Le Bec à Sons
Troisième saison du Folk-club
Entretien avec Anatole Benoit
Qu'elle a été l'évolution de ce folk-club en trois ans ?
Anatole Benoit : La première saison 98-99 a démarré avec un petit groupe d'amis fondateurs, Patrick et Christine Raffin, Patrick Queuche, Babette Carton, Stéphane Mauchand plus quelques sympatisants, en tout 10 personnes tout au plus. Il a d'abord fallu faire connaitre le lieu, le groupe puis la musique. Des amis, des parents et quelques habitants du village furent les permiers spectateurs de scènes ouvertes assez désorganisées mais particulièrement chaleureuses. Très vite est apparue la nécessité d'inviter des musiciens confirmés, amateurs ou non.
Le groupe "Valsepareille" (dont 2 musiciens font parti du club) a bien sûr été le premier sollicité, suivi rapidement d'artistes professionnels que je considère comme les parrains de notre expérience, notamment Jacques Mayoud, Jean-Pierre Yvert, Christian Oller. Et puis très vite une bonne surprise, l'apparition de deux groupes au sein du club, l'un appelé "Bec à Sons" tout simplement et l'autre "Bois Sec". Sur cette base solide et enthousiaste notre caveau était pratiquement déjà plein à la fin de cette première saison.
La saison 99-2000 a démarré sur la base de petits concerts le 4ème mercredi de chaque mois, avec des groupes invités et annoncés dans un programme distribué aux adhérents et sur la lettre du CMTRA. C'était la bonne idée qui a permis de remplir régulièrement le club et qui reste l'activité de base du Bec à Sons. Une scène ouverte, le 2ème mercredi de chaque mois nous permet de garder l'esprit de partage et d'apprentissage des débuts. Le décor est maintenant planté et la saison 2000-2001 voit un folk-club déjà un peu connu, plein à craquer parfois et, je l'espère, apprécié des musiciens.
CMTRA : Comment cela marche un folk-club en 2001, quel est le principe ?
A.B. : L'idée de base c'est la rencontre: on ouvre un lieu, on le rend sympathique par son esprit, on y invite des gens sympathiques, on y sert des boissons sympathiques (les fameuses bières du Diable Rouge) et l'on y sort les instruments que l'on aime. Tout le monde joue le jeu de la rencontre et du partage et tout simplement cela marche.
Administrativement parlant le principe est d'accueillir uniquement des adhérents et de fonctionner comme une soirée privée, ce qui simplifie beaucoup les choses, rappelons que le coût de l'adhésion est symbolique.
CMTRA : Les activités de l'association dépassent maintenant les rencontres des 2ème et 4ème mercredi de chaque mois, qu'est-ce que vous avez mis en place ?
A.B. : Je te rappelle qu'une des idées fondatrices du Bec à Sons était de favoriser, de retrouver même, une qualité d'écoute des musiques traditionnelles digne de la qualité et de la passion que les musiciens mettent dans la pratique de ces musiques. C'est pourquoi l'on ne danse pas au Caveau, pour mieux écouter, et c'est vrai que l'on a maintenant cette attention chaleureuse idéale lors de nos concerts. Mais je n'oublie pas qu'il s'agit, au départ, d'airs de danse et pour éviter cette frustration de ne pouvoir danser au Caveau nous avons mis sur pied deux bals annuels dans la petite salle des Fêtes de Couzon-au-Mont-d'Or, le Bal de Printemps et le Bal d'Hiver et ce depuis mai 1999. Pour le premier bal nous avons surtout eu des gens du village et c'était une bonne surprise mais pour le deuxième et le troisième nous avons rempli la salle plutôt avec les amateurs de danse de la région.
Nous avons compris que les villageois avaient hésité à venir se rendant compte qu'ils dansaient moins bien que les danseurs habitués. Une autre de nos idées fondatrices du club étant d'essayer de faire apprécier les musiques traditionnelles dans un village ayant justement perdu ses traditions, nous avons décider de faire précéder notre prochain bal du 28 avril 2001 d'une petite formation rapide à la danse destinée aux Couzonnais.
CMTRA : Avec cette formation rapide à la danse vous mettez déjà un doigt dans l'enseignement de la danse, qu'en est-il de la musique ?
A.B. : Effectivement, il est assez tentant de se lancer dans l'apprentissage de la musique traditionnelle. Couzon-au-Montd'Or est une petite commune de 2300 habitants qui abrite une école de musique, le Rochon, particulièrement conséquente. Comme de nombreuses écoles de musique son principe est calqué sur celui des conservatoires, musique écrite, contact avec des virtuoses pour créer d'autres virtuoses, auditions de fin d'année. Je pense que les musiques traditionnelles et la pratique orale peuvent amener un autre rapport à la musique et au plaisir simple et immense qu'elle peut donner. Nous avons déjà une expérience dans ce domaine puisque Patrick Raffin anime un cour de cornemuse cette année, au sein de l'école de musique qui l'a accueilli sans problème et je pense que nous allons mettre sur pied, pour l'année scolaire prochaine, un cour d'accordéon diatonique et un cour de violon que j'animerai moi-même.
