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"Coeff. 116"
Une collaboration de l'ARFI et du Bagad Ronsed Mor

CMTRA : Jean Mereu, vous êtes un des fondateurs de l'ARFI qui fête actuellement ses 20 ans, et qui a prouvé depuis des années qu'il pouvait y avoir des connexions entre un esprit jazz européen contemporain et des expressions de musiques traditionnelles. En ce moment, vous êtes avec des amis en train de terminer le mixage d'un disque qui s'est enregistré à Lorient, et dont le propos est la rencontre entre des musiciens bretons et des musiciens de l'ARFI. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Jean Mereu : Les grandes leçons de ce qu'on écoutait dans les années soixante, comme le Free Jazz, nous ont démontré que l'on pouvait reprendre à notre compte nos propres environnements musicaux et culturels. A partir de cette réflexion, il était normal que l'on se tourne vers ce que nous appelons le "Folklore imaginaire", mais qui est constitué de multiples influences. Cela peut-être des influences inventées ou des influences réelles. Dans les influences réelles, il y a forcément les souches vivantes de musiques populaires et de musiques traditionnelles, et donc la musique bretonne, car en France il n'y a pas tant de musiques vivantes que cela.

L'approche de ces influences est personnalisée, c'est-à-dire que chacun à sa propre démarche. Par exemple, à l'ARFI certains musiciens seraient presque plus naturellement enclin à une relation privilégiée avec les musiques traditionnelles. En particulier, Alain Gibert qui lui est très proche des musiques traditionnelles d'Auvergne et des musiques traditionnelles en général : Le trio Apollo qu'il forme avec Jean-Luc Capozzo et Jean-Paul Autin, sont des frères qui rencontrent souvent des joueurs de vielle, des musiciens qui baignent éminemment dans la culture traditionnelle. J'aimerais ajouter que pour nous, la musique traditionnelle ne procède pas d'un esprit étroit et casanier ou nationaliste, que ce sont sans doute des musiques très fortes et très fortement universelles, dans la mesure où elles ne sont pas renfermées sur elles-mêmes. Dans le choix des musiques traditionnelles, nous cherchons aussi à ne pas nous limiter à la musique traditionnelle française : on peut aimer les musiques comme les Laone-Dassovre, on peut aimer le Fado-portugais, ou encore la musique pygmée, les chants mélanésiens, ect. Nous sommes très ouverts à toutes les musiques du monde. CMTRA : André Le Meut vous êtes un des responsables du Bagad Ronsed Mor, le Bagad qui a succombé à l'invitation de l'ARFI, à moins que ce ne soit le contraire ?

André Le Meut : Oui, notre rencontre avec l'ARFI remonte au Festival de Bagneux en septembre 95, où l'ARFI et nous-mêmes étions invités. Jean Mereu nous a proposé une partie commune en début et en fin de notre passage. A la suite de quoi, nous avons transmis notre dernier CD sorti début 94 à Jean, qui a donc orchestré pour la Marmite Infernale deux compositions du Bagad. Puis tout est parti de là, nous avons eu un coup de coeur réciproque, et nous nous sommes dit que cela vaudrait le coup d'aller plus loin.

Donc, Erwan et moi, nous nous sommes rendus à plusieurs de leurs répétitions en région parisienne, et ensuite, de correspondance en correspondance, nous avons concrétisé tout cela en enregistrant ce CD en octobre 96 au plateau des Quatre Vents à Lorient. Nous terminons le mixage en ce moment même au caveau Jazz à Saint-Fons. Cela a été une expérience extraordinaire, musicalement et humainement. Nous projetons même de faire ce concert à Rennes, à Brest. Mais, pour l'instant, nous en sommes aux préliminaires de ces contacts. CMTRA : Erwan Keravec, comment s'est passée la conception des pièces musicales qui figurent sur ce travail ?

