a eu effectivement quelques essais, notamment une chanson en français qui s'appelle "les sept moines", par rapport à ce qui s'est passé en Algérie, je crois que tout le monde à en mémoire cette histoire.
Le problème de la langue française et rapport à la langue en général, c'est que chaque langue à une certaine sonorité comme si on apportait un instrument supplémentaire, et pour le moment on n'essaie pas trop de se disperser au niveau des langues. On pourrait faire des chansons en français, en anglais, en arabe, peut-être aussi en berbère... mais le fait de mettre plusieurs langues différentes, c'est comme si on mettait plusieurs instruments différents, c'est un apport qu'il faut pouvoir gérer. Donc il y a des essais en français, pour le moment bien réussis par rapport à l'écriture, parce qu'on reste très attachés sur le fond du texte.
Autrement la langue anglaise que nous utilisons est peut-être un inconvénient, parce qu'elle n'est pas comprise par tout le monde.
CMTRA : Quel est le contenu des textes qui figurent dans ce disque ?
R.H. : On parle, en général, d'histoires qui nous ont touchées et de l'actualité. En général, on se rapporte au vécu. Parfois on prend des textes traditionnels, que l'on garde tels quels, ou que l'on reprend un peu, et qui restent dans l'esprit très contemporains.
On vit notre époque, on essaie de dresser une photo du moment. Après il y a la façon de faire, il y a la forme du texte. On apporte tous des idées, et on laisse à Nass le soin de mettre en forme tout cela.
CMTRA : Depuis toutes ces années, Tonynara a un public dans la région Rhône-Alpes. Il est évident qu'il y a des gens qui suivent Tonynara. Quelle tranche d'âge touchez-vous ?
R.H. : Beaucoup de jeunes, mais on se retrouve parfois dans des concerts avec un peu tous les âges. Pour écouter Tonynara il n'y a pas vraiment d'âge, vu les différentes composantes de la musique . Il y a le côté - si on peut dire - énergie, qui peut plaire aux jeunes et aussi le coté mélodique. C'est un certain mélange qui touche aussi bien des adolescents que des gens qui écoutent du folk. Donc c'est un public qui peut être rock, folk, c'est assez large comme public...
CMTRA : L'ambiance Tonynara est fortement acoustique. Est-ce que vous tenez à cet univers acoustique ou vous avez d'autres envies ?
R.H. : Il y a toujours des envies. Pour le moment, on garde ce côté électroacoustique. Tonynara se base sur des instruments acoustiques : le violon, la contrebasse, la guitare, le banjo, les percussions...
Pour le moment, on ne recherche pas à dire : "tiens, demain on va mettre un synthé...". les choses peuvent évoluer, et je ne peux pas garantir ce que sera Tonynara demain ! en tout cas, on tient beaucoup à ce coté électroacoustique. C'est un choix. Le pourquoi des choses se construit pour le moment par rapport aux individus, par rapport aux sonorités recherchées. S'il y a un changement, il se fera tout doucement, naturellement, et pas du jour au lendemain.
CMTRA : Quelle est la programmation de Tonynara pour 1999 ?
R.H. : On sort déjà ce CD live, cela nous a pris pas mal d'énergie, puis on prépare une tournée pour la sortie de l'album au mois de mars, dans la région.
CMTRA : Tonynara, c'est toujours un groupe en autogestion totale ?
R.H. : Oui, la production est entièrement autonome. Jusqu'à présent, tout ce qu'on a fait a été auto-produit par la structure Combat Folk. En ce qui concerne la distribution des albums, on a eu un distributeur localisé dans une région, mais pour le moment c'est Combat Folk. C'est la structure qui gère tous ce qui concerne Tonynara aussi bien au niveau des concerts, qu'au niveau de la discographie .
CMTRA : Autonomie et liberté, alors ?
R.H. : Je ne sais pas si c'est une liberté, c'est un très grand mot. Nous avons choisi d'être non seulement musiciens, mais aussi gérants de la structure Combat Folk, parce que c'était notre seule possibilité pour arriver à faire ce qu'on voulait. Mais il y a des contraintes que l'on ne peut pas négliger, externes et internes, qui sont gérables. Alors, on peut dire "liberté". Pour le moment le système marche, mais s'il y a des distributeurs ou des producteurs sérieux avec qui on peut travailler on a rien contre... Pour le moment les propositions faites n'étaient pas intéressantes pour nous.
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