Créer en vis-à -vis,
Ano Neko
un duo franco-ivoirien à Grenoble
Entretien avec Colin Laroche de Féline et Valérie Gnahoré
CMTRA : Quelle est l'histoire de votre rencontre musicale ?
Colin Laroche de Féline : Quand je suis arrivé en Côte d'Ivoire fin 96, j'ai posé sans le savoir mes valises dans la maison de Valérie. Je rejoignais le groupe Ki-Yi Mbock où Valérie a grandi, un collectif d'artistes qui vivent sur place, un vrai village artistique au cur de la ville d'Abidjan, fondé par Werewere Liking et quatre autres personnes dont Boni Gnahoré, le papa de Valérie. C'est devenu un lieu de création et de formation incontournable à Abidjan.
Valérie Gnahoré : Mon père est musicien [cf. Boni Gnahoré et le chur Attoungblan, album "Pedou", chez Playa Sound]. Dans le village Ki-Yi, tout le monde est musicien, j'ai grandi là -bas, j'ai dit à mes parents : "Non, je ne veux plus continuer l'école, je veux chanter, je veux danser, je veux être dans ce groupe". C'est là que ça a commencé. Il y avait des spectacles tous les soirs. On créait, on travaillait en vis-à -vis ; tu vois et tu travailles.
CMTRA : Comment construisez-vous votre répertoire ?
C.L. : Le répertoire s'est créé en Côte d'Ivoire, Valérie avait déjà des compositions, j'ai commencé à les mettre en musique. Arrivés en France, c'est devenu plus concret, on a réalisé une maquette à la maison, on l'a envoyée à Lokua Kanza. Il s'est proposé d'en enregistrer une nouvelle à Paris chez lui et c'est sur ce support qu'on démarche aujourd'hui. Valérie chante et joue plein de petites percussions.
V.G. : Les pessoukou, les shaker, les aouko, les castagnettes, les tama longani, la calebasse au sol. Colin est à la guitare et aux churs avec moi. Je chante en différentes langues pour que chacun comprenne, mais aussi en français. Dans le village Ki-Yi, il y avait différentes ethnies de Côte d'Ivoire, de nationalités différentes, on apprenait les chants bété, dida (Côte-d'Ivoire), ashanti (Ghana), dioula (Afrique de l'Ouest), fon (Bénin), yoruba (Nigéria), bassa (Cameroun), bambara (Mali). En Côte d'Ivoire, en nouchi, un mélange de français trafiqué et de différentes langues locales, on dit "la bellesse" pour la beauté. Dans nos chansons, on parle de cette bellesse, de la beauté de la vie en général.
C.L. : La guitare est électroacoustique en cordes nylon avec un style d'accompagnement qui permet de faire sortir des basses et une petite mélodie en même temps. J'essaie d'ouvrir toute l'harmonie. C'est Lokua Kanza, avec sa formation classique, qui a inauguré cette technique. On utilise le jazz pour les progressions harmoniques et les "tourneries" africaines qui donnent envie de danser...
CMTRA : Vos parcours personnels doivent être assez différents ?
C.L. : Moi j'ai deux formations : une dans des écoles de jazz à Paris dont le CIM, et un an au conservatoire. Parallèlement, j'ai eu une formation traditionnelle avec Toroma Sika (bassiste de RDC) qui m'a appris toutes les bases des rythmiques africaines. Depuis que je suis petit, j'ai été amené à rencontrer des musiciens africains par ma maman qui travaillait du côté de la production et du management. En tant que guitariste, j'ai trouvé dans la musique africaine plein de choses que je n'entendais pas dans les musiques d'ici, et c'est ce qui m'a intéressé. Jusqu'au jour où je suis parti en Côte d'Ivoire, à l'aventure au départ. Je suis finalement resté dans le groupe Ki-Yi Mbock plus de trois ans, avec des tournées aux Etats-Unis et trois tournées africaines, j'ai découvert une douzaine de pays. C'était très enrichissant. À Douala au Cameroun, dans certains quartiers des gens pratiquent les musiques assiko, c'est un guitariste et un percussionniste avec deux fourchettes et une bouteille, et il y a une ambiance formidable. Quand on voit ça, ça donne envie de continuer. Au Sénégal c'est pareil, dans n'importe quel petit bar il y a quelqu'un qui joue. En Côte-d'Ivoire, c'est différent, il y a beaucoup plus de travail en studio.
