Aller-retour en Argentine

Rencontre avec María Semilla Durán, vice-présidente de l'association Sol.Ar, organisatrice du festival Aller-Retour en Argentine, manifestation pluridisciplinaire se déroulant du 1er au 10 avril à Lyon et Villeurbanne. CMTRA : Le festival « Aller-retour en Argentine » est l'aboutissement d'une organisation collective qui fédère plusieurs associations. Qui sont-elles et comment l'idée d'un tel festival a-t-elle germée ?

Maria Semilla Durán : Trois associations interviennent dans l'organisation, Sol.Ar (solidarité avec l'Argentine) qui regroupe une partie de la communauté argentine à Lyon, l'association Le Trad' des rades, un collectif de valorisation des musiques d'inspirations traditionnelles et une association d'étudiants de l'IEP, Ni fées, ni affaires. L'association est née en 2002 à la suite des événements politiques qui ont eu lieu en Argentine. Notre action est avant tout solidaire puisque les fonds récoltés lors du festival servent des projets sur place. Nous ne faisons pas de la bienfaisance, nous soutenons directement des projets qui peuvent avoir une suite productive pour la communauté. Votre programmation souhaite mettre en valeur les liens qui existent entre la crise sociale et les nouvelles formes artistiques qu'elle a généré, l'Argentine connait-elle une forme de renouveau ?

Après la très grave crise économique de décembre 2001, on aurait pu penser que les gens seraient complètement découragés, et que l'urgence des besoins ne leur laisserait pas penser à autre chose qu'à survivre. Mais l'Argentine connaît un renouveau de sa production artistique, notamment en ce qui concerne les milieux de l'édition, du cinéma, des arts plastiques. Le festival veut être un reflet de cette nouvelle dynamique. Quelle place est faite aux musiques traditionnelles ?

Laura Falcoff animera un stage de danses du Nord de l'Argentine à Tango de Soie. Elle fera aussi une conférence sur les musiques traditionnelles. En clôture du festival, il y aura une fête, où elle fera une démonstration. La soirée sera suivie d'un concert et d'une Mateada*. Quelles sont les autres musiques traditionnelles, pour nous l'Argentine, presque exclusivement, c'est le tango ...

Oui, et Maradona et la viande ... (rires). A travers le festival nous voulons bousculer ces stéréotypes. Il y a le tango évidemment, mais c'est une musique traditionnelle urbaine, dont le répertoire n'est pas anonyme. Et puis il y a la musique folklorique des campagnes qui est très riche et beaucoup moins connue. Notre rapport à la musique folklorique est très particulier, il fluctue selon les périodes et les idéologies prédominantes. On y revient de manière obsessionnelle ou on l'oublie. A mon époque la musique traditionnelle accompagnait un mouvement de revendication nationale, et d'opposition à l'impérialisme ... Depuis l'engouement a un peu diminué. Pourtant, dans le sillage d'Atahualpa Yupanqui il y a à l'intérieur de la musique folklorique, un courant de textes qui est extrêmement révolutionnaire, les revendications sont très explicites : « La terre pour ceux qui la travaillent » par exemple. Ça ne veut pas dire qu'à travers le tango, on ne parle pas de l'injustice sociale, mais elle est perçue sous un aspect plus individuel et intérieur. Le tango est confessionnel, il y a un « je » qui parle. Ça a à voir avec les traditions de la campagne et les traditions urbaines. Chaque région d'Argentine a produit une musique différente : dans la région proche de la frontière brésilienne, il y a des musiques influencées par la culture des indiens guarani, dans les régions du Nord-Ouest, il y a les musiques andines, plus proches des musiques boliviennes. Vers la région du Cuvo ou Mendoza, il y a des liens avec la musique chilienne... Chacarera, zamba, chaya, gato, chamané, milonga, la musique argentine traditionnelle est d'une diversité insoupçonnable ... Lors du festival, il y a aura une nuit du cinéma avec notamment la programmation de « Argentine, mémoire d'un saccage » le film choc de Fernando Solanas. Solanas renoue avec la veine du film politique militant. C'est un film qui éclaire la crise que nous avons connue. Les mécanismes qui ont été mis en oeuvre sont d'une complexité extrême, le film ne fait pas une leçon d'économie, mais il explique pourquoi et comment on en est arrivé là. Le film de Solanas, qui dissèque cette histoire, sera suivi d'un film de fiction récent qui illustre le rapport entre la crise et l'apparition de nouvelles formes d'expression en Argentine. D'autres documentaires sur la situation politique seront programmés et suivis d'un débat sur les alternatives sociales en Argentine dans le cadre de soirées parallèles. Comment s'organise la programmation ?

Il y a deux volets, d'une part les grandes soirées avec des personnalités consacrées et d'autres part, des manifestations parallèles conçues comme des espaces d'échanges avec le public, qui auront lieu dans les bars L'autre côté du pont, le P'tit Truc et à Tango de Soie. Pour nos trois grandes soirées musicales, nous recevrons Miguel Angel Estrella, concertiste de piano classique, le lendemain, Paula Estrella, César Stroscio, un grand bandonéoniste post-Piazzola. Lors de la deuxième partie de la soirée il accompagnera Claudia Stavisky qui lira des poèmes du poète Juan Gelman. * Mateada : Réunion conviviale autour du maté (boisson chaude d'Argentine) Propos recueillis par P.B. Contact Sol.ar - Tél. 06 30 09 83 98 -

[http://solar.neuf.fr->http://solar.neuf.fr ] -

[solar@neuf.fr->solar@neuf.fr] Le festival en quelques dates

Vendredi 1er avril Lyon (69) Eglise St Bonaventure, Récital de Miguel Angel Estrella

Samedi 2 avril Villeurbanne (69) CCO, Che Tango ! (Paula Estrella et Horacio Quiroga)

Vendredi 8 avril Lyon (69) De l'autre côté du pont, Madreselva et de Giamba

Vendredi 8 avril et samedi 9 avril Lyon (69) Tango de soie, atelier de danses du nord de l'Argentine.