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Chants du silence





Entretien avec Borys Cholewka et Sophie Tabakov. [Ecouter des extraits musicaux de la chorale à la Guillotière.->article687]





CMTRA : Pouvez-vous nous raconter votre histoire ?

B.C. : Je suis né dans une famille ukrainienne en Belgique. Mes parents ont quitté l'Ukraine pendant la deuxième guerre mondiale. Ils ont fuit le régime qui s'est installé en Ukraine. La langue à la maison, c'était l'ukrainien, nous mangions ukrainien, donc, nous chantions dans cette langue, et d'un autre côté j'allais à l'école où j'ai appris le français. Mes premières approches de la musique, c'était dans la famille. Mon père, Michaïl Cholewka, a été mon premier professeur. On chantait essentiellement des chants monodiques, pas beaucoup de polyphonies, des chants anciens qui étaient transmis comme ça. Je chantais beaucoup dès l'âge de sept ou huit ans, sans savoir que j'allais devenir un jour musicien, puis, à l'âge de dix-huit ans, j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à la musique. Mais moins à la musique ukrainienne qu'à la musique de l'Inde, curieusement. C'est parti de ma pratique du Yoga, je m'intéressais à tout ce qui venait d'Inde, la méditation avec toutes ses techniques. J'ai rencontré quelques enseignants occidentaux en Belgique et à Paris, avec lesquels j'ai fait un bout de chemin et ensuite, au bout de quelques années, j'ai rencontré un professeur indien, Nageshvara Rao, auprès de qui j'ai étudié et pratiqué le chant classique de l'Inde pendant huit ans. J'ai vraiment approfondi cette technique comme elle est enseignée en Inde, un travail sur le raga, toutes sortes de modes, de rythmes, de possibilités d'expression. Ça a été une grosse base musicale pour moi, de développement de l'oreille... Assez vite, parallèlement à ça, je me suis intéressé au chant grégorien, que j'ai étudié à Paris. À chaque fois c'était un wagon de plus... Et puis j'ai découvert le chant diphonique de Mongolie qui m'a été transmis par un Vietnamien assez connu en France, Tran Quan Hai, ethnomusicologue de renom. J'ai étudié dans son laboratoire du Musée de l'Homme (CNRS) et j'ai approfondi cette technique tout en voyant les différentes fréquences de ma voix sur des appareils sophistiqués, c'était vraiment une étude intéressante ! Plus tard j'ai rencontré Sœur Marie Keyrouz avec qui j'ai travaillé deux ans et qui m'a fait découvrir tous les chants des chrétiens d'Orient, dans des langues comme le syriaque, l'arabe et la musique byzantine, en grec. Elle m'a aussi fait travailler à partir de mon propre répertoire, la pause de la voix, la verticalité. Enfin, depuis deux ans, je me rends en Sibérie, à la frontière de la Mongolie en République Touva, où j'approfondis les techniques de chant diphonique, le travail du larynx... Maintenant je suis parti pour quelques années à étudier ça... Je m'intéresse beaucoup à tout ce que le son, le chant, les rituels produisent sur l'être humain. Ma recherche est à la fois esthétique, un chemin de développement et de compréhension de ces processus chantés. J'ai toujours été intéressé par cela, l'aspect sacré des chants, pourquoi ces chants provoquent un état différent, de méditation par exemple, pourquoi ces chants provoquent une vision différente des choses qui nous entourent... À travers la musique, je cherche les effets de la musique. Là, en Sibérie, je m'intéresse à tout ce qui touche à la guérison par le chant. J'étudie avec le chamane Oleg Ouvaja à Kyzyl, qui me transmet des choses de cet ordre-là. Et cela se retrouve aujourd'hui dans la création du groupe Phenomenon. S.T. : Moi, je suis danseuse au sein de la Cie Anou Skan, que j'ai fondée avec Laurent Soubise. C'est ma pratique, la danse, mais dans ma vie, il y a eu, à un moment donné une ouverture sur le chant, en fait je me suis beaucoup posé la question de mes racines puisque mon père est bulgare. A la différence de Borys, on ne m'a pas du tout transmis ni la langue ni la culture, c'était surtout la culture française grâce à ma mère, et c'est seulement des années plus tard, quand j'ai eu à peu près trente ans que j'ai vraiment eu envie de faire le chemin en arrière car je me posais des tas de questions, et puis je venais d'avoir un enfant et c'est dans ce genre de moment qu'on se demande d'où l'on vient, ce que l'on a à transmettre. J'ai fait une espèce de chemin à l'envers et en faisant ce chemin, je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs choses de la Bulgarie que j'exprimais sans le savoir et du coup je me suis penchée sur cette culture, ce folklore et je me suis aperçue qu'il y avait des connivences, que des choses me parlaient. Je suis donc allée en Bulgarie, j'ai retrouvé des petits bouts de famille, des lieux, de la musique, je me suis sentie portée par une évidence, et bien que je n'avais pas de pratique de chants, je sentais, une connivence et une certaine légitimité à apprendre certains chants folkloriques et de les faire tourner pour moi. Ensuite, j'ai fait un spectacle sur la mémoire et je voulais que ce spectacle s'articule entre des moments dansés et des moments chantés. J'ai remis à mon père quelques chants pour les traduire et je lui ai dit : « écoute ce n'est pas possible que tu aies oublié tout ça », donc il a râlé mais ça lui a fait plaisir de se replonger là-dedans ! Puis j'ai rencontré deux musiciens du groupe Aksak. Sur ce projet, ils assuraient la partie musicale et c'était moi qui chantais les chants, et je le faisais vraiment comme de la poésie, ce n'était pas de la performance vocale, mais plutôt un récit sur des racines. Lorsque les musiciens sont repartis, je suis restée seule avec mon tambourin à faire tourner mes chants. Et puis j'ai rencontré Borys Cholewka qui est venu donner quelques stages de chants à Lyon et, dans un de ses stages, deux filles intéressées par la musique bulgare. C'est avec elles qu'on a monté le groupe les Balkanes.