V.G. : Ma spécialité, avant la chanson, c'était la danse. J'ai eu envie aussi de découvrir la danse contemporaine. Je suis allée avec le groupe Tché Tché de Béatrice Combé pendant un an. A Abidjan je chantais sur les tambours les chants du village. Là , tu n'as pas besoin d'avoir "la gamme", tu chantes comme ça, tambours et voix. Quand on est arrivé en France, j'étais enceinte, je ne pouvais pas danser alors j'ai pris des cours de chant et c'est ici, grâce à l'accompagnement de guitare aussi, que j'ai le plus appris.
CMTRA : Quels sont vos appuis pour mener votre projet musical, comment voyez-vous évoluer les musiques africaines en France par rapport à l'Afrique ?
C.L. : Au niveau créativité il y a des belles choses avec des mélanges hip-hop-musiques africaines des Bisso Nabisso, ou jazz-bikoutsi par Vincent Guini, je trouve que c'est intéressant. La plupart des musiciens que je connais, comme Ray Lema, croisent leurs racines avec les musiques contemporaines, le jazz Pour beaucoup d'artistes africains, l'objectif est de venir en Europe car là -bas le niveau musical évolue, mais pas le niveau de vie, les musiciens ne sont pas considérés, il y a peu d'infrastructure, mais tout cela évolue peu à peu. En France, on sait qu'il y des possibilités de d'accompagnement, on n'en bénéficie pas encore, mais on sait qu'elles existent. Par contre, côté diffusion, le quota de 40 % de chanson française pose problème aux artistes africains. Pour ce qui est de nos appuis, dès notre arrivée on a eu la chance d'être rapidement intégré dans une création avec Ba Sissoko, joueur de kora guinéen. Dès septembre, on a fait une série de concerts dans la région grenobloise. Nous partons maintenant pour le MASA, Marché des Arts et du Spectacle Africain en Côte-d'Ivoire.
CMTRA : Et de retour d'Afrique ?
C.L. : Pour cet été on a une nouvelle création, "Entre Deux Mondes" avec Contre Jour, c'est un spectacle de théâtre de rue qui sera créé à Châlons-S/Saône avec des artistes européens et africains.
V.G. : Je voudrais proposer des stages de danse africaine. Le dernier à Grenoble a réuni 28 personnes, ça a bien marché. Pour l'automne, on a un projet d'album. En dida, ma langue maternelle, celle du peuple bété, "Ano Neko" veut dire "Créons ensemble" alors on espère pouvoir réunir d'autres musiciens autour de nous.
C.L. : On a plein d'idées. Ça suit son cours Mais on va y aller tranquillement.
Propos recueillis par V.P.
Concerts
12 et 28/04 GRENOBLE (38)
21/04 ST-HILAIRE (38)
05/05 MENS (38)
10/05 LA CIOTAT (13)
11/05 MARSEILLE (13)
22/06 VILLEURBANNE (69) TNP
07/07 NANTES (44) Festival d'été de Nantes
15/07 STRASBOURG (63) Babel.
Juin 2001 création "Entre Deux Monde" à CHALONS-S/SAÔNE (71)
Représentations "Entre Deux Monde" à AUBAGNE (13) les 28 et 29/06 à CHALONS-S/SAÔNE (71) les 20 et 21/07
à LA CIOTAT (13) Nuits Métis le 03/08
Contact
Ano Neko:
Valérie Gnahoré,
Colin Laroche de Féline
Tél : 04 76 70 45 30/06 61 50 73 80
[colinldf@club-internet.fr
->colinldf@club-internet.fr]