Kordévan « Une idée de bleu »
Murielle Geoffroy : A l’occasion de ce nouvel album, j’aurais aimé que vous nous parliez de l’histoire du groupe, de son projet artistique et de ce nouvel album.
Nathalie Berbaum : Le groupe a été créé en 1996. « Une idée de bleu » est le deuxième album que nous produisons.
A la création du groupe, on reprenait des morceaux de musiques traditionnelles, on avait beaucoup d’admiration pour des groupes comme « Dédale », « Obsession », « Aquartet », groupes phares des « Musiques traditionnelles de demain », du collectif Mustradem. Des groupes comme « Dédale » ont vraiment fait tomber les frontières dans la façon de revisiter ces musiques en y incorporant de l’improvisation, une écriture contemporaine et en composant aujourd’hui des musiques sur des formes traditionnelles. Nous nous sommes inscrits dans ce sillage. On puisait dans lerépertoire traditionnel, français surtout, Auvergne, Bretagne, celte mais aussi arabo-andalou, yiddish etc.
Marie Mazille : on aurait pu faire du bal, mais on s’est rendu compte qu’on n’avait pas cette culture et pour être en accord avec notre fantaisie (liberté avec le rythme, avec la structure des morceaux…), on a pris l’option concert. Nos premières compositions plaisaient alors on a continué dans cette voie là. Dans les deux derniers disques il n’y a que des compositions de Claude Schirrer et de moi-même. Les morceaux sont ensuite arrangés collectivement, chacun compose sa voix en fonction de son instrument.
NB : Le répertoire d’une façon générale est très écrit, très arrangé, mais il y a de l’improvisation dans quasiment tous les morceaux.
Le deuxième album a été réalisé lors d’une résidence de création au théâtre de poche (maintenant appelé théâtre de création) à Grenoble. Depuis longtemps beaucoup s’accordent à dire que notre musique ressemble à de la musique de film, sans film… L’idée de proposer de l’image mêlée à notre musique s’est imposée.
Nous avons travaillé à partir de peintures réalisées par des personnes autistes, dans le cadre d’ateliers d’art thérapie. Après une sélection de quelques-unes, choix difficile en raison de leur grande qualité expressive, nous les avons photographiées, puis ces photos ont été animées avec talent par le vidéaste Xavier Rivet. Nous voulions des images abstraites, qui laissent l’espace au public pour construire son propre voyage au milieu de tout ça. Je crois que le pari a été réussi.
Ce qui caractérise aussi « Une idée de bleu », c’est qu’il a vraiment été fait dans un esprit électroacoustique : nous utilisons des pistes additionnelles, lancées en direct pendant le spectacle. C’était le désir du groupe, une étape dans notre travail. Ce fut vraiment un travail d’équipe où l’on quittait la simple notion de concert pour atteindre une véritable dimension de spectacle, grâce entre autre au travail de Catherine Bechetoille, Philippe Pujol et Pascal Cacouault.
NB : Le sujet de notre prochaine création : des morceaux choisis des « Poésies de
A.O. Barnabooth » de Valéry Larbaud, poète et auteur de la fin du 19ème, originaire de Vichy. Grand bourgeois richissime, il a fait connaître des auteurs en marge à son époque (Gaston Couté, St John Perse, James Joyce, Walt Whitman, Léon-Paul Fargue, Louis Chadourne, Samuel Butler…), traduit en français des poètes étrangers, ce qui montre son érudition. Ce sera un spectacle de chanson avec la complicité de Gérard Pierron. Et comme pour toute création, nous sommes évidemment à la recherche de financements pour mener à bien ce projet qui nous tient à coeur.
MG : Est-ce qu’aujourd’hui vous avez encore un lien avec les musiques traditionnelles ? De nouvelles rencontres ? De nouvelles découvertes qui s’ouvrent pour l’avenir ?
Patrick Reboud : Pour moi on vit cette aspiration et nos racines traditionnelles de la façon la plus ouverte possible. Dans un monde en demande de classification, notre musique inclassable pose problème. Conserver cette appartenance à des racines traditionnelles, c’est ce qui nous correspond le plus.
Accompagner un chanteur comme on l’a fait dans la création « Plein chant » avec DJAL et Gérard Pierron, est-ce que ça ne relève pas d’une certaine forme de tradition ? Christophe Sacchettini dit qu’« on cherche à faire une musique traditionnelle décomplexée », moi j’aime bien cette idée. Je pense que dans Kordévan on ne renonce pas à ces racines même si on ne fait pas une musique traditionnelle dans le sens folklorique du terme. On garde la racine quitte à l’ouvrir à l’improvisation, au jazz, à l’écriture classique ou contemporaine et même à l’électroacoustique.
MM : J’ai pour ma part une culture très classique à la base et quand j’ai découvert les groupes rhône-alpins qui étaient dans une mouvance d’invention tout en étant dans les musiques traditionnelles, ça m’a donné envie d’aller à la découverte, de voir les choses autrement. Mes voyages (Maroc, Burkina Faso, Tchécoslovaquie …), mes lectures, mes rencontres changent mes rapports à la musique au fil des ans.
Quelque soient les problématiques de temps, de finances, et d’un métier qui est de plus en plus difficile, je sais que j’aurai toujours autant de plaisir à découvrir de nouvelles choses.
Et dans le projet « Valéry Larbaud », il y aura une petite trace de tout ça, de notre vécu, de nos rencontres… qui transparaîtra.
Nathalie Berbaum : violon, petites percussions
Marie Mazille : clarinettes, violon
Pierre Marinet : alto
Patrick Reboud : accordéon, accordina
Claude Schirrer : guitare, basse
Musiciens invités : Maxime Bouchet (contrebasse), Philippe Delzant (hautbois, cornemuse)
Scénographie : Catherine Bechetoille
Mise en espace : Philippe Pujol
Diffusion et traitement sonore : Pascal Cacouault