Semaines de la percussion
Musique afro-cubaine

Entretien avec Catherine Pluzanski et Roberto Romero de l'Association Timbamania CMTRA : L'Association Timbamania prépare une opération pour le premier trimestre 1997 autour d'un invité Isel Rasua Vall - Llosera qui vient de Cuba à Chambéry avec une expérience artistique et musicale très particulière. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Roberto Romero : Isel Rasua est au départ percussionniste, pianiste et batteur. Cette invitation correspond donc au fait d'avoir trouvé un appui au niveau des formations pédagogiques pour les élèves de l'Association et va nous permettre de partager et de faire un projet en collaboration avec d'autres organismes comme l'Ecole de jazz et le Conservatoire de Chambéry. CMTRA : Pourquoi avez-vous choisi ce musicien plutôt qu'un autre ? Comment l'avez-vous rencontré ?

R.R. : Isel Rasua a déjà eu l'occasion de venir à Chambéry avec le groupe cubain Moncada. Lorsque nous avions organisé la semaine latino-américaine ou la découverte de l'Amérique, nous avions eu un très bon contact avec lui. Nous avions fait un stage et il se trouve qu'il nous correspond pour la formation percussion. Catherine Pluzanski : Isel Rasua est effectivement venu avec le groupe Moncada puisqu'il en est le directeur musical et l'arrangeur. "Moncada" était le nom de la caserne qui avait été prise par Fidel Castro.

Le groupe existe déjà depuis vingt ans et Isel Rasua était un des nouveaux arrivés pour donner un ton un petit peu plus moderne. C'est en 1994 qu'ils sont venus à Chambéry. On avait fait une semaine qui s'appelait "Cuba sur scène" et Isel Rasua y avait animé des stages.

Sa présence, cette année, a un double intérêt : d'une part, au niveau pédagogique, c'est un très bon pédagogue et d'autre part, il possède un haut niveau de formation. Il est diplômé de l'ENA (Ecole Nationale d'Art) qui est en quelque sorte l'équivalent du Conservatoire en France. Il a aussi continué ses études - des études pour les professionnels - à l'Institut Supérieur d'Art de Cuba qui est comparable au Conservatoire National Supérieur de Paris ou de Lyon. Il a fait des études classique, jazz et afro-cubaine puisque à Cuba, en général, ils ont toujours une formation musique afro-cubaine mais souvent en dehors des écoles.

Il était batteur au sein du groupe Moncada mais il s'est formé également au piano . On peut dire que c'est un musicien relativement complet. CMTRA : Ce musicien dont la venue est exceptionnelle dans la région va s'inscrire dans un projet très complet de formations et de spectacles. Pouvez-vous nous expliquer son déroulement ?

C.P. : Le projet principal autour duquel nous faisons venir Isel Rasua sont "Les semaines de la Percussion". Elles seront préparées en partenariat avec l'APEJS (Association Pour l'Enseignement du Jazz en Savoie) et Présence du Conservatoire. Cela va permettre de faire venir des intervenants de chaque structure dans chaque spécialité et de faire des stages croisés : ceux qui font des ateliers percussion à la Timbamania et ceux qui font des ateliers à l'APEJS et au Conservatoire vont pouvoir s'initier en fait à d'autres disciplines que leur domaine jazz, classique et afro-cubain. Au-delà des stages, il y aura une création prévue avec Antoine Hervé, à qui a été fait une commande et qui devrait mettre en scène une quarantaine d'élèves de chaque structure en faisant appel aux capacités de chacun. La création sera découverte en janvier. Chaque intervenant des différentes structures se produira en concert en fin de stage. Ainsi Pierre Favre fera un solo : c'est un batteur issu du jazz, Isel Rasua fera un concert avec des musiciens de l'Association Timbamania. Ces derniers se préparent déjà pour l'accompagner et sont en train de monter un répertoire. Il y aura aussi Emmanuel Séjourné du classique, qui jouera avec des professeurs du Conservatoire.

Ceci est la partie "Semaines de la Percussion" mais autour, il y a d'autres projets notamment sur Chambéry avec les maisons de l'enfance et les écoles pour préparer le Carnaval. Ensuite, un Son et Lumière devrait avoir lieu au mois de juin. Ce serait une action plus au niveau des animateurs et des enfants, au niveau de la chorégraphie et de la percussion. CMTRA : L'Association Timbamania cultive de multiples partenariats, c'est-à-dire s'associe avec des structures soit institutionnelles comme le Conservatoire soit des associations qui s'occupent d'autres secteurs musicaux comme le jazz ; est-ce une nécessité ou une volonté ?

C.P. : Les deux. Je crois que la musique afro-cubaine étant une musique métissée, cela va de soi que l'on se dirige vers les autres musiques et surtout au niveau de la percussion, c'est bien de faire des passerelles entre les deux.

Notre volonté est effectivement de ne pas être enfermé dans le style afro-cubain mais de s'ouvrir sur d'autres styles. La musique afro-cubaine elle-même se modernise, tout en gardant un son traditionnel. Nous avions invité "Jovenes Clásicos del Son" en juillet, c'est un groupe qui fait appel au "son", rythme traditionnel mais ils l'ont modernisé avec des instruments modernes. C'est cela la musique afro-cubaine : s'ouvrir sur d'autres styles, pouvoir se métisser avec eux et ouvrir ces autres musiques sur ce qu'elle fait. CMTRA Quel sentiment peut avoir un musicien comme tu peux l'être, Roberto, venu d'un autre pays, d'autres horizons et qui pratique en France ?

R.R. : Pour moi, être en France, c'est faire partager notre musique à des personnes qui ont envie de l'apprendre. C'est un sentiment de satisfaction d'être quelqu'un qui peut apporter quelque chose à des gens qui n'auraient jamais pensé faire de la percussion auparavant : c'est le cas de l'Association Timbamania. En même temps, c'est une satisfaction de trouver d'autres institutions pour que ces gens-là qui sont adultes en général, puissent trouver un moyen d'expression et de mise en valeur.