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Les chants et chansons Valdôtains

Propos de Rosito Champrétavy recueillis par Robert Amyot - novembre 1996 Robert Amyot : À l'issue du 19e Concours "Cerlogne", le Centre d'études franco-provençales publie un ouvrage en deux volumes, intitulé "Les chants et chansons valdôtains". Qu'en est-il de ce travail de collectage et qu'est le Concours "Cerlogne" ?

Rosito Champrétavy : Le Concours "Cerlogne" existe depuis 1963. Il a été mis en place par le regretté René Willien, instituteur, poète franco-provençal. Le Concours "Cerlogne" se propose d'initier les élèves des écoles du Val d'Aoste à la recherche de documents appartenant à la tradition orale.

Par ce travail systématique, l'école valdôtaine apporte une contribution importante à la sauvegarde d'une culture alpine. Si René Willien a choisi le nom de "Cerlogne" pour ces travaux, c'est pour rendre hommage à Jean-Baptiste Cerlogne, patriarche et très populaire poète valdôtain, ayant écrit en patois franco-provençal, et né le 26 mars 1826, dans le village de Cerlogne, commune de Saint-Nicolas, située en amont de la ville d'Aoste. Nous sommes à environ 1300 m. d'altitude. Ses oeuvres et des objets qui lui ont appartenus sont rassemblés et exposés dans un musée qui porte également son nom, dans l'ancienne maison de commune, à côté de l'église. Le 16 octobre 1967, René Willien crée le Centre d'études franco-provençales dans le bâtiment-même du musée. Puis ce centre ayant pris de l'ampleur, il fallut le déplacer au village de Fossaz-Dessus. R.A. : Quel est le propos de ce travail ?

R.C. : Cette publication souhaite fixer par écrit un témoignage oral. Rien ne peut remplacer tout à fait l'oralité. Une oralité assez complexe quand on sait que le répertoire pratiqué en vallée d'Aoste ne se limite pas à la seule vallée, mais s'étend aux régions environnantes de l'arc alpin. Les témoins directs de cette oralité sont aujourd'hui âgés, ils ont parfois des problèmes de mémoire et d'articulation. La transcription de leurs chants fut difficile mais nous a donné envie d'aller voir ailleurs, et de comparer avec des textes glanés ici et là, afin de compléter parfois quelques versions. Je rappelle que la collecte en elle-même a été faite par des élèves et leurs professeurs, donc pas par des techniciens, et avec très peu de moyens. Chaque année donc, un thème est proposé; des rites de passage comme le mariage, la célébration du Mai, les fêtes patronales ou encore les recettes de cuisine, le travail du bois, les chants traditionnels et les instruments de musique. La pratique du chant traditionnel a beaucoup diminué ici et nous perdons la manière archaïque du chant. Il est vrai qu'on préfère souvent au système modal le mode tonal. Mais les recherches récemment mises à jour reproposent aujourd'hui un répertoire plus ancien. Il faut dire que l'influence italienne s'est aussi faite beaucoup sentir. Ainsi, les chansons en français deviennent de plus en plus rares, en raison de l'italianisation. Celle-ci est due en partie à certaines chorales récentes qui privilégient volontiers les textes italiens plutôt que d'entreprendre des recherches sur le lieu où elles sont établies. Autrefois, les instruments de musique étaient peu utilisés. Le chant était pratiqué a capella et l'on devait combler un vide harmonique par une recherche de poly-vocalités spontanées. Aujourd'hui, par exemple, lors des offices religieux, on a mis de côté le chant grégorien. Il faut savoir qu'à une certaine époque, les chantres des églises étaient ces mêmes chanteurs traditionnels qui animaient la vie de tous les jours. L'influence modale était alors directe. R.A. : Avez-vous rencontré des particularités stylistiques chez les chanteurs ?

R.C. : Nous avons remarqué que certains témoins ornementent plus que d'autres. Une personne peut avoir un style très lisse, sans port de voix, lorsqu'une autre pratiquera avec aisance un style d'ornement qui peut parfois sembler très étrange lors de la transcription musicale. Dans ces lieux de la vallée où l'on pratique une riche ornementation lors du chant, on pratiquera tout aussi bien la manière tonale que modale. Lors des chants de poly-vocalités, les ornements sont repris spontanément par toute la communauté. Cela ne semble poser aucun problème. R.A. : Vous avez adopté la classification assez ususuelle des chants de circonstance...

