Boutique Mon compte
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA
accueil > nos actions > lettres d'information > lettre d'information n°44. h... > lettres d'information > musiques en scène 2002 Adhérer
menu
page facebook du CMTRA page twitter du CMTRA page youtube du CMTRA

Musiques en scène 2002
Grame, Centre national de création musicale

Entretien avec James Giroudon CMTRA : James Giroudon, vous êtes, avec Pierre-Alain Jaffrennou, directeur artistique de l'événement Musiques en Scène dont c'est la dixième édition et la première édition sous forme de biennale. Cette édition est caractérisée par un très grand nombre d'offres, d'événements et de manifestations de genres très variés dans de nombreux lieux. Elle est centrée sur l'idée que la création musicale trouve une de ses racines dans les rencontres inter-culturelles, dans l'emprunt, dans l'hybridation et dans l'échange. Comment cette idée se traduit-elle dans cette programmation ?

James Giroudon : La biennalisation de Musiques en Scène repose d'abord sur l'idée de pouvoir affirmer et consolider un événement qui existe maintenant depuis 1992. Il y a toujours eu dans Musiques en Scène la volonté de célébrer une certaine exubérance de la création musicale ; passer au rythme de biennale, c'est conserver l'esprit de la manifestation tout en la structurant en deux grands volets.

D'une part les expositions, que l'on pourrait qualifier d'art sonore, qui se déroulent au Musée d'Art Contemporain. J'en assure la programmation avec Thierry Raspail ; pour 2002, nous avons invité Stephen Vitiello, artiste new yorkais, en tant que commissaire associé. Les trois étages du Musée d'Art Contemporain présenteront trois parcours distincts sur plus de deux mois, du 6 mars au 18 mai : Sarkis en phase avec la musique de Morton Feldman pour la deuxième étape de son exposition qui aura débuté en février, une exposition personnelle consacrée à Laurie Anderson et un espace réservé à une quinzaine d'artistes new-yorkais.

Le second bloc de Musiques en Scène est consacré aux événements musicaux qui se succèdent sur trois semaines, du 7 au 26 mars, avec des concerts, des spectacles, mais aussi des événements urbains et des installations sonores sur les lieux de concerts. J'ajouterai que sur la quarantaine de propositions différentes, il y a également de nombreux moments réservés au jeune public. La biennale Musiques en Scène se compose donc de ces deux grands volets dont la complémentarité correspond tout à fait à la dimension pluridisciplinaire de la création musicale, un aspect toujours plus présent dans la programmation de Musiques en Scène depuis 1992. La thématique 2000 du festival traitait des espaces sonores : la notion d'espace était considérée comme un paramètre partie prenante de la composition musicale jusqu'à l'espace urbain, avec Lyon Cité Sonore, considéré comme territoire de création sonore et visuelle. Il m'a semblé que succédant à cette traversée des espaces sonores, il y avait une certaine logique à pénétrer dans l'étendue des diverses cultures musicales.

La programmation 2002 se construit donc autour d'un fil rouge qui prend en compte l'hybridation généralisée de la création musicale et pose, à travers les oeuvres choisies, un certain nombre de questionnements sur la confrontation et le croisement des cultures. Je n'insisterai pas sur le fait que notre mémoire musicale est devenue multiculturelle et que la création musicale est donc devenue également, au fil des années, composite et métissée.

Ce processus s'est imposé et accéleré depuis une trentaine ou quarantaine d'années. De très nombreux compositeurs ont eu recours dans leurs oeuvres à ces frottements, à ces alliages à d'autres cultures. François Bernard Mâche, compositeur invité à la Biennale Musiques en Scène, indique dans son dernier ouvrage "Musique au singulier" que Pierre Schaeffer proposait en 1959 un "Simultané camerounais" lors d'un concert salle Gaveau, en remixant diverses musiques africaines. Il récidivait un mois plus tard avec un collage des Philippines et hauts plateaux indochinois. Les années 60 et celles qui ont suivi, ont été intenses pour les compositeurs dans ces rencontres avec les musiques extra-européennes, l'ethnomusicologie commençant à ouvrir et à livrer ses collectes et trésors.

Ainsi il a été possible de considérer ou reconsidérer complètement les autres grands systèmes musicaux traditionnels dans leur accomplissement (monde arabe, Indonésie, Afrique centrale et occidentale, Iran, Indes, Chine...). Et donc de relativiser le point de vue occidental comme précisément un point de vue parmi d'autres. Les musiques extra-européennes, tout comme les philosophies orientales, ont tracé de nouvelles perspectives face à la complexité croissante des musiques savantes. Par exemple, François-Bernard Mâche, par la variété de ses recherches ethnomusicologiques sur les territoires qu'il nomme « les musiques d'ailleurs », revendique le droit pour le compositeur occidental de connaître et d'avoir recours aux techniques musicales non-européennes.