Erwan Keravec : La Marmite Infernale intervient sur six thèmes dans ce CD : quatre sont des thèmes du Bagad interprétés par des personnes de l'ARFI, une composition de Guy Villerd, et la dernière est une mélodie bretonne qui est jouée une fois par le Bagad, et qui sera reprise, plus tard dans le CD par la Marmite Infernale. Donc, une version complètement Bagad, une autre complètement ARFI. Puis, un autre thème, Médina, de culture marocaine et arrangé par Alain, thème qui se trouve déjà sur le CD "Boum !". André Le Meut : Notre premier contact avec l'ARFI est un bon souvenir. Par la suite, cela a été très agréable et remarquable de travailler avec eux sur ces enregistrements :

car l'ARFI était très soucieuse, très respectueuse de toute notre "famille", de ne pas "trahir" le discours musical que nous avions sur certains morceaux. Ils se sont interdits d'intervenir sur ces morceaux pour ne pas les détériorer, par contre sur d'autres thèmes, ils ont apporté une complémentarité évidente, un enrichissement. CMTRA : Alain Gibert vous avez déjà à votre actif de nombreuses mises en oeuvres de rencontres musicales entre un esprit jazz et des musiques traditionnelles diverses. Très souvent, ces musiques traditionnelles comme celles des bagadou bretons sont fort complexes, très construites et complètes, comment pouvez-vous imaginer ces rencontres ?

Alain Gibert : Il est vrai que très souvent ce sont des musiques extrêmement sophistiquées. Notamment, les partitions de Kesler, très bien écrites et beaucoup plus subtiles que ce que l'on peut trouver dans le jazz. Nous avons tout à apprendre !!! Même au niveau des timbres, nous sommes un peu "dépassés"...

La première fois que nous avons répété avec eux, c'était dans leur gymnase, et on ne s'entendait pas jouer ! Pourtant, d'habitude, la Marmite Infernale est assez "bruyante", mais là on n'arrivait pas à entendre nos instruments. Ils avaient amené quarante sonneurs dans les vestiaires, c'était "infernal", on s'est senti tout petit, en se disant : mais qu'est-ce qu'on fait là, ils sont plus forts que nous ! Enfin, nous avons appris à entendre le son et à faire la différence de timbres. Il a fallu que notre oreille se fasse.

En fait, avant de jouer ensemble dans ce gymnase, nous avions déjà travaillé soit sur cassette, soit avec des partitions qu'ils nous avaient envoyées. Seulement il y a une différence à écouter le son sur un petit transistor ou de l'avoir noir sur blanc, et lorsqu' on entend en direct les bombardes et les cornemuses, on n'en revient pas, c'est un autre monde. CMTRA : On n'en revient pas mais on y retourne !

Alain Gibert : Bien sûr, on y retourne. Je ne sais pas, il y a eu aussi beaucoup de magie dans cette rencontre qui reste difficile à expliquer. Au départ, personnellement, cela me faisait assez peur. Car autant j'ai une bonne expérience pour avoir travaillé sur des musiques traditionnelles d'Auvergne ou du Poitou, autant la musique celtique m'a toujours fait peur. Je me disais que cela n'était pas dans mes cordes. J'ai d'ailleurs déjà refusé de travailler avec une personne qui voulait faire des chansons écossaises. En fait, ici, le point commun qu'il y a entre la Marmite et le Bagad, c'est l'attitude collective, et une manière de travailler assez proche.

Effectivement, il y a un peu plus de responsables que chez nous, et c'est un peu plus hiérarchisé, mais il y a une attitude collective. Même si les racines d'un "Bagad" sont militaires, ici cela ne se ressent pas du tout. C'est plutôt une belle égalité qui transparaît et qui nous a rapprochés. Et puis, moi j'aime ces tonalités aussi simples, Si bémol, cela change du sol majeur classique de la bourrée. A quelque chose qui au début me paraissait un peu mystérieux, j'ai pu trouver quelques explications plus rationnelles. Sur le plan du travail, nous pouvons nous féliciter les uns les autres pour la rapidité : on allait tout de suite à l'essentiel, on sentait le même objectif. L'osmose, c'était aussi d'avoir la même idée de la beauté, et en cela, nous n'avons eu aucun reproche à nous faire. A la limite, c'est nous (La Marmite Infernale) qui freinions un peu la marche. C'est pourquoi parfois nous n'avions pas du tout envie d'intervenir sur certains thèmes de peur de détruire le morceau musical. Par exemple sur "Elons er bella", notre intervention aurait été ridicule, c'est un morceau parfaitement bien arrangé, il est magnifique comme cela.