R.C. : Les chansons de métiers ne sont pas forcément des airs à scander rythmiquement les gestes du métier proposé, sauf peut-être quelques exceptions, comme cette chanson enfantine où l'on parle de filer la laine et où l'on devine la pulsion du rouet. Le chant de métier est plutôt une description des métiers. On a également répertorié des cris d'appel entre les gens dans la montagne, mais il est difficile de les appeler des chansons à proprement parler. Les chansons d'amour sont les plus nombreuses, avec les chansons qui parlent de la guerre ! Ces deux pôles de la vie... Dans les chansons d'amour, on retrouve aussi bien sûr toutes les vicissitudes de l'amour. Un cycle particulier de chansons d'amour a plutôt été assimilé au chapitre des chansons de bergères. La société change, on communique plus facilement et plus rapidement, on vogue sur Internet, mais ces chansons d'amour et de bergères parlent encore aux Valdôtains car les choses du coeur ne changent guère. R.A. : Mais les circonstances sont-elles contemporaines dans les chansons traditionnelle du Val dAoste ?

R.C. : Mais oui, d'autres chansons sont également fortement d'actualité. Lorsqu'on y parle de politique par exemple. Les chants de contestation des métiers : "Les pauvres ouvriers qui sont dans la misère". Il y aurait très peu de choses à changer pour qu'elles soient tout à fait d'actualité. Ou encore celles de cet homme qui laisse sa femme à la maison pour aller travailler et qui rentre plus tôt que d'habitude et s'aperçoit qu'il est cocu. Elles sont également d'actualité !!! Et puis le prêtre s'en mêle et lui-même peut céder à ses tentations ... Certaines chansons d'un pays donné peuvent plus ou moins se moquer avec malice d'un autre village. Par exemple "En passant par le mont Cenis" est une chanson au rythme très simple sur laquelle on peut improviser un texte de son choix, soit lors des mariages, après le repas (très important, le repas) ou chez des amis. Mais dans un repas de noce, il faut quand même qu'il y ait une personne reconnue pour être chanteur. C'est lui en quelque sorte l'initiateur qui propose des chansons. Certaines lui seront propres, et d'autres communes à tout le monde. Enfin ce n'est pas le cas partout dans la Vallée; certains endroits ont conservé une mémoire plus vive, comme à Cogne, Donnas, Aymaville, ou Arnad. Cogne a su sauvegarder son patrimoine dû peut-être à son isolement. En d'autres endroits, c'est plus le talent d'apprentissage oral et de mémorisation des hommes et des femmes qui permet une pratique encore vivante aujourd'hui. La lecture des textes entraîne peut-être aujourd'hui une certaine paresse mais à laquelle certains savent encore échapper. R.A. : Quels sont les processus de transmissions des chants aujourd'hui ?

R.C. : L'école joue un rôle déterminant dans le goût du chant, le plaisir de chanter spontanément, et même d'aller collecter ces chansons. Les enfants se les approprient et se sentent alors valorisés par leur démarche; et cela ajoute certainement à leur plaisir de chanter. Et tout cela dans le cadre des activités scolaires ! Il suffit bien souvent de connaître une chose pour l'aimer. Que ce soit chez les jeunes ou les moins jeunes. Mais il faudrait aussi pouvoir connaître le milieu naturel où cette chanson évolue. La vie des gens nous fait souvent apprécier leur nourriture ... et leurs chansons. Un bon artisan fascine par son savoir-faire, et l'on a envie de ses produits comme d'en apprendre la manière. Un musicien, c'est quelqu'un d'un peu magique. Un être qui conjure le malin par le son; comme on attribuait d'ailleurs ce pouvoir aux cloches ainsi qu'aux cors des Alpes. Ces chansons, le mieux je crois c'est de s'en imprégner et d'apprendre à les aimer. Je dis souvent qu'au début, lors de la transcription, j'étais souvent navré de les entendre. Puis, petit à petit, on s'attache à cette saveur particulière si caractéristique. Aujourd'hui je les aime et j'e les ai mémorisées. Propos recueillis par Robert Amyot.


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