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Chaabi/Arfi, une rencontre entre le jazz et la musique populaire alg

L'ARFI, toujours à la recherche de son folklore imaginaire, met en oeuvre avec régularité des projets marqués par la rencontre entre les musiciens de ce collectif de jazz lyonnais et des artistes porteurs de traditions musicales multiples.

Chanteuses d'Ukraine, percussionnistes caraïbes, cabrettaires auvergnats, bagad breton, cornemuseux du centre de la France, parmi d'autres, se sont joint aux différentes formations de l'ARFI pour des expériences humaines autant que musicales au fil des années. Dernière aventure en date, CHAABI/ARFI, qu'on pourra entendre le 9 novembre 1999 au Centre Culturel Théo Argence de Saint-Priest. Jean MEREU, Patrick CHARBONNIER et Michel BOITON nous en disent plus.
Jean Méreu : La création de CHAABI/ARFI a eu lieu le 20 mars 1999 au Centre Culturel de Charlie-Chaplin, à Vaulx-en-Velin, pour répondre à une commande du festival A-Vaulx-Jazz. Cette commande portait sur la célébration du trentième anniversaire du Festival Panafricain d'Alger. Il nous a semblé que c'était un bon moyen de l'honorer en nous associant avec des musiciens du Maghreb et plus précisément des musiciens algériens qui sont en France et dont certains d'entre eux font partie du célèbrissime Orchestre National de Barbès. Le Festival Panafricain d'Alger avait vu des rencontres entre des musiciens de free-jazz nord-américains, Archie Shepp, Sunny Murray, et des musiciens touaregs. Il y avait Myriam Makeba, beaucoup de musiciens africains, et ce festival a été une des premières grandes manifestations de l'afro-musique.

Nous avons réfléchi, et l'un des musiciens de l'ARFI, Abdel Abrit, nous a parlé du chaabi, la musique populaire d'Alger, qui pour lui est magnifiquement incarnée par Dahmane el Harrachi. Dahmane el Harrachi a beaucoup roulé sa bosse en France, dans plusieurs villes, avant de retourner à Alger et d'y mourir dans un accident de la route. Il semblait que pouvait s'établir une correspondance assez juste entre les chansons de Dahmane el Harrachi et les possibilités au sein de l'ARFI de les traiter par des arrangements appropriés. Voilà le début de l'affaire. CMTRA : Patrick Charbonnier, comment s'est fait le travail de préparation sur le répertoire chaabi ?

Patrick Charbonnier : Nous avons rencontré deux musiciens, Fata Ben Lala, chanteur et joueur de mandole au sein de l'ONB, et Mohamed Abdenour, qui lui est joueur de banjo. Ils nous ont amené une cassette de chaabi, qu'on a écouté ensemble. Ils nous expliqué les codes, le fonctionnement de cette musique, et à partir de ça, comme d'habitude à l'ARFI, nous nous somme partagé le travail d'arrangement. En fonction des morceaux que nous avons entendu, de nos goûts artistiques individuels, nous nous sommes réparti l'arrangement des thèmes, tout simplement.

Au départ, ce répertoire, c'est de la chanson, en algérien. Sur une chanson de 5 minutes, avec une structure assez complexe, qui dépasse largement l'idée habituelle de la succession de couplet-refrain, et même en connaissant le sens global du texte, il est délicat de proposer un arrangement basé principalement sur notre instrumentation sans perdre le sens des paroles, garder l'esprit et le sens de la chanson. Chacun d'entre nous a proposé ses solutions. J.M. : Évidemment, c'est une musique de tradition orale. Nous nous sommes retrouvés en face des enregistrements, et sans aucune partition, sans aucun document écrit, alors que nous, nous fonctionnons beaucoup sur la tradition de l'écriture. En tout cas, les délais étaient assez courts, et donc, chacun d'entre nous, en fonction des chansons qui lui étaient attribuées, a procédé au relevé intégral de ce qu'on entendait, c'est-à-dire la chanson originale, la mélodie et les accompagnements orchestraux. Je ne pense pas qu'on pouvait écrire de nouveaux arrangements sans passer par cette étape là.

Malgré tout, nous avons vu, dans le travail d'ajustage entre nos propositions d'arrangement et leurs chansons, qu'il fallait qu'on trouve, de notre côté, les facultés de s'adapter. Par ce qu'en effet, si leur structure est assez fixe il y a une configuration couplet/refrain, mais beaucoup plus sophistiquée, avec des reprises, des variations, des parties d'orchestre eux sont libres à l'intérieur de tout ça. Il nous fallait trouver la possibilité d'être très près de leur chant et de pouvoir s'adapter à eux dès qu'ils prennent des libertés avec la structure telle que nous l'avons un petit peu figée autour d'eux. Il faut que cette structure que nous avons rendue assez rigide par notre culture propre, soit rendue plus souple, de façon à pouvoir réagir au quart de tour, en fonction de leur démarche d'improvisation. C'est cette confrontation qui est passionnante, de leur côté une structure assez complexe, qu'ils manient avec une grande aisance et une grande liberté, et de notre côté une structure que nous avons édifiée autour de leur structure de base, et qui doit s'adapter à leurs variations et improvisations.

