L'Autrefois des années 60...
Collecte sur la scène musicale des Sixties à Lyon et dans la région
Entretien avec Marc Liozon,
directeur de publication du "Club des années 60"
CMTRA : Il est intéressant de comparer votre approche avec celle de structures qui, comme les Centres de Musiques Traditionnelles, se sont données pour mission de développer un patrimoine et de collecter certains documents relatifs à des pratiques musicales contemporaines. Comment s'est constitué ce projet en ce qui vous concerne ?
Marc Liozon : Notre projet repose d'abord sur une passion pour tout ce qui est sonore, sur la volonté de ne pas laisser disparaître certaines traces musicales, sur support son mais aussi sur support image, voire des témoignages, parce qu'on se rend compte que tout disparaît très vite.
En 1983, on a décidé avec un ami de monter cette association et elle a vu le jour en 1984. On s'est aperçu que notre action avait peu d'échos dans la région, voire aucun soutien et on a décidé d'élargir notre champs d'investigation à la France entière. A cette échelle, qui s'est étendue depuis à l'Europe puisque nous avons des lecteurs dans toute l'Europe, nous avons pu éditer un journal, un fanzine qui sort 3 fois par an, et un CD, axé sur le Rock-Twist et la variété française des années 50-60 et 70.
Initialement, en 1984, je pensais que l'on pourrait se lancer dans la réalisation de CD sans problème. Mais cela n'a été possible qu'avec l'appui de nos adhérents et des artistes. L'autre souci pour nous, c'était de voir que dans la presse musicale, à l'époque au moins, on s'intéressait toujours, avec nostalgie, aux mêmes personnes (Johnny Hallyday etc.) et que, par une sorte de parisianisme, on avait tendance à occulter tout l'aspect provincial. De belles choses ont pourtant été faites, mais il n'y avait pas de professionnalisme autour, pas de maisons de disques, pour des gens qui étaient tout aussi talentueux, particulièrement sur la région lyonnaise où on a eu la chance d'avoir un excellent studio, le studio JBP de Jean-Baptiste Piazzano, rue Royale à Lyon, qui a fait des choses extraordinaires*.
Cette démarche, on l'a lancée par souscription uniquement auprès de nos adhérents, et on a vu que les gens de la France entière, d'Italie, de Suisse s'intéressaient à ce son.
Puisqu'il y avait un son à l'époque, chaque studio d'enregistrement avait sa propre sonorité, ses propres méthodes de travail, et il faut savoir que Lyon était un studio expérimental. JBP a utilisé les premières consoles Freevox, très performantes, conçues par Gérard Poncet, musicien de jazz ami de Jean Piazzano et expérimentées à Lyon avant d'être reprises à Paris par plusieurs labels. Les studios SODER à Lyon avaient aussi un très beau catalogue. Des groupes sont devenus célèbres à Paris parce qu'il manquait à Lyon l'impact médiatique, les radios C'est un phénomène d'information.
CMTRA : Quelles sont vos méthodes pour constituer ces collections?
M.L : On s'adresse beaucoup à des particuliers puisque le " Club des années 60 " est par définition une association loi 1901 qui ne possède pas de patrimoine mais qui rassemble des collectionneurs qui participent aux recherches, c'est comme cela que l'on a pu retrouver par exemple des enregistrements. Mais si nous avions plus de moyens et plus de personnes autour de nous, on pourrait sortir un CD tous les 3 ou 4 mois parce que l'inventaire est important.
Au début, nous sommes allés vers la facilité, vers les groupes lyonnais les plus connus et ensuite nous sommes allés à la découverte de bandes qui ne sont pas encore toutes identifiées. C'est un travail harassant mais palpitant. Notre regret, c'est un peu de ne pas avoir été pris au sérieux par des organismes plus officiels de la culture parce qu'il y a cette connotation " Rock'n'Roll " qui fait un peu sourire, mais dans notre idée cela ne se limite pas à ce cliché.
CMTRA : Comment évaluez-vous l'intérêt des documents et des collections constituées, quels sont les critères qui permettent d'argumenter en faveur de l'intérêt général de votre démarche ?
M.L. : Le choix est de présenter un panorama différent. On a été heureux par exemple de recevoir le prix de la meilleure réédition 1999 pour le Twist à Lyon par exemple. C'était la première fois qu'une petite association de province recevait un prix à Paris, remis par Jukebox Magazine, Radio Nostalgie et différents autres sponsors.
Alors, quels sont les critères qui, pour nous, vont faire que ce sera un bon disque ? On essaie de varier le panel des artistes, de présenter différentes générations de musiciens. Nous aimons montrer une certaine évolution du son, par exemple entre 60 et 70, aussi bien du fait des choix artistiques que de l'évolution du matériel. Sur le plan général, je crois que c'est difficile lorsque l'on est une petite association. Notre travail a déjà été évoqué dans la grande presse musicale, dans " Rock&Folk ", dans " Jukebox Magazine " et dans la presse plus générale. Mais je crois qu'il nous manque les moyens d'aller encore plus loin. Soit dit en passant, on a quand même été grandement aidé par des gens comme Jean-Baptiste Piazzano.
Sans l'autorisation des musiciens concernés, on aurait jamais pu s'engager dans ce genre de réalisation qui coûte très cher. Jusqu'à maintenant, on a toujours tiré parti du fait de ne pas être trop subventionné en gardant une certaine liberté, en exprimant ce que l'on a envie d'exprimer, à travers un panel assez large de différentes tendances.
Mais c'est lourd à gérer parce qu'il faut retrouver au moins un ou deux musiciens par groupe pour demander des autorisations pour une exploitation, non destinée à faire de l'argent, mais simplement à sortir de l'ombre quelques groupes lyonnais, grenoblois et de la région plus largement. Depuis, nous sommes assez fiers parce que des choses ont été faites par le Conseil Général de l'Isère par exemple ou ailleurs, ce qui veut dire que notre démarche en a favorisé d'autres.
CMTRA : Est-ce que vous travaillez en réseau ?
M.L. : Oui, simplement on s'est même rendu compte que l'on avait été copié, mais on ne le prend pas mal, c'est le côté passion qui nous intéresse. Je pense que la région Rhône-Alpes est bien pourvue en archives sonores dans des domaines complémentaires. A force de pousser des portes, on rencontre beaucoup de monde.
Notre association a 17 ans, maintenant nous avons des adhérents très fidèles, on continue, on travaille avec des échanges, des rencontres, et on se rend compte qu'il y a encore des tas de choses à faire. On est très à l'écoute de tout ce qui se passe aujourd'hui au point de vue sonore. On défend les années 60 et 70 parce que c'était un son très différent. Il ne faut pas occulter le Rock, le Twist, le Madison, tous sont quand même dérivés du Blues, il y a des groupes maghrébins, des arméniens à Lyon qui ont enregistré du twist... C'est une mémoire, si l'on ne met pas ça sur un support, comment le faire savoir ? Les collectionneurs conservent des documents, l'intérêt c'est de pouvoir les populariser, les rendre accessibles à tout le monde.
L'essentiel pour nous c'est le circuit des médiathèques. Et il y a beaucoup de jeunes parmi les gens passionnés qui nous soutiennent, c'est une grande satisfaction, cela veut dire qu'il y a aussi un phénomène de curiosité.
Propos recueillis par V.P.
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(* cf. "Club des années 60" n°26, oct.98 "Le label JBP, Rock-Twist à Lyon" Panorama de la scène lyonnaise).