Kaléidoscope
L'opéra dans les quartiers
Entretien avec Richard Dubelski, compositeur et coordinateur artistique de l’étape musicale du projet Kaléidoscope.
CMTRA : L’Opéra de Lyon t’a
proposé d’être le coordinateur artistique
de la seconde étape du projet
Kaléidoscope, c’est-à -dire de l’étape
de création musicale. Peux-tu nous
expliquer en quoi consiste ton
travail ?
R.D : Pour faire ce travail de création
musicale, j’ai dans un premier temps
rencontré des musiciens qui allaient
pouvoir mener les ateliers et je leur ai
proposé de travailler avec différents
groupes, en regardant avec lesquels ils
pouvaient s’associer. En fonction des
ateliers, je suis leur travail en leur donnant
des pistes par rapport à chaque
groupe mais en laissant en même
temps chaque musicien faire son
propre travail. Je suis donc l’ensemble
des projets, ce qui me permet d’avoir
une vision globale puisqu’il y aura
environ 25 projets musicaux différents.
J’essaye d’imaginer comment
tout ça va s’articuler.
Au départ, durant la première étape
d’écriture, l’idée était de créer un
livret, c’est à dire des histoires qui
seront par la suite mises en musique
pour ensuite passer à l’étape suivante :
la mise en scène. Pour l’étape musicale,
il y avait donc un premier travail
à partir des textes. Une fois les musiciens
rencontrés et répartis sur les
groupes d’atelier, je leur ai fait part des
textes, en y ajoutant une note de
lecture. Cette note leur précisait les
passages méritant une mise en exergue
à mes yeux, ou si la totalité était intéressante
mais trop longue, lesquels me
semblaient les plus pertinents à mettre
en jeu. Je ne dirige pas le travail des
musiciens mais je leur donne des
pistes.
En fait je dirais que c’est un peu ça
mon boulot : leur donner des pistes
dans ce qui est possible si jamais il y a
des moments où ça coince. Suivre les
ateliers régulièrement, sans non plus
— et c’est là toute la difficulté —
interférer sur le travail des musiciens
avec les groupes, c’est à dire faire le
travail à leur place. Donc je suis ce qui
se fait, éventuellement je leur fais un
retour, pour leur dire un peu ce que je
pense du travail. En fonction de la
séance précédente je leur donne des
pistes, par exemple sur un passage de
texte que j’ai vu et qui pourrait être une
proposition sans non plus être une
obligation.
Petit à petit se crée cette image un peu
« kaléidoscopique » de toutes ces
formes de théâtre musical, et de fait,
j’essaye d’avoir la vision globale de
l’ensemble de ces ateliers. C’est tout
l’intérêt et la difficulté, d’être là , proposer,
mais sans imposer.
Comment fais-tu le lien entre les
divers groupes investis dans le
projet Kaléidoscope ? Y’a t-il une
unité entre les différentes créations ?
Il y a une unité de fait, même si les
gens ont, a priori, des sensibilités
esthétiques différentes. De démarches
singulières, comme l’utilisation d’objets
pour leur potentiel sonore par
exemple, on aboutit à des propositions
artistiques pas si éloignées, malgré la
grande diversité des textes au départ.
Ce qui me semble aussi important,
c’est de faire intervenir à un moment
donné d’autres personnes dans ces
groupes d’habitants, des musiciens
amateurs notamment, car la plupart
des groupes n’ont pour l’instant pas de
pratique musicale. Le lien peut donc
aussi se faire avec la rencontre de ces
musiciens.
Deux cents personnes environ participent
à l’étape musicale et la
majorité d’entre elles n’ont pas de
pratiques instrumentales. Dans ce
contexte, comment s’effectue le
travail de création ?
Pour l’instant, il y a une constante : les
objets sonores évoqués tout à l’heure,
matériaux divers, qui peuvent être des
papiers, du verre, ou autres objets
usuels… C’est donc souvent ainsi que
cela commence : nous travaillons
musicalement en prenant conscience
de la musicalité que l’on peut tirer de
ces objets.
Il y a aussi le travail vocal évidemment,
puisque c’est l’instrument que
tout le monde possède. De plus, dans
certains groupes, quelques personnes
pratiquent la musique, ce qui enrichit
les possibilités. Avec des gens qui ne
faisaient pas de musique au départ, ce
que je constate pour l’instant est vraiment
positif. En tous cas, c’est ce que
j’espérais de cette texture texte musique
: un travail sur la matière, où
le texte est matière, les objets sont
matière... Mais pour élargir le champ
des possibles, je tiens à l’intégration
d’instrumentistes amateurs , une fois
que les groupes auront déjà une base
textes/musique constituée pour aller
encore plus loin.
Propos recueillis par V.G.