Du coup, nous en avons fait une version à nous, en prenant d'autres formes de liberté. Pour terminer, je dirais que l'on est tombé parfaitement d'accord sur le contenu musical. CMTRA : Patrick Charbonnier, vous n'êtes pas non plus tout à fait blanc dans cette affaire, puisque vous avez arrangé quelques passages, mais semblerait-il d'une manière différente si l'on parle du processus de travail ! Vous avez reçu une partition sans avoir l'idée du son que cela pouvait donner en réalité ! Quelles ont été vos angoisses ?

Patrick Charbonnier : Pas d'angoisse, en fait, parce que le son, je l'avais déjà entendu sur le précédent disque enregistré par le Bagad. En ce qui concerne la méthode de travail, l'ARFI fonctionne beaucoup sur le principe des "soucieux" : pour ce projet c'était Jean Mereu le "soucieux". Jean a donc adressé à tous les musiciens de l'ARFI un courrier dans lequel il y avait certaines partitions.

Parmi ces compositions, il y en a une qui m'a vraiment séduit. Et effectivement, je n'avais aucune idée de comment cette musique avait été enregistrée par le Bagad. Je n'ai donc pas du tout entendu l'enregistrement de ce thème, pour moi c'était un petit peu : que faire avec cette musique, avec cette thématique ? C'était une sorte de commande, un exercice de style. Maintenant j'espère que le rendu sera intéressant. CMTRA : Pascal Cacouault, toi qui as déjà enregistré de multiples formes de musiques traditionnelles, il me semble que c'est ta première expérience au contact du son d'un Bagad, est-ce que cela a changé ta vie ?

Pascal Cacouault : Et bien, je n'ai pas suivi toutes les allées et venues du processus, mais grâce à cette interview autour de cette table je comprends mieux les tenants et les aboutissants de cette histoire : comment s'est orchestrée petit à petit la rencontre, car je crois que l'on peut parler d'"orchestre". De plus, je n'ai pas encore eu la chance de voir "in situ" la formation complète j'imagine que l'impact sonore doit être saisissant. En plus, j'apprends que lors des premières répétitions la Marmite ne s'entendait pas jouer, or on ne peut pas considérer que la Marmite fasse partie des plus petits orchestres. Donc cela laisse supposer une ampleur absolument incroyable. Pour ma part, je me suis trouvé impliqué à un autre moment du projet c'est-à-dire lors du "mélange" de ces deux musiques. Deux couleurs sonores, avec d'un côté la formule du Bagad, formule traditionnelle qui a sa forme, sa structure ; et de l'autre, la Marmite avec aussi sa structure. Ce qui m'intéresse à travers ces compositions différentes c'est de voir qu'elles sont les possibilités d'échanges et de jonctions entre ces deux univers. Je pense que cela sera intéressant dans le disque : par exemple certains morceaux exploitent plus le système questions / réponses.

D'autres recherchent plus un fondu entre le Bagad et la Marmite qui deviennent une ou des voix de l'arrangement. Il y a encore le passage en canon. Enfin, le rendu sonore est très intéressant, parce qu'il y a une gageure d'intégrer des timbres extrêmement pleins, c'est d'ailleurs l'avantage de tout instrument traditionnel comme la cornemuse, la vielle-à-roue, la bombarde qui ont un timbre riche en harmonie et très plein. Au contraire, les instruments émanant d'un univers plus classique sont des instruments filtrés par l'histoire pour jouer ensemble. C'est pourquoi ce n'était pas évident de réunir ces deux univers. Mais ça marche bien. (dialogues) Patrick Charbonnier : J'aimerais souligner un autre intérêt de cette rencontre : Le Bagad est une forme aboutie d'un style musical, et la Marmite aussi. On se produit sans vous, ce qui est aussi bien. Mais, cette rencontre nous a stimulé par la pratique de l'improvisation.

