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Chant corse à Lyon
Entretien avec Fabien Haug

Entretien avec Fabien Haug, amateur expérimenté qui s’est initié en 2004 au chant polyphonique corse lors d’un stage avec la confrérie Saint- Antoine de Calvi. Il est à l’initiative d’un rassemblement de personnes pratiquant les polyphonies corses sur Lyon. Ce projet a pris forme en avril à l’occasion d’un stage animé par Jean-Pierre Giorgetti, meneur du groupe A Vuciata, dont le répertoire parfois accompagnés d’instruments (violon et guitare) passe du chant monodique aux polyphonies. En attendant le prochain stage, une autre occasion de chanter des polyphonies corses va être donné au cours de la manifestation Dialogues en Humanité, le 5 juillet 2008, au parc de la Tête d’Or. Fabien Haug y animera en effet un atelier d’une demi-journée.


CMTRA : Tu parles de vouloir créer un atelier de polyphonie, selon le modèle des confréries corses, peux-tu nous en dire plus ?

Impossible de faire comme eux : il nous faudrait leur demander de nous prendre en compagnonnage et aller vivre sur place. Tout au plus pouvons nous tenter de nous inscrire dans leur sillage et prouver par notre intérêt la valeur universelle de ce patrimoine. Je voudrais créer un groupe de gens qui s’engageraient en toute simplicité à chanter ce répertoire a capella de tradition orale magnifique dans un esprit d’amitié et d’enracinement.

La polyphonie corse naît de la terre et de la foi. À la base, c’est un chant masculin (les femmes ont commencé a la chanter dans les années 1970). Contrairement à d’autres traditions, comme par exemple en Géorgie où certains morceaux sont des chants guerriers, sa pratique interroge une facette de l’identité masculine où vibrent les cordes de la sensibilité poétique et le sentiment. Dans le village corse traditionnel, la confrérie était un lieu de sociabilité privé pour les hommes : elle réunissait les chanteurs de 15 à 80 ans, hors de l’autorité du curé car le seul à pouvoir entrer dans le local des confrères sans leur accord est l’évêque. L’apprentissage est uniquement oral, sans partition, avec la nécessité d’apprendre les textes par cœur pour être dans l’écoute et non dans la lecture.

Je me rappelle lors de mon stage à Calvi, quand j’ai sorti mon diapason, et qu’un des confrères les plus âgés m’a demandé ce que c’était : il n’en avait jamais vu.

Quel est le type de répertoire pratiqué ?

Il y a de nombreux chants, tant sacrés que profanes. Les chants sacrés sont des messes, des préfaces, des chants de procession, autant en latin qu’en langue corse. Les chants profanes, tous en langue corse, sont des chants d’exil, d’amour, de travail, de chasse. On ne ressent pas la coupure qui existe entre le trad français et la musique sacrée, qui a des origines historiques avec les luttes laïques. En Corse, cette coupure n’existe pas : l’Eglise était dépendante de chanteurs immergés dans le monde profane pour sa liturgie et la Corse, trop pauvre, n’avait pas d’orgues.

Concrètement comment se pratique la polyphonie corse ? Est-ce accessible à tous ?

La construction solfégique de ces chants à trois voix est souvent simple ce qui n’empêche pas ce répertoire d’être exigeant sur les qualités nécessaires à l’interprétation.

La voix du milieu, la seconde (Segonda), mène le chant : elle est doublée par la basse (Bassu) qui donne l’ampleur harmonique, et la touche finale irremplaçable est amenée par la Terza, la voix du dessus, qui prend la main pour poser l’accord final. En fait, il est important à terme de connaître les différentes voix d’un même morceau : c’est généralement possible du fait que les différentes voix ont une relative amplitude : elles ne montent et ne descendent ni très haut, ni très bas. Il est fondamental d’être dans l’écoute pour entendre les harmoniques naturels et le son des autres voix. Ce chant demande une authenticité qui est naturellement présente et de façon assez remarquable chez certains chanteurs qui ont des métiers manuels. Acontrario, certains bons chanteurs classiques ne peuvent aborder le chant corse que moyennant un certain travail sur eux-mêmes.

Peux-tu nous en dire plus sur la proposition du 5 juillet ?

Cette proposition est née d’une rencontre avec les organisateurs des Dialogues en humanité qui voulaient mettre en place un atelier sur la question de l’identité masculine, tout en valorisant un lieu singulier de Lyon : le passage souterrain qui mène à l’Ile du Souvenir, le monument au mort de Lyon, au milieu du lac du parc de la Tête d’Or.

Le rendez-vous y est donné le samedi 5 juillet sous l’arbre à palabres des dialogues et de 14h à 16h sur place.


Propos recueillis par Tania Lehberger




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