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Les contes de Bernadette

Entretien avec Bernadette Thévenard CMTRA : Bernadette, vous travaillez depuis peu avec le joueur de vielle Michel Foray, bien connu en Bresse pour sa participation remarquée au sein des groupes "Revue de Bresse" et "Sourdine à l'Huile"!

Bernadette : Je "raconte" depuis 5 ans. Au début, je racontais avec Claudine Goyot qui est maintenant dans les Vosges. Les arts et traditions populaires m'ont toujours intéressée, et quand j'ai pris cette orientation de raconter des histoires, je me suis penchée sur le patrimoine bressan. J'ai fait des recherches dans des ouvrages, des écrits que l'ont trouve dans les bibliothèques. CMTRA : Quelles sont vos sources: Convert, Carru ?

B. : L'ouvrage de Paul Catin a repris des contes traditionnels, ainsi que l'Université Rurale Bressane de St-Trivier-de-Courtes, qui a publié plusieurs ouvrages. J'ai retrouvé personnellement des éléments de légende: à partir de là, j'ai essayé de construire une histoire qui puisse se raconter sans édulcorer les origines. CMTRA : Etes-vous une "liseuse" ou une "diseuse" ?

B. : Je ne lis pas sur scène : je raconte, mais je ne théâtralise pas non plus, je suis assise ou debout... et j'essaye de faire en sorte que lorsque je raconte, les gens puissent avoir des images, des visions suggérées par ma parole. Ce qui est le principe-même des conteurs de la tradition, qui faisaient peu d'effets de geste ou de déplacements.



CMTRA : Comment la musique intervient-elle ?

B.: Par la vielle de Michel Foray, entre les contes. En Bresse nous avions des vielleux, et des histoires qui les évoquent. Donc au début et à la fin Michel Foray joue ; je pense qu'il y a là du travail à faire encore, pour peut-être mieux intégrer les sonorités de l'instrument à l'histoire. Notre première expérience s'est passée à Saint-Maurice-de-Gourdan, dans l'Ain. CMTRA : Avez vous rencontré des conteuses ou conteurs de tradition ?

B.: J'ai rencontré des gens, oui. J'ai d'abord fait des formations au conte, car je ne me suis pas lancée comme cela, du jour au lendemain. J'ai appris avec des conteurs différents. Chaque fois qu'un conteur se produit près de chez moi, je vais l'écouter, conteurs africains ou européens, ou de l'Asie. J'aime voir leur rapport à la tradition, comment ils placent leur parole... mais je n'irais pas du tout m'amuser à raconter un conte africain "comme" un africain, comme une imitation qui pourrait être mal comprise. CMTRA : Quels sont les conteurs qui vous ont influencée ?

B. : La première fut Chantal Ogier, qui est conteuse dans le Bugey, J'ai travaillé aussi avec Michel Hindenoch, avec Pépito Matéo, avec Guy Prunier à Lyon, avec Annies Gallay aussi , et avec Carole Gonselin à Grenoble... CMTRA : Quelle est pour vous l'utilité d'un conteur ou d'une conteuse aujourd'hui ?

B. : Le conte ouvre tous les horizons. Dans les écoles auprès d'enfants, le conte va développer la logique chez l'enfant, l'esprit de déduction. On peut faire tout dire au conte : mais avant tout pour moi c'est une rencontre. Le conte me permet une rencontre avec l'autre, celui qui est en face, et d'ouvrir les imaginaires. Peu importe si lui, "l'autre", ne voit pas la même chose que moi, pourvu qu'il ouvre son imaginaire qui est son espace de liberté.

On peut raconter dans n'importe quel lieu, mais à condition qu'il ait une dimension humaine, que ce ne soit pas un théâtre de 600 places, que l'on recrée l'ambiance, sans être nostalgique du passé, pour retrouver une convivialité. Ce qui m'intéresse aussi c'est de pouvoir rencontrer les gens, et non pas, le spectacle fini, de rentrer chez moi sans un prolongement de ce moment de parole. CMTRA : Ce message universel n'est dons pas rattaché à une époque particulière ?

