Mémoires de Dauphiné et de Savoie
Cette cassette vidéo propose un témoignage exceptionnel, réalisé par Pierre Beccu, natif du Massif des Bauges. Entièrement monté à partir d'images d'archives inédites, ce film nous plonge immédiatement dans la vie quotidienne de la société rurale des Alpes du Nord pendant l'entre-deux-guerres. On a le curieux sentiment de faire partie de leurs familles. C'est un merveilleux voyage à travers le temps qui nous propulse dans la vie intime, les gestes et les regards des gens. "Ouvrons l'album, pour que ce qui est souvenir devienne mémoire". Le texte écrit et dit par le réalisateur est bien plus qu'un commentaire.
Pierre Beccu parle avec coeur, c'est un investissement filial mais sans complaisance. Les événements traités dans la période concernée embrassent les travaux de la société paysanne, mais aussi l'exode rurale, et l'immigration italienne à Grenoble. Le regard est chaleureux mais jamais "ethnostalgique". C'est à peine si on note une forme de regret quant à la nouvelle société qui arrive petit à petit, et qui bouleversera l'ancienne, particulièrement avec les prémices de l'industrie des "sports d'hiver" C'est une constatation étonnée. La grande force de ce témoignage réside dans le fait que les images viennent de l'intimité d'archives familiales.
Ce qui transpire, c'est la simplicité, la chaleur, l'humour, la grande vivacité de la sociabilité rurale, la créativité de cette société oubliée, celle de nos grands parents.
Quel Exotisme! C'est un passé proche qui est décrit et pourtant si lointain. La voix de Pierre Beccu, apparemment détachée parsème les images d'une tonalité attachante. Cette cassette, disponible chez tous les grands distributeurs devrait ravir tous ceux qui sont passionnés par les gestes disparus, par l'histoire de l'évolution de la société rurale.
Entretien avec Pierre Beccu
CMTRA : Vous réalisez beaucoup de reportages, ainsi que des longs métrages. Comment vous est venue l'idée de faire cette cassette à partir d'archives ?
Pierre Beccu : Il est vrai que je préfère tourner mes propres images... Ce sont les éditions Montparnasse qui m'ont contacté. Il y avait déjà une série de K7 vidéo importante concernant les autres régions françaises. Je n'ai pas été intéressé immédiatement mais parce que je suis curieux de ce qui a fait l'histoire de l'endroit où je suis né (le Massif des Bauges), j'avais déjà visionné des archives d'amateur. J'ai pris le temps de les revoir, et du coup la proposition m'a accroché. Si je ne le faisais pas, le risque était qu'ils confient ce travail à une boîte qui fait du film au kilomètre et qui, une fois de plus aurait ressorti les images classiques de Grenoble, du Lac Léman, d'Annecy, du casino d'Aix-les-Bains (à cet égard la K7 concernant Lyon est assez décevante).
Pour la Bretagne et pour Marseille par exemple, de grands réalisateurs ont travaillé. Il faut dire que la cinémathèque de Brest possède beaucoup de films ( sur la pêche au début du siècle).Il y a des régions très bien loties en matière d'archives, du fait de leur développement économique plus précoce que celui du Dauphiné et de la Savoie.
L'identité de cette région Dauphiné Savoie ne se situe pas seulement dans les fonds de vallée, il y a aussi tous ces massifs montagneux qui ont payé cher le développement et l'exode qui en a découlé. L'identité s'est perdue, et la culture aussi.
J'avais envie de montrer le plus possible la vie des gens. Au début, il a été difficile de trouver des films, c'est pourquoi il y a quelques photos. Mais dès que l'on approche des année 20, on a des images. Je suis parti d'une centaine d'heures, qui ont été ramenées à 10 h, puis à 4h et enfin à 50 minutes.
CMTRA : Quel a été l'axe "artistique" de ce travail ?
P.B : J'ai voulu restituer l'identité par massif montagneux dans une sorte de voyage à travers les Alpes. Pour ceux qui ne sont pas au courant, Morzine, Val Thorens et l'Alpe d'Huez, c'est la même chose. En fait ce sont trois massifs différents avec trois cultures. Je suis parti d'archives qui ne sortent pas des fichiers télévisuels, habituels. Néanmoins, tout ne vient pas d'archives d'amateur.
CMTRA :Vous semblez très attaché au Massif des Bauges dont vous êtes issu ?
P.B. : C'est le plus secret et le plus méconnu des Massifs Alpins. C'est une citadelle qui n'est pas très accessible. Il y a eu là le conservatoire d'une culture qui a résisté au progrès, mais qui en a souffert, car cette région s'est vidée de manière impressionnante. Le nombre d'habitants est passé de 15000 à la fin du siècle dernier à 3000, une minorité (rire)... j'aime ce coin.
Pierre Beccu réalisateur depuis 1984, a aussi mis en scène le spectacle "Musicalpina" créé à Annecy il y a quatre ans. Il s'intéresse depuis longtemps aux traditions populaires et notamment à la musique.
MÉMOIRES DE DAUPHINE ET SAVOIE, Les films authentiques de la vie des gens autrefois 1912-1939, Éditions Montparnasse
Texte et réalisation: Pierre Beccu,
Montage : Stéphane Perrio, Musique : Frédéric Laperriére, Rémy et Sandro Boniface