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Les cantato-barbaristes
Festival d'orgue de barbarie Oingt (69) 4/5 septembre

Evelyne et Yvan Laurent au "Festival d'orgue de barbarie" à Oingt (69) Yvan Laurent : Il n'existe pas de terme. Les gens qui font tourner les orgues de barbarie s'appellent entre eux "tourneurs" mais cela n'inclut pas le fait de chanter avec. Alors, je m'appelle souvent pour rire "cantato-barbariste", mais vous pouvez chercher dans le dictionnaire, vous ne le trouverez pas ! CMTRA : D'où nous vient cet instrument curieux et magique ?

Y.L. : L'ancêtre de l'orgue de barbarie, la serinette, remonte à 200 ans : c'était un petit instrument qui faisait jouer de petits tuyaux avec un cylindre à picots. On en trouve encore parfois sur les festivals.

Prévue au départ pour apprendre aux oiseaux de compagnie à siffler, on jouait avec la serinette de petites mélodies très simples. C'est plus tard que l'instrument s'est développé en même temps que l'ensemble de la musique mécanique. L'arrivée du carton perforé a donné l'essor aux grands orgues de barbarie : à partir de là, il quitte les cylindres à picots.

Ce sont les fameux métiers à tisser Jacquart qui ont donnés l'idée un jour aux créateurs d'orgue de barbarie d'utiliser la programmation des métiers à tisser pour programmer de la musique. C'est un peu l'ancêtre de l'ordinateur...

Ces cartons perforés sont plus ou moins larges selon les instruments, et on trouve une multitude d'orgues : 17 notes seulement pour les plus petits, certains marchent même avec des rouleaux de papier. L'instrument avec lequel nous chantons est un 35 touches, il en existe de plus gros encore qui ne sont plus faits pour chanter, mais pour faire danser, ou faire de la musique d'une manière plus importante avec des instruments de 47 - 54 jusqu'à 120 touches. CMTRA : Est-ce que les facteurs d'orgue de barbarie sont nombreux en France ?

Y.L. : A l'heure actuelle, il en existe encore quelques-uns. En France on peut en dénombrer 4 ou 5 reconnus, sans compter les artisans moins connus. Ce sont des gens qui sont en général restaurateur d'instruments anciens et créateur d'instruments contemporains. C'est un métier à part entière : ce sont des artisans généralement passionnés par leur art et compétant dans une multitude de domaines. Il faut savoir travailler tout un tas de choses pour faire un orgue de barbarie, au même titre que pour faire un orgue d'église puisque le principe est le même si ce n'est que l'on ajoute la complexité de la lecture automatique à partir du carton. On a la chance d'avoir l'un d'entre eux à Seyssuel près de chez nous : Christian Fournier dont la renommée ne reste plus à faire a fabriqué notre orgue. CMTRA : Votre orgue est décoré, est-ce particulier et personnel au votre ?

Y.L. : Oui, le dessin de façade correspond à la facture classique de l'orgue de barbarie. Cet instrument de conception moderne avec la possibilité de transposer, ce qui est très intéressant pour chanter, garde cependant une enveloppe très proche de la conception classique de l'orgue de barbarie.

J'évoque en ce sens les dessins qui sont sur la façade, peints à la main, avec toujours le nom du fabriquant. Quant au tissu, par contre c'est nous qui l'avons installé : c'est un tissu un peu chamarré avec différentes couleurs, un clin d'oeil au côté moderne que l'on a voulu donner à l'instrument puisque c'est un tissu avec un dessin résolument contemporain que l'on a mis en remplacement du tissu bordeaux d'origine justement pour se démarquer un peu. C'est aussi parce que notre orgue de barbarie est un instrument courant que l'on a voulu le personnaliser. Evelyne Laurent : Nos deux charrettes et nos caisses à paroles sont en harmonie dans des tons de vert pastel et de saumon. Ce sont des couleurs qui calment, elles sont fraîches et rappellent un peu la verdure, la nature. On s'aperçoit que les gens sont attirés par ces couleurs-là. C'est aussi une image poétique qui contribue à la part de rêve que donne cet instrument. Y.L. : Cela plaît parce que nos petites charrettes ont été créées pour cette activité, mais en fait, elles font un peu penser aussi aux charrettes de glaciers, alors on a souvent des petites remarques : "Chocolat vanille !" c'est très amusant. Ce sont deux nostalgies qui se rencontrent, même si ces charettes sont d'une fabrication contemporaine, puisque les roues sont en fibre composite !

L'ensemble correspond à un matériel très lourd : chaque carton perforé peut presque faire 14 centimètres d'épaisseur, en bon carton dur, on arrive facilement à 1,5 kilos - 2 kilos par chanson. Ceci pour dire que les 137 chansons rangées dans leur 12 casiers, le tout dans leurs 2 charrettes, représentent un poids de 250 kilos ! quand on voit tout ce que l'on peut mettre sur un CD, cela laisse rêveur... mais, il faut choisir entre la nostalgie et la miniaturisation ! CMTRA : Depuis quand avez-vous fait de cette activité votre profession ?

