L'Occidentale de fanfare
Entretien avec Francis Mounier
Francis Mounier : Le sous titre "Entreprise de Déménagement, Bretagne-Gascogne" est très important parce que c'est réellement en train de devenir une entreprise de déménagement Bretagne-Gascogne.
Nous existons depuis trois ans, et cela représente un gros travail de la part des gens qui s'y investissent : les Bretons, les Gascons et aussi ceux qui viennent d'ailleurs. Alors, on mène des opérations avec des orchestres professionnels ou amateurs. On joue avec le Bagad de Saint-Nazaire, avec l'Atelier de fifre de Saint-Pierre-d'Auriac, avec l'école de tubistes de Châteauroux...
Ces rencontres ressemblent beaucoup à celles du festival "Les Temps Chauds", où on a déjà été programmé l'année dernière. Françoise Cartade, directrice artistique m'a sollicité cette année pour travailler un peu plus en profondeur avec des musiciens de la région bressane.
C'est comme cela qu'est né un nouvel "Orchestre éphémère" : à chaque fois que Françoise Cartade invite un musicien-compositeur avec un orchestre, elle le baptise : "l'Orchestre éphémère". Mais ce qui est avant tout important, c'est le travail en amont du concert. Car le concert, c'est être sur un même plateau et jouer ensemble sans avoir à lire de partition, comme si on jouait une musique traditionnelle écrite il y a 100 ou 150 ans, et mémorisée comme dans la tradition orale.
Cela me parait très important de pouvoir faire cela, notamment avec l'Orchestre éphémère de cette année où les différences d'âges sont assez conséquentes. Il y a des anciens qui pourraient être nos parents ou nos arrières grands-parents, c'est assez savoureux et enrichissant, car les trois ou quatre répétitions que l'on a fait ensemble étaient vraiment porteuses de musique.
Ce sont eux, Francis Aucher, Jean-Yves Auchère, leader du groupe Jazz-Pote, et Michel Sanlaville, contre-bassiste, qui ont été chargés des répétitions sur la région Rhône-Alpes. Résidant en Gascogne, je ne pouvais pas me déplacer régulièrement pour les répétitions. Je leur ai donc livré les partitions que j'ai écrites, et c'est seulement la veille du spectacle que le groupe formé en Bresse mèlera sa musique avec celle de l'Occidentale de Fanfare. L'Occidentale qui est elle-même déjà ouverte sur un répertoire trans-régional commun entre des traditions gasconne et bretonne, avec le bagad et la ripataoulière.
La ripataoulère est un petit orchestre, un petit ensemble de musiciens où il y a toujours un fifre, une grosse caisse et une caisse claire, enfin un tambour qui est traditionnellement le tambour napoléonien. Un travail de collectage sur la ripataoulère avait été réalisé par des musiciens gascons qui ont d'ailleurs fait revivre le fifre dans les années 80. Ce tambour était utilisé pour des fêtes traditionnelles, qui ont disparu, c'était devenu ringard ! Le fifre était utilisé pour des fêtes encore plus païennes, la fête des boeufs gras de Bazas, où depuis 700 ans, des confréries de bouchers employaient des rites ripataoulères pour emmener les boeufs au concours et après à l'abattoir.
Cela drainait des milliers de personnes. La musique était toujours la même, très inspirée des marches militaires napoléoniennes.
Ce qui m'a intéressé dans le fifre, c'est ce son strident. Cela correspond à un souvenir d'enfance : quand j'entendais le fifre et la grosse caisse dans la rue, je me mettais à la fenêtre. Ce sont mes premiers souvenirs de musique.
Le bagad, lui, est un ensemble de musiciens bretons, où l'on joue de la cornemuse, de la bombarde, de la caisse claire et des percussions, ce sont des ensembles formés d'une quarantaine de personnes.
Toutes les grandes villes en Bretagne ont un bagad. Cette formation est née juste après la guerre, en 1945, d'un brassage de musique celtique et de musique traditionnelle purement bretonne. Elle correspond à une pratique omniprésente dans la vie bretonne, du même ordre que la danse avec les fest-noz... La pratique est tellement omniprésente qu'ils en font des concours, il y en existe un notamment au festival Interceltique de Lorient.
Pour la plus part, les gens de l'Occidentale Fanfare sont issus du Bagad de Saint-Nazaire. Le bagad est une activité musicale, et pourquoi pas une fanfare ! qu'est-ce qu'une fanfare finalement, je ne sais pas,..., ce que j'en retiens, c'est de pouvoir jouer et communiquer sa joie de jouer aux gens qui écoutent, et qui ne sont pas nécessairement là pour écouter. C'est toujours dans des contextes où il y a une fête, un petit coup à boire...
Ainsi, le bagad et la ripataoulère se brassent dans l'Occidentale de Fanfare autant dans les mariages de sonorités que dans les mariages de thèmes mi-bretons et mi-gascons.
Alors, on trouve aussi dans le groupe bressan de Rhône-Alpes, des musiciens vraiment traditionnels, des menestriers, comme Gaston Laclayat qui est pour moi le Charlie Parker de la région Rhône-Alpes, même s'il ne le sait pas ! c'est quelqu'un qui fait vivre la musique tel qu'il est, dans ce répertoire traditionnel bien sûr. Il n'a pas fait le conservatoire, mais sa musique reste bien conservée, quelque soit le son qu'il a à la clarinette. L'année dernière il est venu, cela m'a donné envie de jouer avec lui et de l'inviter sur cette opération.
Dans le spectacle, il y aura aussi des parties écrites, harmonisées pour cet Orchestre Ephémère. On sera 34 au maximum, avec un point à souligner, qui est de pouvoir mettre des amateurs dans des conditions professionnels de jeu, avec des éclairages, une scène, un public, dans une programmation de festival,..., cela fait de bons souvenirs.
La musique est avant tout un échange qui va bien au-delà de la parole, et avec l'Occidentale de Fanfare, on est en train de concrétiser cette idée dans l'Entreprise de déménagement Bretagne-Gascogne. Notre collectif évolue dans cet esprit-là.
Propos recueillis par Christelle Grobon
Contact :
Occidentale de Fanfare / TroisQuatre
Tél : 05 56 91 79 54