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Héritage musical des Gnawas d'Essaouira
Un voyage au Maroc, du rituel à la scène

Entretien avec Ananda Garcia Ananda Garcia est étudiant à Grenoble en Licence de géographie. Dans le cadre de l'association des Lauréats Zellidja, il a effectué plusieurs voyages au Maroc et au Mali.

Son objectif personnel au Maroc était de découvrir la musique traditionnelle gnaoui.

À son retour en France, il a produit un rapport sur la confrérie gnaoua et a présenté un projet de sauvearde de ce patrimoine musical à travers la production d'un CD incluant également une partie audiovisuelle sur la ville d'Essaouira.
CMTRA : Ananda Garcia, vous êtes initiateur du projet intitulé "Héritage musical des Gnaoua d'Essaouira", vous allez présenter au public un CD comprenant 19 titres, une plage vidéo et un livret de 36 pages. Comment vous est venu cet intérêt pour cette musique qui a priori n'a pas de lien direct avec votre culture ?

Ananda Garcia : Cela fait maintenant cinq ou six ans que je suis passionné de musiques traditionnelles en général. Je me suis intéressé d'abord aux musiques traditionnelles françaises, irlandaises et enfin aux musiques nord-africaines et africaines. C'est lors d'un concert de Gnawa Diffusion que j'ai entendu pour la première fois le son d'un guenbri (luth à trois cordes en boyaux et à table d'harmonie en peau de chameau) et là, ça a été le coup de foudre, une révélation après cette découverte, je me suis dit qu'il fallait absolument aller voir là-bas comment les Gnaoua en jouaient.

C'est avant tout la musique qui m'a séduit puis en me renseignant sur le sujet, j'ai découvert que c'était une musique à vocation thérapeutique avec toute une culture et un patrimoine. Il s'agit de votre première véritable expérience dans le domaine du collectage, quelles ont été les motivations pour la mise en uvre d'un tel projet ?

Cette idée me trottait dans la tête depuis deux ans. Il y a trois ans, je suis donc parti étudier la musique de la confrérie des Gnaoua d'Essaouira. À cette occasion, j'ai rencontré le maâlem (maître) Sadik Laarch avec qui j'ai bien sympathisé et auprès duquel j'ai beaucoup appris sur la culture et la musique gnaoui.

L'année suivante, retournant au Maroc pour perfectionner mon jeu de guenbri, le maâlem m'a fait découvrir l'existence d'un répertoire de musique gnaoui propre à la ville d'Essaouira : le style souiri. Il existe chez les Gnaoua du Maroc, malgré une certaine unité culturelle, différents styles d'interprétation des devises (chaque devise est à un chant d'appel au génie) qui correspondent chacun à une aire géographique plus ou moins bien définie.

Selon le maâlem Sadik, il existe trois styles principaux. Bien sûr, à mon avis en raison de la concurrence voire d'une certaine jalousie entre les maâlmine de villes différentes ou d'une même ville, chaque maâlem possède sa propre définition qu'il faut peut-être nuancer. À Essaouira, on différencie le style mersaoui que l'on retrouve principalement à Casablanca et Marrakech, le style des gnaoua de Fès et de Meknès et enfin le style abdellaouih appelé plus communément le style souiri. Ce dernier aborde un répertoire beaucoup plus sobre ou les Gnaoua chantent plus calmement avec beaucoup moins de vocalises.

Depuis une vingtaine d'années ce style n'est plus joué dans les cérémonies rituelles appelées lila (littéralement : la nuit), c'est donc un style que toutes les jeunes générations de Gnaoua d'Essaouira ne connaissent pas forcément. L'opportunité d'un enregistrement d'une partie de ce patrimoine musical en voie de disparition s'est alors présentée et j'ai aussitôt présenté ce projet de retour en France. Vous avez évoqué le terme de confrérie, pouvez-vous nous éclairer sur le sujet ?

Nous avons tendance à connaître la musique gnaoui en tant que simple musique de scène. Après quelques lectures sur le sujet, j'ai découvert que l'aspect musical ne restait qu'une infime partie du patrimoine culturel gnaoui. La confrérie gnaoua se compose de trois groupes principaux qui participent différemment à son fonctionnement global.

On distingue tout d'abord les adeptes initiés, les moqadema (les voyantes thérapeutes) puis les musiciens danseurs. Tout en se réclamant musulmans, les Gnaoua appréhendent le monde comme peuplé d'êtres surnaturels impalpables appelés les djnoun (les génies) ou mlouk. Ils les regroupent en sept grandes familles auxquelles correspondent les sept couleurs de l'arc-en-ciel.

À leurs yeux, ces génies sont responsables de différents troubles névrotiques et psychotiques voire de paralysies ou de problèmes de stérilité. Il arrive que des personnes possédées par un génie viennent finalement voir une moqadema après avoir consulté divers médecins n'ayant rien pu diagnostiquer. Elle seule pourra identifier le génie-maître de ce patient et lui prescrire les différents moyens de calmer les foudres de son melk (singulier de mlouk).

Après un long processus d'initiation au sein de la confrérie, les adeptes assistent à des cérémonies rituelles nocturnes dans lesquelles sont invoquées les sept cohortes de mlouk. Durant toute une nuit, chaque génie sera invoqué grâce aux devises musicales du maâlem mais aussi par l'utilisation d'encens, de foulards et de nourritures appropriés.