Y.L. : On possède cet instrument depuis une dizaine d'années. On l'a gardé avec assez peu de cartons, le faisant tourner uniquement pour notre plaisir personnel. Puis, il y a 3 ans nous avons commencé à donner une autre dimension, c'est à dire chanter, en se produisant en public accompagné de l'orgue de Barbarie.

A partir de là, tout s'est enchaîné assez vite et depuis juin 1997 nous sommes en activité professionnelle. Nous proposons un répertoire très varié qui va de la chanson très classique de l'orgue de barbarie, des chansons anciennes, chansons de rue, d'Édith Piaf, de Charles Trenet... mais qui également s'oriente aussi sur la chanson plus récente : Jacques Brel, Jean Ferrat...

Nous avons l'intention de soumettre à un noteur que nous connaissons, la réalisation d'autres chansons de Jean Ferrat, également Serge Lama, peu présent actuellement à l'orgue de barbarie. Nous avons un carton de Renaud "Mistral Gagnant". Renaud s'accompagne beaucoup à l'accordéon qui a des sonorités assez proches de celle de l'orgue de barbarie.

Alors, on recherche aussi dans ce répertoire à avoir le plus possible de chansons qui peuvent véhiculer de l'émotion, qui nous plaisent aussi bien sûr, mais qui puissent toucher le public. CMTRA : Pour quel genre de public jouez-vous, autre que celui de la rue, qui est un public très hétéroclite ?

Y.L. : Le public concerné par l'orgue de barbarie est effectivement très vaste. On a pu tourner pour des cas extrêmes : en crèche, avec de très jeunes enfants que l'on a beaucoup étonné en faisant varié la vitesse de rotation de la manivelle et donc la vitesse à laquelle se développe la musique.

Cet instrument bizarre qui mange le carton d'un côté et qui le rend de l'autre avec ce carton qui se déplie comme un accordéon, ce sont autant de choses étonnantes à voir pour un enfant. Enfin, le plaisir de tourner lui-même la manivelle et de faire de la musique est tout à fait magique.

Au niveau de notre activité professionnelle nous avons aussi développé les animations dans les maisons de retraites parce que l'on sait que l'on peut leur apporter beaucoup d'émotions à des personnes qui, autrefois, ont connu cet instrument. Mais, là où on s'étonne beaucoup plus c'est lorsque nous chantons dans la rue, à voir un public de jeunes, que l'on penserait capables de n'écouter que des musiques très actuelles, très rythmiques... et qui nous surprend en écoutant ces chansons, en les connaissant parfois, pour les avoir entendues chanter autrefois par grand-mère. C'est pour nous l'occasion de partager cette émotion en chanson avec tout le monde.

Enfin, nous comptons parmi nos clients, des hôpitaux, dans les services de soins paliatifs ou les services spécialisés pour malades très désorientés. En échangeant avec les équipes médicales, nous avons pu mesurer la portée de notre musique : c'est une véritable thérapie musicale, et on se rend compte que l'orgue de barbarie fait souvent appel aux souvenirs et redonne à ces patients une joie de vivre. C'est pour nous une particularité passionnante de notre activité que nous avons l'intention de développer. CMTRA : C'est la nostalgie de l'instrument qui nous réunit tous !

Y.L. : Je pense effectivement que le simple fait de voir le musicien tourner sa manivelle, avec le carton qui avance dans l'orgue et d'entendre cette sonorité, tout cela fait appel pour chacun à un inconscient ou à un bien conscient d'ailleurs qui nous ramène à des souvenirs. C'est un instrument très nostalgique, et même si on peut faire une incursion sur des chansons plus modernes, son image reste la même. CMTRA : Le 1er week-end de septembre, vous vous rendez pour la quatrième fois au festival de musiques mécaniques à Oingt, vous pouvez nous en parlez un peu ?

E.L. : C'est le premier festival auquel nous avons participé, c'est pour cela qu'il est cher à notre coeur. C'est la 19ème édition de ce festival qui a deux particularités : celle d'être capable de maîtriser sa dimension, 60 festivaliers maximum, et minimum, ce qui lui permet de rester à taille humaine, où les gens peuvent se rencontrer.

Ce village d'Oingt est en plus absolument charmant, avec des murs en pierres dorées qui sonnent très bien pour la musique mécanique. Le festival a une grande notoriété et un public sans cesse croissant. Cela se passe le 1er week-end de septembre. Alors pour nous c'est notre petit olympia, parce que ce n'est pas n'importe quel public, c'est un public d'amateurs, qui vient exprès écouter l'orgue de barbarie et les chanteurs de rue.

C'est important pour nous, c'est un grand moment de bonheur. Les emplacements sont déterminés pour les gros orgues, mais les autres s'installent un peu partout dans la rue en respectant une certaine distance pour ne pas se gêner. Toute sonorisation est interdite, alors on chante a capella. Evelyne est choriste, elle fait beaucoup de 2ème voix : c'est quelque chose qu'elle développe petit à petit. C'est une partie innovante d'avoir un contre-chant, par exemple elle m'accompagne à la tierse sur l'Avé Maria de Schubert, et cela permet de donner au chant une dimension inhabituelle. Propos recueillis par Catherine Chantrenne Contact :

Yvan et Evelyne Laurent

Tél : 04 78 05 58 84


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