En jazz c'est une pratique courante, par contre pour vous joueurs de bombarde, de cornemuse, c'est peut-être moins fréquent, pourtant cela ne s'entend pas à l'enregistrement. Par exemple, pour tel arrangement, on avait envie d'entendre un chorus de cornemuse, ce qui voulait dire qu'un musicien de cornemuse devait se "coller" à l'improvisation. Et chose surprenante, cela ne vous a pas du tout perturbé, l'impro était d'ailleurs très intéressante, et ça, c'est une grande leçon pour nous. La Marmite : Cette rencontre nous a aussi influencé dans la conception des choses. Cela nous a donné des idées d'orchestration, surtout en contrepoint, et pas seulement en batterie. Le Bagad : Je voudrais répondre à Patrick, et dire que l'improvisation existe plus ou moins en Bretagne : si on prend les musiques de couples comme la bombarde et le biniou, il y a une telle différence entre les deux que cela permet au biniou de se libérer complètement. Notre problème à nous, c'est qu'on se pose en pupitre, en section de dix à quinze personnes, et qu'une impro à quinze c'est moins évident, voir impossible à faire. Le soliste, pour nous c'est une couleur. Vous, vous le développez sous la forme de l'impro. C'est vrai que sous cette forme, nous ne le faisons pas, nous avons tendance à être un peu plus carré dans l'exécution. En ce qui concerne la batterie, un batteur de jazz peut improviser du début jusqu'à la fin, à moins que le compositeur ait un désir précis. Alors qu'en musique écossaise, ici pour le Bagad, nous réalisons à l'avance tout un travail d'orchestration sur le groupe. La caisse claire comprenant six personnes, des partitions sont écrites et adaptées au thème, et jamais elles ne seront modifiées. Donc, pour l'impro c'est aussi plus difficile de s'y "coller". Mais, je dois dire que la Marmite nous a bien poussé à ces improvisations, qu'elle avait une volonté de les approfondir, et dans ce contexte-ci, nous nous sommes complètement libérés. Réponse d'un autre Bagad : Quand tu parles de liberté, je dirais plutôt liberté d'expression et variante. Par contre, dans une musique de couple qui appelle la danse, nous ne nous permettons pas beaucoup d'écarts d'impro, car ce n'est pas seulement le tempo qui compte, ce sont aussi certains appuis bien précis. C'est pourquoi nous étions un peu intimidés lorsque vous nous avez demandé de faire de l'impro. Mais après cette rencontre, on envisage plutôt de renouveler cet exercice dans nos futures créations. Pour trouver l'ARFI sur Internet : www.ejn.it/ag/arfi.htm (page ARFI hébergée par l'Europe Jazz Network, en anglais) : présentation des groupes, principales dates [http://pariscope.fr/jazzmag/aout.f.html->http://pariscope.fr/jazzmag/aout.f.html] (programme d'été des festivals de jazz) Travail Arfi/Butô (vidéo à télécharger sur serveur [akeno@tomoe.com/arfi->akeno@tomoe.com/arfi]) (à Tokyo) Il existe aussi un lien ARFI sur le serveur du saxophoniste Norbert Stein e.mail : [arfi.carrerarie@wanadoo.fr. ->arfi.carrerarie@wanadoo.fr.] Titre du CD BAGAD + MARMITE INFERNALE : "Coeff. 116" Coproduction : BAGAD LOKOAL-MENDON ET COOP BREIZ Distribution : DIFFUSION BREIZ - 29540 SPEZET


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