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La harpe est un piano sans touches

Entretien avec Myrdhin Myrdhin : Je pratique la musique depuis ma tendre enfance parce que j'ai eu la chance d'avoir un père musicien mais qui n'était pas dans le domaine de la musique traditionnelle. Il jouait des instruments à vent : clarinette, saxophone et trompette , à la fois dans des registres variété, classique et jazz.

J'ai commencé par étudier le piano mais dès 14 ans (c'était au milieu des années 1960) j'ai repris conscience de ce que l'on appelle ici la "bretonité", la "celtitude" et comme beaucoup, j'ai donc dû apprendre l'histoire de mon pays en dehors de l'école. C'était un tout, c'était toute une culture et moi qui pratiquais la musique, j'ai tout de suite eu envie aussi de chanter ces mélodies traditionnelles en breton. Cela supposait donc de réapprendre le breton qui était la langue de ma mère mais pas ma langue maternelle.

En même temps que j'apprenais le breton, j'ai commencé à jouer ces mélodies sur la guitare mais très vite, vraiment au bout de quelques mois, est apparue l'idée que ce n'était pas la guitare qui convenait le mieux pour le caractère de ces mélodies celtiques. En effet, la guitare évoque plus dans mon esprit, le soleil, la lumière, le Sud et pour rendre le côté plus humide, plus fluide, plus haut en tout cas de nos mélodies, la harpe s'est imposée. Comme j'avais fait du piano, c'était en fait un passage assez naturel. La harpe est un piano sans touche ! Mentalement, c'est le même schéma, l'écriture est la même. Il n'y a plus de marteau, ce sont les doigts qui pincent directement les cordes. Je voulais en fait renouer avec la tradition des bardes itinérants, me promener avec mon instrument, aller partout y compris dans la nature : partout où c'est plus facile de jouer.

La seule difficulté a été de trouver un instrument parce que dans la fin des années 60, il n'y avait pas encore grand-chose. Il a fallu attendre 1970 pour qu'un luthier en refasse en Bretagne. Stivell venait à peine de se faire connaître ; lui, c'est son père qui lui avait fait son instrument. J'ai donc eu ma première harpe en décembre 1970, c'était la onzième fabriquée par ce luthier de la région de Guingamp. Je m'y suis mis avec passion : cela veut dire 4/5 heures par jour. J'ai acheté une méthode parce qu'il n'y avait pas de professeur. C'était celle de Denise Megevand qui était professeur à Paris. J'ai travaillé tout seul avec la méthode, j'ai fait mes 50/60 leçons dans tous les sens. Au bout de 4/5 mois, comme je commençais à me débrouiller, j'ai pu faire mes premières interventions publiques : un quart d'heure, vingt minutes. Très vite, j'ai fait des concerts solo, en fait dès la fin de l'été, début de l'automne 1971. A ce moment-là, j'ai fait des rencontres essentielles et déterminantes pour le reste de ma carrière. Nous étions peu nombreux à faire de la harpe : il y avait les Triskell à Brest, moi j'étais plutôt sur la Haute-Bretagne à Rennes et c'était pratiquement tout en Bretagne. La harpe s'est imposée à moi parce que pour moi, c'est l'instrument qui colle le mieux pour traduire ce sentiment celtique, cette "celtitude". Il porte peut-être au rêve, il est très suggestif et peut-être aussi impressionniste.

Cette harpe celtique a une image très forte, parce qu'elle est petite, elle n'a pas le côté imposant, écrasant de la grande harpe moderne. Elle vient du début du Moyen Age où elle s'est épanouie tantôt avec des cordes en boyau, tantôt avec des cordes en métal. J'ai opté pour les cordes en métal avec la vieille technique bardique de jouer avec les ongles, justement aussi pour accentuer ce caractère de l'instrument, cette profondeur avec des résonances plus importantes, des harmoniques plus riches. On est plus à même de traduire les éléments naturels : le vent, la mer ...

J'ai donc eu une petite harpe d'une trentaine de cordes ce qui fait un peu plus de quatre octaves mais cela permet de jouer tout notre répertoire traditionnel. Je fais entièrement corps avec l'instrument, de plus sa taille aide. Le répertoire que je joue, est composé pour moitié de mélodies traditionnelles, qu'elles soient bretonnes, irlandaises, écossaises ou galloises : elles reflètent tout l'univers celtique. Cependant, très vite, j'ai eu envie de composer, d'écrire des chansons, des instrumentaux. Aujourd'hui, on peut donc dire que le répertoire est moitié traditionnel et moitié création. La harpe celtique est un instrument vraiment fait pour cette musique, parce que c'est une musique modale qui a gardé tous les caractères médiévaux. Elle traduit parfaitement les sentiments de ces mélodies. Nous travaillons dans plusieurs modes : le mode de Mi, le mode de Sol, le mode de La et le mode de Ré. A chacun de ces modes, correspond un climat, un sentiment, un paysage et la harpe traite merveilleusement les sons.

Lorsque je chante des airs traditionnels, ce sont des mélodies essentiellement tirées de ce recueil de chants populaires que l'on appelle le "Barzaz Breizh" qui a été une bible pour tous les chanteurs bretons. On peut y retourner sans cesse, le prendre dans tous les sens et y découvrir de nouveaux trésors. Par contre, pour les créations, j'écris les chansons en français. Les chansons nouvelles sont toutes en français ou alors j'ai mis en musique des poèmes de chanteurs bretons connus : Angèle Vannier, Xavier Graal, Glenmor.

