Les violons du carnaval
Entretien avec Patrick Mazellier
Patrick Mazellier : Suite à la classe d'ensemble de Vienne que j'anime, nous avons pris l'habitude de consacrer une soirée par an pour que cette classe puisse se produire. Il s'y est joint l'atelier de Romans ainsi que l'atelier de Lyon. C'est donc une soirée consacrée à 3 ateliers, où il n'y a pas que du violon, parce que l'atelier d'ensemble de Vienne est composé aussi d'un piano, d'une flûte, d'un violon alto, de percussions... Il faut au passage remercier la Municipalité de Vienne et la directrice de l'Ecole de musique d'avoir eu l'initiative de créer cette classe et d'organiser cette soirée.
CMTRA: Est-ce que tu peux nous décliner les différences entre les trois classes où tu interviens ?
P.M. : Au départ, ce sont essentiellement des classes stylistiques de violon, dont l'objectif principal est l'apprentissage et la manière de faire sonner le répertoire traditionnel. A Vienne, la démarche est différente, puisqu'il s'agit d'élèves de l'École Municipale de Musique qui veulent utiliser la musique traditionnelle pour parfaire leur formation, ou par goût de la découverte.
On travaille essentiellement oralement, puis on essaye de trouver des modes de fonctionnements collectifs : par exemple, mémoriser le maximum de choses, les mélodies comme les accords, donner le maximum d'indépendance ou d'autonomie aux élèves, ou encore expliquer des systèmes d'harmonisations simples, tonal ou modal, mettre en place des voix, des petits chorus, enfin tout ce que l'on peut imaginer dans le fonctionnement pour être assez oral et spontané à l'intérieur d'un ensemble, et pour développer le sens du rythme et l'écoute collective.
CMTRA: Dans le cadre de cette école à Vienne, tu accueilles des instrumentistes de toute classe ?
P.M : Les niveaux sont différents, mais c'est la motivation qui compte. Au départ, on m'a envoyé toutes les personnes qui voulaient faire de l'ensemble, souvent ceux qui n'avaient pas assez de bases pour faire de l'ensemble classique. Cela a été difficile, mais il s'est avéré que la musique traditionnelle est très formatrice parce que l'on part vraiment de la base mélodique du rythme correspondant à chaque mélodie.
Ensuite, par exemple : on construit une mélodie dans la première mélodie, puis un rythme dans le premier rythme et ainsi de suite. Et on arrive à construire un savoir en pyramide assez solide qui permet aux gens de fonctionner ensemble autour de rythmes et de mélodies : des rigodons, de la musique irlandaise...
CMTRA: Qu'est-ce qui se passe quand les élèves de Lyon, Romans et Vienne se rencontrent ?
P.M. : Ils jouent ce qu'ils ont appris dans l'année, en duo trio, quartette, ensemble... Il y a des niveaux différents : c'est vrai que Lyon et Romans sont des ateliers stylistiques, ils viennent pour apprendre comment faire tourner un rigodon, un reel.... A Romans, cela c'est passé un peu différemment dans la mesure où il y a depuis deux ans des tous débutants, ce qui pose d'autres problèmes : ils ne viennent pas uniquement chercher un style, mais une approche de l'instrument, au travers de la musique traditionnelle. Je me suis bien sûr inspiré de tout ce qui existe au niveau des méthodes classique et autre, en conservant l'oralité comme base de fonctionnement, pour les exercices par exemple, en utilisant au maximum le visuel dans les doigtés, ect.
Au niveau de l'âge, cela peut concerner les enfants, mais comme on a peu de moyens parce que ce sont des ateliers et non pas des cours particuliers, cela sous-entend une forte motivation de la part des participants. Il m'arrive d'avoir des enfants avec des adultes dans la même classe, cela peut être très motivant à la fois pour les adultes et pour les enfants, comme cela peut créer un blocage...
Avec les violons de Lyon et de Romans, on a joué aussi au Carnaval de Romans, le 27 février. C'est la MJC Robert Martin qu'il faut remercier parce qu'elle a eu la volonté musicale de faire qu'il y est une bande de violons au Carnaval. La MJC nous a donné un budget déguisement, répétition, et les élèves ont vraiment joué le jeu, c'était une très bonne expérience malgré le temps très limité de répétition.
CMTRA : Qu'est-ce que tu penses du fait d'intégrer des élèves qui n'ont pas beaucoup "d'heures de vols" dans des prestations
publiques ?
P.M. : C'est bien, mais il ne faut pas non plus les emmener sur un territoire où ils ne sont pas sûrs. Je crois qu'il faut bien préciser le cadre. Par exemple dans le carnaval, les débutants pouvaient jouer un certain nombre de pièces, mais il y en avait qui étaient limités, donc à ce moment-là, ils posent le violon et se mettent aux percussions... ils sont toujours dans la musique, c'est ce qui compte !
CMTRA : Dans une école de musique, la prestation publique, c'est l'audition des élèves, où d'ensemble d'élèves, avec une forme très précise, les parents d'un côté, les élèves qui ont travaillé et qui ont peur... Donc dans ce cadre d'enseignement de violon traditionnel, tu as choisi un moyen entièrement différent et festif, pourquoi ?
P.M. : Je crois que la réponse est dans la musique, je vois mal comment on pourrait faire des niveaux rédhibitoires et classer les gens en audition, cela n'a rien à voir avec cette musique. On fonctionne dans cette soirée comme fonctionne certains groupes festifs, naturellement et spontanément. Par exemple cette année à Vienne j'ai une jeune saxophoniste débutante qui est arrivée tardivement : ce qui pose le problème, avec les cordes, des instruments transpositeurs. Il faut trouver les tonalités faciles, elle ne peut intervenir que par moments, mais elle intervient, elle change d'instrument. Ce qui compte c'est d'être une partie dans le tout et de s'y sentir bien, puis progressivement de prendre de l'assurance. J'ai bien conscience que je n'apprend pas à jouer du Mozart ou du Bach, loin s'en faut ! Cela n'en reste pas moins une musique qui a une véritable technique, un son, et pour le carnaval elle retrouve très vite une fonction sociale, ce qui est la vocation première de toute musique.
Patrick Mazellier : Musicien, chercheur, professeur diplômé d'État de violon traditionnel, Patrick Mazellier intervient dans les ateliers du CMTRA, à la MJC Robert Martin de Romans, et dans le cadre de l'École Municipale de Musique de Vienne.
Propos recueillis par J.B.
Stage de musiques et de danses traditionnelles en Ardêche
17/04 et 18/04
à Champagnac Salavas (07)
avec Patrick Mazellier et Geneviève Chuzel,
suivi du concert de Rural Café.
rens. 04 75 37 18 13/04 75 45 03 65
Soirée autour du violon traditionnel consacrée
aux Ateliers de Vienne, Lyon et Romans
30/04 à Vienne (38) à la ferme de Malissol.
Manifestation publique et gratuite
Contact :
Tél : 04 75 45 03 65