Johan Jacquemoud
Joueur de sitar indien
Entretien
CMTRA : Johan Jacquemoud, le gôut du sitar indien est-il lié au revival flower-power des années 70 que l'on constate partout aujourd'hui ?
Yohan Jacquemoud : Je ne sais pas, mais pour moi qui n'ai que 24 ans, c'est une autre histoire. J'ai eu un parcours assez classique au sens occidental, piano-conservatoire d'Annecy puis basse électrique rock-jazz, comme beaucoup de monde. Mais j'ai intégré la filière musique-étude de l'Insa à Lyon, puisque je suis par ailleurs ingénieur en vibrations acoustiques. J'ai découvert la contrebasse, et grâce à un échange entre universités, j'ai eu la chance de pouvoir partir un an à New Delhi, en Inde. La musique indienne m'attirait depuis longtemps, j'ai donc profité de ce séjour pour m'initier au sitar et suivre l'enseignement d'un maître qui est devenu mon gourou.
CMTRA : Cette musique vous interesse-t-elle pour son statut de musique savante ou pour ses qualités de musique improvisée ?
J.J. : Par mon intérêt pour le jazz, c'est surtout l'aspect improvisé de cette musique qui m'attire, avec tout ce qu'il peut y avoir de magique et de reposant dans l'aspect classique de cet art. C'est donc par ce biais que je me suis tourné vers les musiques traditionnelles, du yiddish d'Europe de l'Est aux musiques irlandaises, et maintenant les musiques indiennes que j'ai pu approcher par un enseignement traditionnel.
Ces musiques se transmettent de façon orale, de gourou à disciple. Mon maître se nomme Jack Dipsingh Bedhi, il joue du sitar et du surbar, qui est un sitar basse. C'est essentiellement de la musique de l'Inde du Nord, nous n'avons pas approché la musique carnatique de l'Inde du sud. Pendant un an ce fut intensif, et de retour en France il m'a fallu assimiler et intégrer ces connaissances. Il me faudra bientôt retourner là-bas pour progresser de nouveau auprès de mon gourou ou d'autres joueurs de sitar.
CMTRA : Un enseignement de ce type reste-t-il purement musical ou cela déborde-t-il sur une approche philosophique ?
J.J. : L'enseignement lui-même, cette façon de privilégier le rapport humain entre maître et élève, l'enseignement par la parole et l'exemple, tout cela en soi est déjà un état d'esprit particulier très différent de notre approche occidentale de l'enseignement musical. Plutôt que philosophique, je qualifierai cela de religieux, car il y a beaucoup de dévotion dans cette musique savante, dévotion que l'on ressent dès l'enseignement.
Lorsque l'on prend un maître on le prend pour la vie, et il s'installe alors une autre perception et un autre rapport de temps que celui d'un cours de musique en France. Je ne suis resté qu'un an, mais j'ai lié une relation unique avec mon gourou, qui me conduira de nouveau auprès de lui bientôt. Le choix que j'ai fait est très personnel, car il existe aussi en Inde des enseignements de type occidental, moins individualisés, ou un professeur accueille plusieurs élèves en même temps, etc...
CMTRA : Quelles sont les occasions de jouer en France ?
J.J. : Je joue depuis quelques temps avec Gandalf, qui est élève à l'ENM de Villeurbanne. Nous avons mis en commun nos connaissances et nous commençons à développer des musiques ensemble. Je joue aussi avec un joueur de viole de gambe, donc vers une musique de fusion assez inclassable. J'aimerais essayer quelque chose avec des saxs et contrebasses Et puis bien sûr je continue à jouer de la basse électrique avec le groupe irlandais Garlic Bread.
Toutes ces musiques ont en commun pour moi la touche et l'émotion que chacun peut y mettre, elles sont ouvertes et donc perméables, un individu peut s'y exprimer individuellement. Et puis bien sûr j'aimerais proposer un initiation au sitar dans le cadre des ateliers du CMTRA dès la rentrée de septembre.
Propos recueillis par E.M.
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