Sous l'invocation de son génie-maître, l'adepte devient pour quelques instants la "monture" de son melk : il pénètre au milieu de l'aire de danse et rentre peu à peu dans une transe de possession de plus en plus intense. Une fois le génie rassasié par les notes du guenbri et les fumigations d'encens, celui-ci s'échappe de l'adepte qui s'écroule brutalement au sol. Il lui faut plusieurs minutes pour reprendre ses esprits.

Traditionnellement, mis à part la moqadema, les Gnaoua ne vivent pas de leurs activités thérapeutiques. Jusqu'au milieu du siècle, ils étaient avant tout forgerons, menuisiers, voire boulangers. De nos jours, dans un contexte où l'activité thérapeutique de la confrérie va decrescendo, la musique gnaoui est devenue une sorte de folklore dans lequel la jeune génération de Gnaoua voit un bon moyen de gagner sa vie. La musique gnaoui a déjà donné lieu à une multitude d'éditions pho-nographiques. Dans ce contexte, qu'elle est l'originalité de ce CD et quel va être le retour pour les musiciens qui y ont participé ?

Tout d'abord, l'un des aspects originaux de ce CD réside dans le graphisme. Laurent Eisler qui m'a accompagné durant ce voyage a réalisé des images vidéo filmées en format Super 8, véritables témoignages du patrimoine visuel d'Essaouira, qu'il a exploitées pour illustrer le livret de présentation. De plus, le CD contient un clip vidéo dans lequel on peut voir un montage de scènes quotidiennes de la vie dans la médina d'Essaouira. Enfin, les morceaux présentés dans ce CD sont, à ma connaissance, tous inédits. J'ai également voulu que cette approche de la culture gnaoui reste la plus approfondie possible (d'où la taille du livret) par rapport à des parutions similaires, à mes yeux trop souvent incomplètes, tout en restant accessible aux néophytes.

Mais surtout, ce projet de micro-édition du patrimoine musical gnaoui est avant tout non-lucratif pour l'association Dyade Art & Développement qui assume la production du CD. En effet, toutes les personnes qui ont participé à la réalisation de ce CD sont volontaires et l'association a fait le choix de reverser au maâlem et à ses musiciens le maximum des bénéfices de la vente des CD pour qu'ils puissent développer correctement leur activité artistique au Maroc et ailleurs ­ facteur rarement pris en compte par les producteurs classiques. Comment s'est effectué le montage du projet et dans quelles mesures avez-vous été aidé ?

Dans un premier développement, j'ai d'abord contacté la DDJS pour présenter un Défi Jeune, puis j'ai rencontré l'association Dyade Art & Développement qui uvre en faveur du développement de l'activité artistique et de son intégration dans des projets de développement local et de solidarité internationale. Très vite, le projet "Héritage musical des Gnaoua d'Essaouira" s'est imposé comme un pilier important dans la démarche de l'association : la micro-édition au service du développement durable.

Ils m'ont aidé pour le montage du projet Défi Jeune et la recherche de financements. Ils m'ont également apporté un soutien dans toutes les étapes de la conception technique du CD : formation aux techniques audio-numériques, mixage et mastering. Tout le côté visuel a été pris en charge par Laurent Eisler qui, lui-même, fait partie de l'association. Finalement, ce CD est auto-produit et quasiment « fait maison ». Comment pensez-vous diffuser ce travail et avez-vous des projets artistiques autour de ce CD ?

Dans un premier temps, 500 CD ont été édités. 30 CD seront distribués dans les bibliothèques de la région Rhône-Alpes pour que le public touché soit le plus large possible. 30 autres sont prévus pour démarcher auprès de différentes maisons de production pour la promotion du maâlem Sadik Laarch.

Nous avons prévu également d'organiser des soirées de promotion du CD et de sensibilisation à la culture gnaoui qui a priori peut faire un peu peur puisque dès que l'on aborde des thèmes comme les thérapies traditionnelles, on a toujours l'impression qu'il s'agit de pratiques obsolètes voire malsaines ou dangereuses.

Au contraire, je conseille à tout le monde d'assister à une lila pour voir de ses yeux une réalité qui nous déroute complètement. L'objectif des soirées de promotion est avant tout de réunir dans une ambiance conviviale un public hétérogène autour d'une double démarche culturelle et de solidarité internationale. L'idée est de faire un cycle de conférences dans lesquelles je présenterai tous les aspects thérapeutiques de la confrérie. Nous présenterons également les photos réalisées dans le cadre de ce projet ainsi que le film super 8. Dans ce contexte, nous recherchons actuellement des structures intéressées par ce projet de soirées (comités d'entreprise, centres culturels, MJC). En dehors de l'édition du CD et de ces soirées de promotion, nous avons prévu de monter un spectacle musical pour enfants dont la trame serait l'histoire de la confrérie Gnaoua avec des grands thèmes comme l'esclavage, la géographie et l'humour puisque chez les Gnaoua, l'humour est très important.

Ce spectacle intitulé "Le voyage de Moustapha", à la fois pédagogique et ludique permettra de sensibiliser un public jeune sur un thème culturel qui peut nous paraître complexe. Nous pensons faire tourner ce spectacle dans les écoles et les MJC dans un premier temps en région Rhône-Alpes puis après peut-être en dehors. Gabriela De Siqueira, membre active de la troupe de théâtre musical "Les Zinzins" de Grenoble qui coproduit ce spectacle, s'est engagée dans ce projet. Propos recueillis par M.P. Contact

Ananda Garcia

Association Dyade Art & Développement 21 chemin de halage 38 000 Grenoble

Tél. : 04 76 01 99 52

e-mail : [dyade

ad@hotmail.com->dyade

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