Beto Brito
Beto Brito est un artiste de João
Pessoa, capital de l’état de Paraíba
du Nordeste brésilien. Fils de parents
très pauvres, il doit travailler dans les
champs dès l’âge de six ans pour
aider sa famille. Son père joue de
l’accordéon à huit basses et anime les
fêtes populaires de la St Jean en compagnie
de son fils. Il travaille ensuite
sur les marchés et côtoie ainsi les
emboladores (chanteurs d’improvisation)
et les écrivains de littérature
populaire (littérature de Cordel).
Après son adolescence il parcourre
les villes de São Luis, Teresina,
Recife et baigne ainsi dans la culture
populaire de plusieurs états du Nordeste.
Il intègre cette culture et les
traditions de cette région marquée
par la pauvreté et la sécheresse, mais
d’une très grande richesse folklorique
et notamment musicale. Ce
parcours et cette culture viennent
aujourd’hui habiter son oeuvre et lui
servent de référence comme écrivain,
auteur et compositeur.
Son dernier album s’intitule
"Imbolê", néologisme créé à partir du
verbe imbolar (enrouler, tomber,
chanter/déclamer des vers de façon
improvisé) signifie le mélange des
joutes verbales, du Cordel, de la viole,
du rebec, de l’accordéon à huit
basses, des tambours, des zabumbas
et des rythmes du Nordeste avec le
style électronique des samples, le son
des guitares distordues et le pouvoir
de la langue populaire. Imbolê est un
savant mélange de tradition et de
contemporain, de viande séchée au
soleil et du micro-onde, du char à
boeuf et du GPS, de la maison en
terre et des panneaux solaires, du
Nordeste et du reste du monde.
CMTRA : Quelles musiques rencontre-
t-on dans le Nordeste brésilien
et de quel type vous sentezvous
le plus proche ?
B.B : Ici on peut entendre de presque
tout : forró, musique classique, jazz,
samba, côco, ciranda, rock. Les origines
ne sont pas communes, excepté
le fait que ça se passe dans la même
région, chacun suit sa propre influence
qui va du domaine urbain au milieu
rural. Je me sens plus proche de la
musique rurale ou typique du Sertão,
comme le Forró, mais mes influences
sont au-delà de ça et passent par tous
les genres cités.
Plus qu’une musique, le Forró est
aussi une danse mais surtout une
chronique de la vie nordestine.
Cette musique raconte l'histoire et la
trajectoire d'un peuple qui s'est développé
parallèlement à ses traditions et
ses légendes. On retrouve dans notre
Forró les influences ibero-lusitaines de
l'époque de la découverte, ou encore
avant eux, l’influence des rythmes
indiens puis ceux des esclaves noirs
qui ont écrit leurs histoires avec des
sons et des danses. Celles-ci se sont
étendues tout au long des cinq cents
ans de l’histoire du Brésil, en passant
pas des icônes comme Lampião qui
dansait du xaxado dans la caatinga,
jusqu'à Luiz Gonzaga, principal agent
de divulgation du baião.
Quel rapport entretenez-vous avec
ce riche héritage culturel et comment
se traduit-il dans votre
musique ?
Je fais ou plutôt j'essaye de le perpétuer
dans ma musique par les éléments
littéraires et sonores qui la composent.
Et surtout par la littérature de Cordel,
une culture riche et ancienne, cultivée
et respectée par des millions de repentistas
et violeires, à travers laquelle
nous percevons ce qu’est cette révolution
typique des nordestinos de la fin
du XVIIIème jusqu'à la moitié du
XIXème siècle et qui a déterminé les
bases de la musique populaire du Brésil.
Parmis celles-ci, le baião, dont
l’origine se trouve dans les accords des
violeiros entre deux couplets d’une
chanson. L'influence contemporaine
de ma musique est évidente. Elle va de
Antonio Nobrega à Eminem. Je trouve
que le hip-hop a finalement un grand
degré de parenté avec notre côco, bien
que chacun ait sa propre source
d'inspiration.
Au-delà des influences de rythme
très contemporain que l’on rencontre
dans votre dernier album,
vous laissez dans votre musique
une place de choix à la littérature
de Cordel. D’où vous vient cette
envie de mélanger musique et
littérature ?
La littérature de Cordel est notre chouchou
par sa simplicité et sa pureté. Les
vers du Cordel sont comme de l'eau
qui coule par les mains, qui passent
entre les doigts pour laver notre âme.
Le Cordel a une importance si grande
pour notre culture, que je peux oser
dire qu'il est le père de nos traditions.
Le Cordel a aidé aux personnes à
apprendre à lire, à rêver, à imaginer un
monde meilleur et plus juste. Il a
donné origine à ma musique parce que
les rimes du Cordel naissent déjà dans
le rythme. Il suffit d'y ajouter la mélodie
et c'est ce que je fais : mettre les
cordeis en musique.
Propos recueillis par G.M