J'ai eu la chance de pouvoir voyager grâce à la harpe. Quand j'étais enfant, je voulais être marin. Ce n'est pas très original pour un breton ! C'était surtout par goût du voyage. En fait, si je ne suis pas marin, je voyage sans doute mieux avec la harpe que je ne l'aurais fait en bateau. Je voulais découvrir des gens, les différentes traditions. Pour moi, c'est essentiel dans mon travail d'aller à la découverte des autres, de leurs traditions et de leurs musiques. J'ai eu la chance d'aller au Japon et où je retourne bientôt. J'ai tout de suite plongé dans l'univers japonais : la musique m'a parlé. C'est vrai qu'elle a beaucoup de points communs avec la musique celtique : justement ce caractère modal, l'attitude du musicien et cet instrument proche de la nature. Il s'agit un peu d'exprimer les mêmes choses avec mon complice flûtiste : Pol Huellou qui est dans cette même attitude de curiosité, d'écoute et de tradition. Lui a eu envie d'essayer la flûte en bambou japonaise : un shakuhachi. Il a étudié sérieusement et nous avons donc fait le mariage de la harpe celtique et de la flûte japonaise en choisissant aussi dans notre répertoire des pièces irlandaises et bretonnes qui n'étaient pas loin de ces lignes mélodiques japonaises et inversement des mélodies japonaises qui se rapprochaient des mélodies irlandaises. Finalement, si l'on ne regarde pas les titres, on peut se tromper sur l'origine des morceaux ! Ce sont deux instruments qui se complètent bien : c'est l'avantage de la harpe finalement de pouvoir s'associer à d'autres instruments qui lui sont complémentaires.

La harpe tisse un paysage riche en harmoniques mais qui peut très bien être traversé par un instrument à vent qui va ajouter une dimension supplémentaire. Actuellement, je suis en plein dans un gros travail avec une autre tradition qui est l'Afrique. A la demande de Peter Gabriel, j'ai réalisé deux CD : un avec le chanteur sénégalais Baaba Maal et un autre qui s'intitule "Afrocelts" avec trois Irlandais, deux Anglais, deux Sénégalais et moi-même. Nous sommes en train de lancer le concert live. Nous revenons de Rome et de Londres, nous allons faire les Transmusicales à Rennes, puis nous partons en tournée en Ecosse en janvier et d'autres tournées autour du monde sont prévues dans l'année. C'est un gros projet et il y a évidemment Real World et Virgin derrière. Cette rencontre très intéressante est possible parce que dans les deux cas, il s'agit d'une musique modale et nous n'avons aucune difficulté sur le plan harmonique ou rythmique. Il ne faut pas oublier que l'Afrique de l'Ouest est un pays de grande tradition de harpes ! L'idée du producteur était justement de faire dialoguer des couples : kora - harpe celtique et bodhran irlandais - talking drums. Cela s'articule autour de ces deux dialogues forts. CMTRA : Au mois de mars, un événement vous accueille à Lyon-Villeurbanne. Quelle est la formation et les répertoires que vous allez proposer ?

M. : C'est une formation nouvelle en duo de harpes. Je sais que l'une est cordée boyau et l'autre est cordée métal. C'est donc un duo de harpes aux sonorités différentes mais qui se mettent en valeur l'une et l'autre. Ces différences de sonorités créent un relief. Quant au répertoire, on pourrait l'appeler "Itinéraire Celte" parce qu'il passe par la Bretagne, l'Irlande, l'Ecosse et le Pays de Galles.

Je vais également donner une conférence. C'est un panorama de l'histoire de la harpe celtique depuis ces origines jusqu'à nos jours et c'est une conférence très illustrée musicalement. Il y a les airs les plus anciens (des 5ème et 6ème siècles), des airs du 8ème, on a un manuscrit "A Pew" qui est peut-être du 8ème ou du 11ème siècles. Puis on arrive au cycle arthurien, avec des mélodies du Moyen Age, "Tristan et Yseult" donc des lais des 12ème, 13ème et 14ème siècles. À cette époque-là, la tradition de la harpe était au service du chant. En fait, pendant des siècles et des siècles, on pourrait dire que la harpe n'était qu'au service de la parole. Elle supportait les déclamations des bardes, leurs chants ou leur poésie. Ce n'est que bien plus tard qu'elle deviendra un instrument de forme exclusivement musicale. Nous nous attachons à ces deux aspects, à montrer les différences et à garder les caractéristiques bardes. Il y a aussi la musique baroque irlandaise avec des compositeurs comme O'Carolan. Puis nous finissons par l'époque contemporaine avec les créations : des oeuvres vraiment contemporaines qui sortent de la tradition celtique ! La harpe celtique est un instrument qui intéresse aussi les compositeurs contemporains, parce que ce qui pourrait être une limite à l'origine (elle est diatonique), se révèle être un atout aujourd'hui. Les compositeurs contemporains veulent mélanger les tonalités et avec nos instruments, nous pouvons mélanger les tonalités, pré programmer nos harpes avec les petits leviers demi-ton. La harpe celtique offre des tas de possibilités que n'offrent pas la grande harpe. Discographie - CD "AFROCELTS Sound System" vol. 1, RW 61 Virgin - "HARPE CELTIQUE INSTRUMENTAL" CD GRI 19027 2 - Sony - "A CORDES ET A CRIS" CD Iguane 1317 - LNess Contact : Myrdhin La Galerie 22490 Plouer Tél. : 02 96 86 84 94 / Fax : 02 96 86 89 40


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