"Ici l'Auvergne"
L'actualité des Centres de Musiques Traditionnelles
Entretien avec José Dubreuil
C.M.T.R.A. : José Dubreuil, tu es directrice de l'Agence des Musiques Traditionnelles en Auvergne (A.M.T.A.), quels sont les besoins du secteur en Auvergne, l'A.M.T.A. est-elle en mesure d'y répondre ?
José Dubreuil : En France, les centres en région ont tous signé le même cahier des charges défini il y a plusieurs années et faisant apparaître des missions de recherche, formation, diffusion, mise en réseau. Pour moi, ces missions se résument en termes génériques qui sont la promotion et la valorisation, par toutes les façons que l'on peut imaginer aujourd'hui, du secteur des musiques et danses traditionnelles. Je pense que la dynamique principale est la dynamique artistique, car c'est elle qui fonde notre action et crée une synergie en fédérant tous les acteurs du secteur et, au-delà , tous les autres réseaux artistiques existants.
A partir de là , les besoins principaux seraient de trouver les moyens "adéquats", je dis bien "adéquats" car, bien que l'agence ait une politique de production de spectacles ou de disques, je pense qu'elle n'est pas à la hauteur des enjeux pour vitaliser, aider et conforter les artistes qui ont ce souci permanent. En l'état, pour parvenir à quelques résultats, il faut avoir de l'imagination et travailler à des coproductions avec de multiples partenaires.
Nous avons depuis peu en Auvergne une Scène Nationale avec laquelle nous arrivons à produire des spectacles tel le spectacle Chnoques réunissant les cinq directeurs artistiques de la Carrerarie, André Ricros et des enfants. On se rend compte que l'apport de l'Agence pour cette création n'est pas satisfaisant en terme financier évidemment. Nous avons initié ce projet en mettant en relation les différents protagonistes, en y apportant la matière première, nos connaissances, mais si on parle de coproduction, on est frustré de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout de cette démarche avec des apports financiers dignes de ce nom, ce qui nous fragilise énormément du point de vue de la lisibilité de notre action et de la reconnaissance. On a eu plusieurs fois cette discussion au sein de la F.A.M.D.T., l'Auvergne ne fait pas exception dans le domaine et on le vit tous très mal. Autant dire qu'on est pas en mesure de répondre aux demandes des artistes ; amateurs et professionnels.
C.M.T.R.A. : Comment les efforts de l'A.M.T.A. se sont-ils centrés sur la production et la diffusion, est-ce le fruit du travail réalisé depuis la fondation de l'A.M.T.A. ou une volonté de changer de cap ?
J.D. : Notre histoire est étroitement liée à l'association "Les Musiciens Routiniers". L'Agence en est très largement l'héritière. Depuis sa création, l'Agence a toujours eu une politique de diffusion dans les domaines du spectacle vivant avec sa saison de concerts et sa production de spectacles ainsi qu'une importante politique éditoriale (une centaine de publications à ce jour). Il faut ajouter à cela les autres missions du cahier des charges pour lesquelles nous initions des projets transversaux qui alimentent la recherche et la création et articulent l'ensemble des missions qui nous sont assignées.
C.M.T.R.A. : Que peut-on espérer du développement du travail en réseau au plan interrégional, national et européen ?
J.D. : Travailler en réseau, c'est une chose à laquelle on s'est attaché très tôt. L'A.M.T.A. a été créée en 1985 en agence régionale, mais très vite nous avons pris garde à ne pas tout centraliser à Riom parce qu'il est très difficile de prendre en compte les besoins et les attentes du terrain, même si l'Auvergne est une région administrative qui ne paraît pas très grande. Donc, on a initié une mise en réseau de centres départementaux de musiques et danses traditionnelles.
Le premier a été mis en place en 1992, en Haute-Loire et les autres ont suivi. Tous sont constitués en association, chacun ayant à charge de fédérer l'ensemble des acteurs et des associations de son département. Mis à part le département de l'Allier, les trois autres ont des conventions tripartites entre l'A.M.T.A., les C.D.M.D.T. et les Conseil Généraux. Il y a vraiment une structuration très opérationnelle qui se retrouve aussi au niveau de l'association régionale : chacun des départements a des représentants au sein du conseil d'administration de l'Agence, de telle sorte que chaque projet initié soit en cohérence avec ce réseau.
Dans l'hexagone, tout le monde travaille, à l'endroit où il est, à des projets européens. Pour l'instant ce sont les deux axes, régional et européen, sur lesquels se fondent pas mal de travaux originaux en termes d'échanges artistiques et de confrontation des savoirs. En dehors du Réseau Européen des Musiques et Danses Traditionnelles animé par la F.A.M.D.T., nous travaillons avec la Belgique, l'Irlande du Nord, la Calabre et la Basilicata en Italie. Le Festival des Haute-Terres de Saint Flour repose sur des échanges culturels de zones qui ont les mêmes configurations montagnardes.
Cette année, l'invité principal est la Calabre, ce qui couronnera trois années de travail en commun. Je pense, à l'heure où l'on est citoyen d'Europe et du monde, que l'avancée la plus conséquente concernant notre secteur s'est opérée dans le domaine de la connaissance et de la reconnaissance des musiques traditionnelles, de leurs spécificités, de leur créativité. C'est à cet endroit-là que l'on a des ferments d'un échange pertinent avec d'autres cultures, au niveau européen dans un premier temps, mais d'ici peu, également, international.