Vous chantiez des chants que vous aviez appris en famille lorsque vous êtes allé en Bulgarie ?

S.C. : C'étaient des chants que j'avais enregistrés sur des cassettes, entendus en Bulgarie, des matériaux ramenés de là-bas. Puis Milena est arrivée, elle ne s'était jamais intéressée à la musique de son pays. En entendant le travail qu'on avait fait, elle s'est rendue compte que c'était une musique magnifique et au moment où j'ai quitté le groupe, ça lui a permis d'intégrer ses racines. Dans le travail avec Borys, ce que je trouvais beau, c'est qu'il était Ukrainien, qu'il avait tout un répertoire, et moi je vivais ici, j'étais danseuse et j'avais envie de faire un travail sur les musiques slaves. On a mis en commun tous les chants que nous avions et nous avons monté un premier groupe, qui s'appelait « Bleu », c'était un mélange de ses chants et de mes chants et petit à petit les chants Bulgares sont partis et on est entré dans un répertoire ukrainien, russe, tzigane, avec Maurice Blanchy à l'accordéon et cette chose est devenue vraiment vivante. En fait, ça a d'abord été un mouvement personnel pour comprendre certaines choses de ma vie puis ça a donné naissance à un vrai travail. J'ai étudié le chant sacré avec Sœur Marie Keyrouz et le chant lyrique avec Anna Nozatti. Ensuite vous avez monté ensemble le groupe Tchekala avec lequel vous avez fait un disque où vous interprétez entre autres des standards de la musique slave...

S.T. : Quand on s'attaque à des monuments pareils, c'est difficile. Il y a eu déjà tellement de belles interprétations, et en même temps ce sont des chants tellement bien foutus ! Ça se transmet sans perdre une ride et c'est tellement agréable à chanter ! B.C. : Il y a aussi quelques chants du grand poète ukrainien, Tarass Chevtchenko, qui a vécu il y a plus de deux cent ans. Nous avons travaillé beaucoup de vieux chants, des vieilles essences que nous avons essayés de raviver avec nos jeunes essences vocales, comme d'anciens parfums. Tous les chants que nous avons choisis sont des chants qui nous ont touchés. Ça n'a pas été un choix sur partition mais un choix lié à un vécu, à une transmission... S.T. : C'est pour cela que nous nous sommes orientés d'avantage sur les chants ukrainiens et russes que sur les chants bulgares, parce que ce sont des chants avec des textes d'une grande beauté, qui laissent toute la place à l'interprétation alors que les chants bulgares sont plutôt des chants à harmoniser, à chanter à plusieurs voix mais avec un contenu moins poétique. B.C. : Cela a beaucoup contribué à sculpter nos spectacles parce qu'à partir du moment où l'on s'intéressait de plus en plus au sens, on a été amené à exclure certains chants dont le contenu ne nous convenait plus ou qui musicalement n'étaient pas adaptés. J'ai découvert des chants assez machistes ou misogynes avec des mélodies extraordinaires, mais que nous ne voulions plus interpréter. Ce sont des chants qui ont une autre fonction sociale mais qui ne tiennent plus lorsque l'on veut se centrer sur le sens. C'est le cas pour Phenomenon également, même si ce groupe est plus centré sur le travail des voix et des timbres, comme nous chantons en plusieurs langues, il faut que nous portions le sens pour toucher le public. S.T. : Phenomenon est aussi un espace sonore, un univers. Ils partent d'un endroit et puis pendant soixante minutes ça tourne et ça ne s'arrête plus, on rentre dans un son enchaîné... Quelles sont les directions artistiques de Phenomenon ?