CMTRA : Quelle relation peut-il y avoir entre un public qui vient entendre ou qui vient danser au bal et puis un public qui voudrait apprendre, comment cela se passe, y-a-t-il une alchimie particulière ?
A.B. : C'est l'alchimie du contact et le besoin, l'envie, de reproduire quelque chose que l'on a aimé. Dans nos bals par exemple nous faisons toujours jouer quatre groupes qui enchainent des sets d'une demi-heure. Mais le quatrième de ces groupes est en fait le mélange de tous les musiciens présents ce qui nous fait souvent quinze personnes sur scène. Voilà ce qui à mon avis peut donner envie de pratiquer la musique, voir qu'il y a, pour des élèves, une place possible pour jouer et faire danser.
De même les scènes ouvertes du deuxième mercredi de chaque mois sont un lieu idéal pour se lancer, surtout que les professeurs y sont et ils seraient bien cruels de ne pas jouer, de temps en temps, un air appris en cours. Ainsi le folk-club comme les bals annuels deviendraient les lieux naturels de pratique des apprentis musiciens, plus passionnants que des auditions de fin d'année, et l'on peut penser que ces trois entités, club, bals, cours, forment un tout équilibré et fonctionnel. On va voir!
CMTRA : En ce qui concerne les publics qui viennent déjà ou qui viendront à ces activités du Bec à Sons, vous visez le public spécialisé au niveau de l'agglomération ou le public de proximité ?
A.B. : Le public de base, notre public, celui dont on fait partie d'ailleurs, c'est l'ensemble des amateurs de musique traditionnelle de l'agglomération. Il n'est pas question de ne pas s'adresser à lui, de ne pas lui proposer les activités du club. Mais le challenge dont j'ai parlé plus haut, intégrer cette musique dans un village n'ayant plus souvenir de ses traditions, reste important. C'est de plus une expérience interessante pour nous tous et que j'aimerais voir se multiplier. Enfin il ne faut pas oublier que le Bec à Sons est dépendant de la municipalité ne serait-ce que par le prêt des différentes salles, et il est équitable que nous participions à la vie locale par exemple par le biais de fêtes locales et d'animations.
CMTRA : Pour le responsable d'association que tu es, penses-tu que dans l'agglomération lyonnaise il y a la place pour plusieurs Becs à Sons, ou Becs à autre chose ?
A.B. : Bien sûr, la cité est grande et il serait passionnant de voir se multiplier les folk-club autour de Lyon comme une espèce de réseau musical qui favoriserait l'émergence de nouveaux musiciens, de nouveaux groupes, de nouvelles démarches créatives. Un tel réseau bien fédéré pourrait également organiser des petites tournées avec des artistes venant de régions plus lointaines. Pour moi qui participe et qui observe depuis longtemps cette pratique musicale, cela serait un véritable aboutissement, un socle solide pour la pérennité du renouveau des musiques traditionnelles. L'idéal serait même que cet ensemble de petites stuctures ait une âme, un esprit d'école au sens des grandes écoles de peinture de la renaissance italienne et qu'il y ait autour de Lyon un style dans la pratique de ces musiques.
CMTRA : Quels conseils peut-on donner à une équipe ou un groupe de gens qui s'intéressent aux musiques traditionnelles et qui voudraient convaincre la municipalité dans laquelle ils se trouvent de mettre à leur disposition des locaux ?
A.B. : Grâce à mon métier d'architecte j'ai des relations privilégiées avec les élus et je me suis rendu compte que se sont des gens qui sont à la fois faciles d'accès et toujours demandeurs de bonnes idées pour la commune. Il faut travailler avec les municipalités, de plus la période est excellente, nous allons avoir de nouvelles équipes qui vont vouloir faire mieux que la précédente, c'est le moment d'y aller! Le discours peut être "les gens du village vivent comme dans une cité dortoir, on va créer un lieu de rencontre autour des musiques traditionnelles qui sont le fondement de notre culture, etc.". Il faut ensuite trouver une petite salle adéquate (ce qui sera peut-être le plus difficile), faire le Maire et l'Adjoint à la culture membres d'honneur, demander l'appui du CMTRA au niveau de la communication et c'est parti ! L'implantation locale c'est la base, n'est-ce pas d'ailleurs logique pour une musique issue des terroirs?
CMTRA : Et avec les écoles de musique ?
A.B. : C'est plus compliqué sans doute. Autant les municipalités demandent des idées autant les écoles de musique sont pleines de certitudes. A Couzon-au-Mont-d'Or nous avons la chance d'avoir une école de musique avec un président et un directeur particulièrement ouverts. Ainsi ont-ils intégré la cornemuse du centre dans les cours proposés cette année. Il reste cependant à convaincre que l'on peut enseigner la musique différement, au delà du répertoire traditionnel, et l'atelier violon que j'espère monter l'année prochaine sera une bonne expérience. C'est un instrument difficile, exigeant et qui se partage entre les pratiques orales et classiques. Montrer qu'avec nos méthodes d'enseignement on peut arriver à pratiquer le violon avec plaisir, qualité et émotion sera un bon point pour nous et notre reconnaissance.
Propos recueillis par J.B.
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Anatole Benoit
Tél : 04 78 22 76 07