Dans cette programmation très large et très riche figurent des concerts ou des événements musicaux qui s'appuient sur des expressions de musiques extra-européennes et de musiques traditionnelles ou des rencontres de ces musiques avec des compositeurs. Pour l'amateur de musiques traditionnelles qui a ses codes mais qui a en général aussi le goût de la découverte, quels pourraient être les portes d'accès, le cheminement dans ce programme ?

Les portes d'accès sont d'abord les portraits de compositeurs : François-Bernard Mâche, né en 1935 à Clermont Ferrand et résidant à Paris, Younghi Pagh Paan née en 1945 en Corée du Sud et résidant en Allemagne depuis 1972, Thierry Pécou né en région parisienne en 1965 d'une famille d'origine antillaise.

Trois générations, trois parcours différents significatifs de ces croisements de cultures. La Biennale Musiques en Scène propose donc plusieurs concerts consacrés à François-Bernard Mâche, compositeur, ethnomusicologue. Il a été aussi directeur d'études à l'Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages théoriques où il développe, à partir de sa quête des musiques extra-européennes et traditionnelles, une méthode personnelle de composition, centrée autour des idées de modèle et d'archétype. Par exemple il s'intéresse particulièrement aux langues rares, en perdition qu'il réutilise dans ses uvres. Dans Rituel d'oubli il mêle une composition orchestrale, une vingtaine d'instrumentistes et enregistrements de langues amérindiennes, la voix d'une chaman, des signaux animaux, des sons de la vie réelle.

Cette pièce est fondatrice de son oeuvre, elle a été composée en 1969 et n'a été que très rarement rejouée. Il s'agira d'un rendez-vous important, tout comme l'oeuvre Kassandra écrite en 1977 qui tend à une fusion entre orient et occident, où l'on retrouve les sonorités d'instruments indiens, arabes et du moyen âge côtoyant des voix chuchotées en amharique, basque, fidjien, grec ancien ou encore telugu. Il faut citer un des événements de la biennale situé aussi autour de François-Bernard Mâche : les concerts et créations avec le Gamelan de la Cité de la Musique de Paris, un gamelan javanais qui sort rarement de ses murs. Avec la Cité de la Musique, nous avons imaginé un concert création avec deux compositeurs, Jean-Yves Bosseur et François-Bernard Mâche : les oeuvres sont composées pour douze musiciens qui jouent sur le gamelan, une chanteuse indonésienne que les compositeurs ont rencontré à Java et une partie électronique.

Autour de ce gamelan qui est un véritable orchestre en soi et de ces nouvelles compositions, il s'agit bien de rencontres que nous espérons les plus fertiles entre d'une part des pratiques communautaires face à des démarches compositionnelles fortement individualisées et d'autre part entre l'oralité et l'écriture. François-Bernard Mâche a été l'un des membres fondateurs du Groupe de Recherches Musicales de Paris fondé par Pierre Schaeffer, il en a même assuré brièvement la direction dans les années 60. Ce sont les premières années de développement de la musique concrète et de la musique électro-acoustique.

Depuis les années 50 , le matériau musical (occidental) était en pleine "révolution", le champ des possibles s'est considérablement élargi, il est devenu sans limite. Cette prise en considération du son dans sa plus grande généralité est probablement aussi fondatrice de ces écoutes des autres cultures musicales. Le développement des nouvelles technologies, par les techniques de l'échantillonnage, notamment, permet des migrations esthétiques inouïes. L'itinéraire de la compositrice coréenne Younghi Pagh-Paan est aussi révélateur de ces perspectives créatives dans le cadre des croisements de cultures. En Corée du Sud comme dans d'autres pays, l'enseignement de la musique occidentale était extrêmement académique. Tout en demeurant proche de sa culture, il était nécessaire pour elle de suivre en Europe l'enseignement de compositeurs aussi illustres que Klaus Huber ou Brian Ferneyough.

