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Les frontières musicales s'estompent
La migration des esthétiques

Entretien avec Benoît Thiebergien directeur du festival des 38èmes rugissants CMTRA : Benoit Thiebergien, vous avez créé et vous portez depuis 14 ans l'association 38e Rugissants, qui met en œuvre le festival du même nom, ainsi que l'opération Musiques Nomades. Votre action est centrée sur l'innovation musicale, la création, la prise de risque, et le cœur de votre démarche est ce que vous nommez la migration des esthétiques. Quelle est votre vision du monde musical actuel ou contemporain, et comment la concrétisez-vous à travers les contenus de vos manifestations ?

Benoît Thiebergien : Quand j'ai créé les 38e, il y a 14 ans maintenant, je voulais faire entendre la création musicale contemporaine, Ülle mal aimée de la musique classique : musique écrite, électroacoustique, théâtre musical, installations sonores... Je ne comprenais pas pourquoi ces musiques étaient si peu jouées devant le public. Pourquoi donc la création contemporaine était-elle vécue comme élitiste et rébarbative ?

Je voulais surtout dissiper le malentendu entre cette musique et les auditeurs, faire aimer cette dimension expérimentale de la création, l'innovation, avec une attention particulière pour les chemins de traverse par rapport à l'institution, qui pesait beaucoup dans ce milieu. Je me suis beaucoup intéressé aux francs-tireurs de la musique, aux passeurs d'un monde musical à l'autre, et j'ai cherché à donner une autre image de cette musique, plus ludique, plus jubilatoire tout en restant très exigeante. La musique contemporaine n'est pas une punition.

Et puis très vite, je me suis intéressé aux musiques traditionnelles extra-européennes, comme on dit. D'abord parce qu'elles ont inëuencé de façon permanente la musique contemporaine occidentale : Debussy, Bartok, Ligeti, Reich... ont largement puisé dans les musiques du monde pour enrichir leur propre écriture. Puis, parce qu'elles relativisent notre approche ethnocentrique de la création.

Les musiques traditionnelles, loin d'être une « archéologie du présent » comme disait je ne sais plus qui, sont étonnamment contemporaines en ce sens qu'elle se renouvellent et se réinventent en permanence tout en restant profondément attachées à leurs racines. Il n'y a pas eu de « tabula rasa » comme en Occident. Ce sont donc des musiques « savantes » qui se sont enrichies de génération en génération, et qui de surcroît, contrairement à chez nous, ont une dimension sociale et souvent religieuse centrale dans les cultures qui les ont créées.

Chez nous, la musique classique représente notre tradition « bourgeoise » et les musiques populaires se sont folklorisées. Et l'industrie musicale s'est emparée des musiques commercialisables pour en faire un grand marché planétaire. Aujourd'hui, les choses changent : les villes se sont agrandies et ont facilité les grands brassages multiculturels qui ont donné ce qu'on appelle aujourd'hui les musiques actuelles, en gros tout ce qui n'est pas dans le champ de la musique classique : rock, jazz, variété, techno, musiques du monde, etc.

De plus, les frontières musicales s'estompent. Les cloisons deviennent poreuses. Les compositeurs contemporains sont nés avec la radio, le jazz, le rock... leur écriture savante s'en inspire. Dans l'autre sens, les musiciens technos se découvrent aujourd'hui une Üliation avec l'électroacoustique. L'innovation se reconstitue une histoire. Les genres musicaux éclatent, les transfuges sont de plus en plus nombreux à passer d'un monde musical à l'autre. Tels des nomades contemporains.

C'est précisément cela qui m'intéresse et que je cherche à provoquer ou accompagner aux 38e Rugissants. Vous réfléchissez sur les questions de transculturalité, de métissage, d'hybridation, quelle est à vos yeux la place de ces notions dans la création musicale ?

D'abord, la musique contemporaine n'a plus le monopole de la création. Toutes les formes musicales inventent, cherchent, remettent en cause leurs propres références pour s'aventurer dans les voies nouvelles.

Nous sommes dans une période de transformation et de changement. Un élément majeur de cette transformation est le métissage. Même si ce mot est galvaudé, il est pour moi porteur de sens, c'est créer du nouveau par l'enrichissement mutuel sans abandon des racines de chacun. C'est Edouard Glissant qui disait quelque chose comme « nous sommes aujourd'hui dans un monde fini, dans le sens où tous les territoires ont été découverts, nous entrons donc dans une période de grande créolisation des cultures à l'échelle de la planète ». Je pense qu'il a raison.