C.M.T.R.A. : Que penses-tu des formes de structuration administrative des centres intégrés aux Associations Régionales Musiques et Danses, orientés d'avantage vers une mutualisation des moyens et des compétences pour des approches transversales entre différents genres musicaux, chorégraphiques et bientôt pour le théâtre ?
J.D. : Etre rattaché à une association régionale généraliste, pour moi n'est pas forcément un gage de transversalité. Il y a des centres en région qui ne sont pas dans ces configurations-là et qui sont tout aussi ouverts. A l'heure actuelle, il y a surtout deux configurations possibles : soit on demande aux centres (qui ne seraient plus centres) d'être des experts, une sorte d'observatoire des musiques traditionnelles constituant un relais pour l'institution, donnant des avis, aidant des projets pertinents, sans avoir pour mission d'être opérateur d'actions. Soit ce sont des centres comme l'A.M.T.A., qui revendiquent à la fois la mission de structuration d'un secteur, la compétence d'expert, mais aussi le fait d'être opérateur, en menant à bien le maximum de projets avec les acteurs que sont les formateurs, luthiers, artistes professionnels et amateurs
C.M.T.R.A. : Si vous aviez des moyens supplémentaires, serviraient-ils à développer certaines compétences ou bien à faire appel, avec plus de crédibilité, à des partenaires ? Est-ce que les équipements des Centres répondent aux besoins des activités et des missions de développement ?
J.D. : En priorité si nous avions des moyens supplémentaires ils seraient investis dans des projets artistiques. En terme de coproduction, être initiateur d'un projet artistique avec uniquement de bonnes paroles pour convaincre, c'est un peu léger ! Or, les moyens des centres, ne permettent pas aujourd'hui de trouver 200 000 francs ou plus par an pour intervenir de façon pertinente sur une création. Et pourtant, c'est bien pour la promotion de ces musiques que les centres existent !
Toujours en terme de développement, les musiciens du secteur des musiques traditionnelles ne faisant pas exception nous nous attacherions à mettre en place des lieux de répétitions et des résidences de telle sorte que les artistes soient accueillis pour monter une création avec un environnement professionnel. Autant de choses dont on ne dispose pas et qu'on rêverait de pouvoir mettre à leur disposition.
C.M.T.R.A. : Quels sont les interlocuteurs nationaux des Centres de Musiques Traditionnelles ?
J.D. : Dans le cadre de la déconcentration nous avons surtout à faire avec les Directions des Affaires Culturelles. En Auvergne, nous avons une convention triennale d'objectifs, et chaque année nous renégocions l'avenant de l'année concernée. Nous sommes également subventionnés par le Conseil Régional et la Ville de Riom qui nous accueille. En tant que membre du bureau de la F.A.M.D.T., je suis amenée régulièrement a rencontrer les différents interlocuteurs de la D.M.D.T.S. pour une réflexion générale sur les politiques culturelles qui devraient mises en place en faveur des musiques traditionnelles ; pour sans cesse rappeler que nous existons et que les moyens dont nous disposons sont bien loin d'être à la hauteur de nos ambitions. Il ne faudra pas se décourager car la route risque encore d'être longue
C.M.T.R.A. : Quel est le rôle et l'apport de la F.A.M.D.T. en tant que fédérateur national ?
J.D. : je pense qu'il est important que l'ensemble des acteurs de l'hexagone soit fédéré au sein de la F.A.M.D.T., notamment les centres en région. Je souhaite que la F.A.M.D.T. soit amenée à évoluer pour une véritable mise en réseau de toutes les problématiques qui existent. En ce moment, tout le monde connaît une crise de croissance, à toutes les échelles locales, régionales, nationales pour la F.A.M.D.T., et européenne pour le Réseau Européen. Nous sommes tous en phase de développement parce que les musiques traditionnelles se portent bien, les sollicitations se multiplient et se diversifient. Je pense qu'à tous les maillons de cette chaîne, chacun doit se poser la question de sa redéfinition.
C'est Catherine Tasca qui disait que le dispositif des centres en région restait prioritaire pour la D.M.D.T.S., la F.A.M.D.T. est aussi un dispositif prioritaire pour l'ensemble du secteur des musiques traditionnelles en France. Maintenant, il faut se remettre en question, se resituer par rapport aux problématiques et aux nouveaux enjeux auxquels on a à faire face. A l'heure actuelle, il y a des crédits spécifiques européens et interministériels, mais il y a longtemps que nous uvrons dans ce sens en Auvergne, particulièrement avec le Limousin autour de zones et de projets communs :
le projet Dordogne, tout un travail autour de l'Artense et des Combrailles. Il faut imaginer les enjeux de demain parce que si on est centré simplement sur les enjeux d'aujourd'hui, on est en retard. Il y a un maillon qui pour moi est très pertinent entre le maillon régional et national c'est le maillon interrégional, parce que les enjeux culturels, les musiques que l'on traite ne s'arrêtent pas aux frontières administratives.
Propos recueillis par V.P.
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