L'ensemble Linea de Strasbourg propose de découvrir le travail musical de Younghi Pagh-Paan, avec deux uvres en création française et une uvre en création mondiale, dans un portrait qui se construit en alternance avec des extraits d'airs d'opéra traditionnel coréen, le P'ansori. Nous avons donc invité Madame Chae Soo Jung et son percussionniste de Corée pour cette rencontre tout à fait étonnante et très prenante. La relation qui s'établit entre l'écriture occidentale de Younghi Pagh-Paan et le P'ansori devrait rendre compte de ce processus d'hybridations avec un grand respect des identités culturelles. Le troisième portrait est donc consacré à un plus jeune compositeur, Thierry Pécou : tout son univers musical repose sur les voyages qu'il a entrepris, avec une prédilection pour l'Amérique du Sud et l'Amérique latine.

Ces croisements de cultures transparaissent au sein de son uvre de manière plus secrète que pour Mâche ou Pagh-Paan, mais ces voyages n'en sont pas moins constitutifs de sa démarche. Après ce portrait donné à l'occasion de la biennale Musiques en Scène, il poursuivra son travail avec l'Ecole Nationale de Musique de Villeurbanne et Grame pour une création composée pour l'ensemble des forces vives de l'École et présentée lors du "temps des créateurs" au mois de juin. Il s'agit donc d'un itinéraire et d'une résidence qui se déroulera en deux temps. Hormis ces portraits de compositeurs, il y aura aussi d'autres rencontres intenses et notamment celle avec le compositeur Klaus Huber. Klaus Huber a imaginé une pièce qui s'appelle « la Terre tourne sur les cornes d'un taureau » inspirée des textes sacrés du Coran et du poète iranien Mahmud Doulatabadi qui évoque la situation difficile de l'artiste en son pays. L'oeuvre est écrite pour un ensemble de musique arabe traditionnel, l'ensemble Al Kindi de Syrie, associé à deux instruments occidentaux, l'alto et la guitare. Ce sont deux instruments qui proviennent du monde arabe.

S'ajoute également un dispositif de diffusion multipiste. Klaus Huber s'éloigne du système chromatique et fonde sa composition sur des modèles arabes (maquam). Il veut créer des contacts entre les deux cultures, l'Islam et l'Europe, multipliant dans la pièce les relations entre les parties écrites, improvisées et les textes traduits en diverses langues. Dans la palette assez large des modes d'expressions artistiques sur lesquelles s'appuie cette édition Musiques en Scène, figurent à nouveau les arts plastiques à travers plusieurs expositions et notamment une exposition aux Subsistances qui s'appelle Une valise à la main. Quelle est l'intention de cette exposition ?

Il s'agit d'abord d'un projet artistique, celui de Woudi, qui avait pour désir de travailler autour de cette thématique du voyage avec des populations migrantes qui se sont fixées en France ou qui sont simplement de passage. Par ailleurs j'avais l'intention de porter cette dimension du voyage au delà de l'aspect musical, culturel. J'avais depuis un certain temps, l'idée de pouvoir travailler avec l'association Aralis, qui gère sur Lyon et l'agglomération des foyers pour travailleurs étrangers. La jonction s'est donc faite sur le fil rouge de cette édition de Musiques en Scène 2002 où cette réalisation pourra témoigner de la dimension sociale de cette thématique. Nous restons extrêmement modestes dans les enjeux. Il s'agit de rendre compte d'autres itinérances.

Nous avons donc confié à Woudi, compositeur et Isabelle Tat, plasticienne, un travail de collectage d'histoires de vies et de cultures. Woudi imagine une grande installation qui sera présente pendant toute la durée de la biennale Musiques en Scène, il s'agira de 600 valises qui seront agencées dans l'espace central des Subsistances et dont certaines seront transformées en audio-objet qui feront entendre ces multiples univers sonores. Sur ce rapport musiques et arts plastiques, il y aura un certain nombre d'installations sonores présentes sur les lieux des concerts.

Je tenais à ce qu'il y ait ce passage entre le temps du spectacle qui nécessite une écoute attentive et la déambulation dans des espaces qui ont des logiques plus permissives. Le lieu central de ces relations musiques-arts plastiques se trouve naturellement au Musée d'Art Contemporain de Lyon avec les trois expositions que j'évoquais en début d'entretien. Propos recueillis par J.B. Contact

Grame, centre national de création musicale

9 rue du Garet BP 1185 69202 LYON cedex 01

Tél : 04 72 07 37 00 / Fax : 04 72 07 37 01

[grame@grame.fr->grame@grame.fr] / [http://www.grame.fr->http://www.grame.fr ]


logo CMTRA

46 cours du docteur Jean Damidot
69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75

mentions légales

46 cours du docteur Jean Damidot, 69100 Villeurbanne

communication@cmtra.org
Tél : 04 78 70 81 75