B. : Non, non, c'est universel, d'ailleurs le conte est universel. Lorsqu'on lit un conte, on se dit tient celui-là, il a déjà été raconté d'une autre façon, dans un autre pays d'une autre culture !

C'est vrai que si l'on fait vraiment une recherche de fond, il y a très peu de contes à l'origine : tous sont racontés de manières différentes dans d'autres pays, où la nature n'est pas la même, les arbres, la végétation, les fruits... mais les hommes sont bien les mêmes. J'avoue que je ne m'aventure pas trop dans les contes de Perrault par exemple, parce que ce sont des versions que Perrault a réécrites.

Tous les contes considérés comme traditionnels comme Blanche-Neige, Cendrillon renvoient aujourd'hui surtout à Walt Disney: difficile de passer derrière au niveau des images ! Moi je préfère faire découvrir autre chose : des contes de Grimm qui sont méconnus, ou des contes d'autres cultures, de Polynésie, d'Afrique, mais que je ne raconte pas en me prenant pour une africaine. Il s'agit d'ouvrir sa culture. J'ai pour finir, un petit conte pour le CMTRA, et pour les joueurs de vielle. Voici comment on raconte en Bresse la célèbre histoire du loup et du vielleux : "A Saint-Maurice, au bord de la rivière de l'Ain, vivait Jean. Au village, tout le monde le connaissait, c'était "Jean-le-vielleux". Et, il allait faire danser les filles, les garçons le dimanche, il allait faire danser les noces aussi. On était en janvier, et Jean était allé faire danser les noces de l'autre côté des bois de Saint-Pierre. Quelle idée de faire une noce en janvier ! Pendant trois jours, Jean avait joué; et il avait encore la musique dans les mollets. Il faisait nuit, le patron était content. Il lui avait donné deux pièces d'or, et la patronne lui avait donnée une bonne brioche pour la route. Jean avait bu un petit verre de vin chaud pour se donner du courage, et serrant sa brioche sous un bras et sa vielle sous l'autre , Jean était parti... ses pas faisaient "criisss, criisss, criisss!"... Il faut dire que depuis plusieurs jours, il avait neigé, et la lune faisait briller la neige. Tout à coup, Jean a entendu... du bruit. Il s'est arrêté, le bruit s'est arrêté... Jean est reparti, et de nouveau il a entendu le bruit... Il s'est retourné... et là il a vu, au fond du pré, deux yeux jaunes qui le regardaient. Jean devait traverser les bois de Saint-Pierre avant d'arriver chez lui. Mais il savait que le loup, car c'était bien le loup, se jetterait sur lui quand il serait dans la forêt. Alors Jean... il s'est mis à courir, à courir, à courir! Mais bientôt, il a senti le souffle chaud contre ses mollets, et les deux yeux jaunes qui le regardaient, là, à deux pas... Jean a pris un morceau de brioche et l'a jeté le plus loin possible. Et un instant les deux yeux jaunes ont disparu... et à nouveau il a senti le souffle chaud sur ses mollets, et les yeux jaunes qui le regardaient. Il a pris un morceau de brioche et il l'a jeté le plus loin possible. Maintenant Jean n'avait plus de brioche, et à nouveau le souffle chaud contre ses mollets. Il a sorti sa vielle et il s'est mis à jouer, à jouer une gigue, et puis une polka... Et en même temps qu'il jouait, il dansait, il sautait à droite, il sautait à gauche, il sautait devant, il sautait derrière...! Et peu à peu les yeux jaunes se sont mis à reculer. Jean, il ne sait pas combien de temps il a joué, mais quand il s'est arrêté, il était seul dans la forêt. Alors il s'est remis à courir et à courir, et enfin il est arrivé devant sa petite maison au bord de la rivière de l'Ain. Jean, il n'a même pas pris la peine d'enlever ses sabots, il est entré, il a traversé la cuisine, et là, dans sa chambre, il a dit à sa femme : "Tu sais, j'aurais bien voulu te ramener une bonne brioche dorée, mais... le loup l'a mangée"! On pense toujours que les contes sont pour les enfants, mais il n'y a pas d'âge pour le conte. Non ? Propos recueillis par E.M. Contact :

Bernadette Thévenard

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Tél : 04 74 55 63 09


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