B.C. : Le groupe a été constitué l'année dernière. Il est composé de huit voix d'hommes. Il y a trois directions artistiques, celle des chants sacrés et traditionnels d'Ukraine et de Russie, celle des chants des chrétiens d'orient des premiers siècles que Sœur Marie Keyrouz m'a transmis, tradition maronite, syriaque, melkite et byzantin, et quelques chants de l'Inde. La troisième direction est celle des chants de Sibérie, les chants de gorge, tels que le Khoomee, le Sygyt et le Kargara, appelé aussi chants diphoniques, ainsi que quelques chants rituels de Touva. Tu mènes actuellement un travail vocal auprès des résidents du foyer Notre-Dame des Sans-abris...

B.C. : C'est un projet que j'ai imaginé il y a longtemps, lorsque je vivais encore en Belgique. Je rêvais de monter le « chœur des cloches », un ensemble qui réunirait des clochards, des personnes qui ont vécu longtemps dehors. J'ai commencé à rencontrer quelques un d'entre eux, boire un café avec eux. Ils se réunissent autour de l'église en été. Je suis en train de constituer un groupe de chanteurs parmi la population du FNDSA à Lyon 7e. À travers l'apprentissage de chants du monde et des techniques vocales appropriées, chacun peut retrouver une part de confiance en lui-même, et redécouvrir la relation à soi et à l'autre au travers d'un travail vocal conduit dans son aspect artistique et humain. A ma connaissance, ce type de projet, dont l'issue des ateliers est d'amener le « Chœur des cloches » à donner de véritables concerts dans la rue, n'a jamais été réalisé, et je me sens sincèrement motivé pour mener au mieux cette tentative. Le fait de chanter, ou de savoir à l'avance que l'on se prépare à chanter pour quelqu'un, un public, mobilise en nous une énergie créatrice, donc valorisante. Propos recueillis par Y.E.



[Ecoutez Borys Cholewka sur ce site->article687]



Borys Cholewka dirige à Lyon, une « formation aux chants du monde et techniques vocales » et des séminaires expérimentaux voix et chant sacré dans l'association TETRA (Enseignement et recherche transdisciplinaires en anthropologie fondamentale) à Bruxelles.

Pour plus de détails, visitez le site « Chants du silence » de Borys Cholewka :

[http://perso.wanadoo.fr/chants-du-silence.borys-cholewka/->http://perso.wanadoo.fr/chants-du-silence.borys-cholewka/]

Mail: [borys.cholewka@wanadoo.fr->borys.cholewka@wanadoo.fr] Contacts: Sophie Tabakov Cie de Danse Anou Skan, 1 rue sainte Marie des Terreaux, Lyon 1er.

Tél. et fax 04 - 78 61 15 96 Borys Cholewka 125 Grande Rue de la Guillotière 69007 - Lyon - France

Tél. 33 (0)6 86 14 75 41 Fax 33 (0)4 78 61 15 96

e-mail : [borys.cholewka@wanadoo.fr->borys.cholewka@wanadoo.fr] Phénomeno : Alain Sobieski, Arnaud Guibert, Arnaud Didier-Jean, Borys Cholewka, Laurent Decoret, Stéphane Lovato, Vincent Villemagne, Xavier Vadon. Stage et formation chant avec Borys Cholewka : Stage d'été en Ardèche du 8 au 15 août 2005 "Chants du silence - chant et méditation - formation au concert", renseignements : 06 86 14 75 41 "Chant du monde - Formation au concert - solo - duo - groupe", un dimanche par mois dès le 25 septembre 2005, renseignements : 06 86 14 75 41 Stage danse avec Sophie Tabakov : Stage danse à Lyon du 11 au 15 juillet 2005, renseignements : 04 78 61 15 96 Atelier danse les mercredis dès le 28 septembre 2005, renseignements : 04 78 61 15 96


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