Histoires de fantômes dans les Alpes
Entretien avec Robert Amyot
CMTRA : Robert Amyot, tu es programmé au festival des Hautes Terres, à Saint-Flour, dans plusieurs spectacles qui ont trait à la culture des Alpes, et notamment avec le conte qui s'appelle « Histoires de fantômes dans les Alpes ». Qu'est-ce que ça raconte ?
Robert Amyot : Je raconte des histoires depuis quelques années, et on m'a souvent demandé si je connaissais des histoires qui font peur. Je n'étais pas vraiment dans cette perspective, j'avais choisi des récits de proximité, des contes qui parlent de choses plus ou moins autobiographiques, autour de mes parents québécois, mais cette idée de faire peur m'a trotté dans la tête, et je me suis dis, pourquoi pas ? J'ai eu envie de savoir ce qui faisait peur, ce qui hante nos cauchemars. Dans les contes, il y a bien sûr des ogres sans pitié, des loups sanguinaires, mais les esprits, les fantômes, c'est invisible donc ça peut faire vraiment peur. Mais existent-ils dans les montagnes des Alpes, dans nos beaux chalets fleuris de géraniums ? S'il y en avait, la terreur serait certaine parce qu'ils se manifesteraient là où on ne les attend vraiment pas ; un fantôme dans un château en Écosse, avec des bruits de chaînes, on connaît tellement que ça ne fait plus peur à personne. J'ai fait quelques recherches, et j'ai eu de la chance puisqu'il existe bel et bien des contes traditionnels où l'on parle de revenants, de spectres, de fantômes, pas du tout commodes, très agressifs, ou très malheureux, ce qui revient au même. Je me suis délecté à lire ces contes, à les réécrire, à me les approprier, et ça a donné ce spectacle de conte, « histoire de fantômes dans les Alpes ».
Tu comptes donc faire peur aux Auvergnats ?
Mon rêve serait surtout que le public du festival des Hautes Terres s'y retrouve. C'est le but de ce festival que de faire se rencontrer des gens d'altitude, et de s'y retrouver dans nos manières de vivre, de manger, de boire, mais aussi de danser, de chanter, de faire de la musique, et pourquoi pas dans nos façons d'avoir peur. Partageons nous les mêmes craintes ? J'espère qu'après le spectacle des gens viendront me raconter leurs histoires de fantôme, leur version.
Ton parcours est étonnant. Québécois de naissance, Français de double nationalité, et depuis plusieurs années, montagnard en Savoie, alpin, et même transalpin, tu participes à de nombreux ensembles de musiques traditionnelles, en Savoie, au Piémont, et deux de ces groupes seront au festival des Hautes Terres, La Kinkerne et Ariondassa. Qu'est-ce qui les différencie ?
La Kinkerne, qui a fêté ses trente ans en 2004, se donne pour objectif de reproduire les musiques traditionnelles d'autour du Mont-Blanc, c'est-à-dire la Savoie, une partie de la Suisse, le Val d'Aoste et le Piémont. L'idée est de faire ressortir les caractéristiques communes aussi bien que les différences. Ariondassa a pris pour parti de jouer les musiques traditionnelles du Piémont. Voilà les deux options. En ce moment le grand débat dans les Alpes est centré sur ces questions. On s'est aperçu, peut-être avec un peu de retard, qu'il existait des pratiques instrumentales communes dans les différents pays de l'arc alpin, qui va de Nice à la Slovénie en passant par l‘Italie, la Suisse, l'Autriche, la Savoie et le Dauphiné . Nous multiplions et privilégions aujourd'hui les échanges entre pays alpins. Nous nous retrouvons à l'occasion dans des festivals, dans les Alpes ou ailleurs, nous lions connaissance et nous organisons des rencontres au cours desquelles nous prenons un réel plaisir. C'est indéniable, nous vivons tous dans des chalets, nous nous nourrissons de fromage, et plus sérieusement, nous pouvons jouer ensemble cette musique alpine malgré la barrière des langues. Le meilleur exemple de ces collaborations en pleine dynamique est le Grand Orchestre des Alpes, qui regroupe soixante Lombards, Tessinois, Piémontais, Valdotains, Savoyards, Suisses, Tyroliens, Slovènes, et qui sera également présent au festival des Hautes Terres.
Quels sont tes projets en cours ?
Deux nouvelles formations ! Un ensemble de musique pour grandes orgues et cornemuses, l'ensemble Métanoia, qui a vu le jour à Lyon, au Grand Temple protestant, qui est pourvu de grandes orgues magnifiques. Valérie di Napoli à la cornemuse, et Frédéric Lamentia, titulaire de ces grandes orgues, m'ont aidé à concrétiser ce vieux rêve, et j'ai composé un répertoire particulier pour cette aventure. L'autre nouveauté est un duo, qui s'appelle Lis Martagon, avec Damien Lachuer, musicien de l'excellent groupe Garlic Bread. Damien et moi-même avons eu l'envie de nous mettre au service d'une dynamique musicale plutôt qu'à un répertoire géographique précis. Damien joue de la guitare et du bouzouki irlandais avec le feu qu'on lui connaît. Nous avons eu un premier échange musical entre ses instruments et mes cornemuses. Il s'en est dégagé une telle énergie que le duo en est issu immédiatement, et de nouvelles compositions ont surgit dans la foulée. Chaud devant !
Propos recueillis par J.B
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