La mondialisation des échanges culturels, l'interculturalité des grandes métropoles, la circulation croissante des artistes, l'accès à l'ensemble des musiques jouées dans le monde par la radio, le disque sont autant d'éléments qui favorisent le métissage des genres et des modes de jeu, et nourrissent la création de musiques nouvelles.

C'est ce que j'appelle les « migrations des esthétiques », thème central du Festival et des Musiques Nomades pour les années 01/02/03. Dans les cultures européennes, la musique a depuis longtemps pris une dimension à la fois de divertissement, mais aussi de bien culturel propre à déclencher une réaction émotionnelle esthétique chez le public. Au même moment, dans de nombreuses cultures du monde, la musique est au cœur du rituel, du religieux. N'est-ce pas source de malentendus possibles entre les cultures ?

Dans toutes les cultures, les expressions artistiques sont reliées à la vie sociale et religieuse. Les musiques traditionnelles ont leurs formes religieuses liées au « sacré » et leurs formes profanes, destinées au « divertissement ». Chez nous évidemment le sacré n'est plus au centre de l'activité artistique, mais la tradition contemporaine du chœur, des messes, des chants liturgiques est l'expression d'un lien au sacré et le véhicule de nos croyances.

En revanche le divertissement culturel a pris une place prépondérante dans la vie de chacun mais surtout dans l'économie de marché. Ce que le monde occidental a peut-être perdu, c'est cette proximité avec la musique et la danse, ce lien naturel et quotidien avec l'art qui ponctue la vie sociale et nourrit la vie intérieure. On le retrouve chez nous dans les tentatives de renouvellement des modes de représentation : arts de la rue, pratiques amateurs, fêtes de quartiers, concerts chez l'habitant, fête de la musique... mais aussi un fort engouement pour découvrir les musiques du monde dans leurs formes « savantes » et d'inspiration religieuse : liturgies tibétaines, musiques chamaniques, gospels, musiques soufis, grégorien, etc... Comment vivez-vous le rapport entre l'industrie musicale et les démarches de création ?

En France, même s'il est d'usage de critiquer les pouvoirs publics, nous avons néanmoins la chance d'avoir un soutien de l'État, et de plus en plus des collectivités locales, aux expressions artistiques, théâtre, danse, musiques...

Ce qui permet de créer, d'avoir une démarche de recherche et d'innovation sans dépendre directement des contraintes du marché. Cette industrie culturelle d'économie mixte, même si elle a ses défauts, ses lourdeurs, ses politiques avec lesquelles on peut ne pas être d'accord, représente pour les artistes une situation favorable que nous envient de nombreux artistes de pays voisins. C'est la garantie d'une diversité des formes et des approches que ne peut offrir l'industrie musicale soumise aux logiques de marché. Je pense que cela crée également une diversité des publics et auditeurs qui constituent autant de « marchés de niche », comme diraient les commerciaux, qui peuvent faire vivre les labels indépendants et leurs réseaux, les festivals et manifestations sur des propositions artistiques à risque et non rentables.

C'est un privilège que nous nous devons de faire partager avec les musiciens des pays du sud, en développant des projets de création, de production dans lesquels ils sont associés, et de favoriser les dynamiques et les échanges artistiques « transculturels ». Propos recueillis par J.B. Les Musiques Nomades 02/03 Grenoble (38) - 23 octobre Alim Qasimov (Azerbaïdjan) - 30 novembre Samerrah !!! Création (France, Indonésie) - 05 décembre Le Chant de la terre et des étoiles Luzmila Carpio Création (Bolivie) - 28 janvier Mantsieme (Congo) - 20 février Tembang Sunda (Indonésie) - 18 mars Danyel Waro (La Réunion) - 8 avril Teyyam Du Kerala (Inde) - 23 mai Gacha Empega & El Hillal Création (pays Occitan, Algérie) - 27 juin L'amour extreme (pays Basque, Inde, Espagne) Contact

Association 38e Rugissants

11 rue Jean Jacques Rousseau 38000 Grenoble

Tél. : 04 76 51 12 92 / Fax : 04 76 51 28 27

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