Motayem.
Une rencontre musicale Irak-Palestine
Entretien Mohammed Alnuma et Olivier Milchberg.
CMTRA : L'ensemble Pêcheurs de perles sort un disque réalisé avec le musicien palestinien Moneim Adwan. D'où est venue l'idée d'un tel projet ?
Olivier Milchberg : L'origine du projet est la rencontre avec Moneim Adwan. Je l'ai rencontré en Palestine lors d'une tournée avec le groupe Passe Montagne, en 98-99. La rencontre avec le groupe Pêcheurs de Perles s'est faite à Correns, lors de la venue de Moneim pour le projet Chicha, au Chantier avec Miqueu Montanaro. L'idée d'une collaboration a germé à ce moment-là . J'ai produit un premier disque avec Moneim et Françoise Atlan, “Nawah”, puis Motayem était la suite logique, le but étant de soutenir Moneim et de lui donner l'opportunité de se faire connaître en France. Le projet a été financé par Le Chantier de Correns, la DRAC et la région PACA.
Motayem réunit l'ensemble Pêcheurs de perles, Moneim Adwan, et des musiciens invités ?
O.M. : Moneim avait au départ de grandes ambitions, il voulait inviter beaucoup de musiciens. Finalement nous avons réuni une dizaine de personnes : les musiciens de l'ensemble Pêcheurs de perles, ainsi que des musiciens que nous connaissons bien et d'autres rencontrés récemment : Bijan Chemirani aux percussions, Georges Mas à la clarinette et au sax, Herbert Koschmeider au sax, Léonore Grollemund au violoncelle et kamanché et Udo Hennman à la basse).
Pouvez-vous nous présenter Moneim Adwan ?
Mohamed Alnuma : Moneim est “le” chanteur de Gaza. D'après ce que j'ai entendu dire, c'est un peu le chanteur national. Il est très connu là -bas, il a déjà enregistré plusieurs disques. Il chante et il joue du oud, il connaît très bien le répertoire classique arabe et la musique traditionnelle palestinienne.
En quoi a consisté votre collaboration ?
O.M. : Nous avons réuni des morceaux traditionnels, que nous avons arrangés avec nos influences respectives.
M.A. : Moneim et moi avons réalisé le squelette des chansons, c'est-à -dire le chant, le oud et les bases rythmiques. Nous avions en fait peu de temps pour enregistrer tout le répertoire, car Moneim devait repartir. Ensuite Olivier a travaillé sur les arrangements. Moneim était très content du résultat.
Vous parlez de chansons traditionnelles, d'où viennent-elles ?
M.A. : D'Irak et de Palestine. L'idée est venue lors d'une soirée où nous avons chanté chacun à notre tour des chansons de nos pays respectifs, et nous nous sommes dit qu'il fallait donner une suite à cela, enregistrer quelque chose ensemble. Cette nuit-là la compagne de Moneim a mis au monde leur fils, Motayem, c'était donc un signe !
De quoi parlent les chansons du disque ?
M.A. : Essentiellement d'amour. Le Motayem est l'amoureux passionné qui s'abandonne dans l'amour. On peut citer la première chanson du disque, qui est pour moi le texte le plus intéressant. La chanson s'appelle Goulli (“dis-moi”), c'est un texte du poète Abu Alfiras Alhamadani (10ème siècle après J.C.), qui dialogue depuis sa prison avec une colombe, la blâmant de pleurer alors qu'elle est libre (dans la langue arabe, le roucoulement est associé au gémissement).
Quelle suite aimeriez-vous donner à cette collaboration ?
O.M. : Pour le moment, rien n'est fixé, mais nous aimerions faire tourner cette création. Moneim est reparti en Palestine, où il a également des projets, mais s'il a la possibilité de sortir du pays, nous ferons le nécessaire pour qu'il vienne. C'est sa femme qui s'occupe des démarches pour le faire sortir et venir en France, elle fait un gros travail. Nous avions évoqué la possibilité d'aller jouer en Palestine, mais pour le moment il n'y a rien de défini.
M.A. : Je pense que si l'on veut bien faire, mener cette création plus loin, tourner, etc... avec les musiciens avec qui nous avons travaillé, il faut des moyens, des financements. En plus, il y a toujours une incertitude sur la possibilité pour Moneim de venir, c'est assez compliqué. Mais c'était une expérience enrichissante et je suis prêt à faire d'autres projets avec Moneim si cela est possible.
L'ensemble Pêcheurs de perles prépare également un nouvel album, Wahed (“l'unité”), pouvez-vous nous en dire plus ?
M.A. : Nous travaillons depuis quelques mois avec un musicien iranien qui vit en Inde, Zhubin Calor. Nous avons entamé une collaboration avec lui, et il sera l'un des principaux invités de notre prochain album. Il joue du kamanche.
O.M. : La sortie de l'album est prévue pour février, nous sommes en train d'enregistrer pour le moment.
Vous jouez souvent à l'étranger, notamment en Turquie, votre musique est-elle perçue différemment là -bas par le public ?
O.M. : En Turquie, nous jouons en général dans des bars, ou chez des amis. Le public a toujours très bien accueilli notre musique, là -bas les gens sont friands de mélanges et de rencontres Orient-Occident. Le public est chaleureux, sans a priori. En France, on a plus l'impression de devoir prouver des choses, que la démarche du public est plus intellectuelle. D'un autre côté, l'organisation et les conditions de concert sont souvent meilleures. C'est en tout cas intéressant d'être confronté à ces deux types de publics.
Propos recueillis par P.D.J.
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