P.C. : La chose qui nous a intéressée, c'est d'avoir des arrangements suffisamment ouverts pour laisser de la place à l'improvisation, ce qui est assez ardu dans le cadre d'une chanson. Ce qui nous intéresse c'est de se mettre à l'écoute d'une autre manière de penser la musique dans ses dimensions de liberté et de structures repérées, c'est le coeur de l'aventure, qui nous apprend énormément à chaque rencontre. CMTRA : Michel Boiton, tu es au centre de la rythmique dans ce projet Chaabi/Arfi. Dans les styles de musiques populaires du Maghreb, et dans le chaabi, il y a une culture rythmique très subtile dans la mélodie, et de nombreux instruments de percussion qui ont chacun leur rôle. Comment traites-tu cette question ?

Michel Boiton : Tout d'abord, il s'ait bien d'une adaptation à la batterie par un ensemble de percussions. Sur les rythmes binaires, il n'y a pas trop de subtilité, on retrouve les rythmes standards. Il n'y a pas de variation au niveau binaire dans le chaabi, qui ressemble étonnement d'un point de vue rythmique aux rythmes caraïbes, comme la salsa. On retrouve exactement les mêmes placements au niveau des basses.

Par contre, il y a une subtilité beaucoup plus fine, plus approfondie dans le ternaire. Il y a des appuis qu'on peut penser à une certaine place, et, surprise, ça n'est pas le cas, au niveau des temps forts par exemple. Et là, il y a beaucoup plus de variations, et le plus étonnant, c'est le mélange binaire/ternaire, il y a des choses très intéressantes à réaliser. Dans le répertoire que nous avons abordé, nous sommes loin d'avoir eu le temps d'explorer toutes ces variations rythmiques, ça nous demandera par la suite un travail dans la durée.

P.C. : Le rythme d'une chanson peut être très proche de choses qu'on entend dans d'autres styles de musiques, mais l'intérêt de cette musique, en fait, c'est le placement de la mélodie par rapport à ces rythmiques, qui peuvent paraître traditionnelles, ou familières pour nous. A l'écoute des enregistrements, on s'aperçoit que cette musique est essentiellement mélodique, et que le placement mélodique n'est jamais le même par rapport à la rythmique dans le développement du morceau. La mélodie se décale d'un temps, de deux temps, elle n'est jamais là où on l'attendrait par rapport au temps fort, la subtilité de cette musique est là, dans cette surprise. CMTRA : Le chaabi, c'est en grande partie la musique de la communauté immigrée algérienne, notamment dans les années 70, avec des dimensions sociales, émotionnelles importantes. Est-ce que ces dimensions ont une place dans votre choix ?

J.M.: Ce qui est intéressant, c'est l'aspect populaire de cette musique algéroise, au même titre que le raï, qui est la musique de la région d'Oran. Le chaabi, c'est l'expression populaire d'Alger, avec d'ailleurs un arabe très particulier, dialectal, ça n'est pas de l'arabe classique, c'est le dialecte arabe d'Alger.

Cet aspect populaire, on le retrouve dans le sujet des chansons, dans les thèmes, très très quotidiens, très classiques d'une chanson pratiquement universelle, l'amour, les relations avec les femmes, le mec qui est dans sa solitude, le mec qui pense au voyage, ou, quand il est en voyage, pense à son chez-soi... ce sont effectivement des thèmes de l'immigration, mais qui ne sont pas propres au chaabi, on les retrouve dans le blues, dans les mélopées russes, ce sont des choses assez universelles et assez quotidiennes. Nous travaillons sur le répertoire de Dahmane el Harrachi, mais on pourrait développer notre approche du chaabi, et envisager d'aborder d'autres grand chanteurs de ce style.

P.C. : Fatah Lala compare les chansons de Damane Harachi à celles de Georges Brassens, dans le choix et le traitement des paroles et des thèmes.

J.M. : S'il y a démarche politique, c'est dans le fait que des musiciens, européens, français s'intéressent à cette musique là, la considère comme une musique savante à plus d'un titre, et ça, c'est déjà significatif par rapport au phénomène du racisme, dire "Ce que ces gens là sont en train de chanter, comment la musique est organisée, vous savez, c'est extraordinairement savant". On est dans une situation de respect, qui ne prête pas le flanc au racisme. CMTRA : Le projet Chaabi/Arfi est loin d'être le premier projet où l'ARFI mène une rencontre avec des musiciens porteurs d'une tradition musicale, comme par exemple le travail réalise avec le bagad Ronsed Mor, basé à Locoal Mendon, et qui a gagné le championnat de Bretagne de bagadou à Lorient cet été ; est-ce que l'ARFI développera cette ligne de travail à l'avenir, ou est-ce basé sur des coups de coeur ?

J.M. : Il n'y a rien de volontariste dans cette démarche là. Les choses se font parce qu'elles doivent se faire. Par exemple, avec le Ronsed Mor, on s'est retrouvé dans un festival de la région parisienne à Bagneux en 95, on a commencé à faire quelques notes ensemble, on s'est plu respectivement, ils nous ont invités pour leur disque, et on est parti, comme ça pour une aventure avec eux, bien avant qu'ils gagnent le concours.

Il n'y a ni volontarisme, ni opportunisme dans notre démarche, et pour le chaabi, c'est un peu la même chose : il y a eu l'idée d'Abdel Abrit, d'abord, ensuite on a envisagé avec qui on pourrait travailler, et on a mis en marche le circuit des musiciens algériens qui nous semblaient suffisamment ouverts pour entrer dans le projet, et nous sommes arrivés jusqu'à Fatah ben Lala, Mohamed Abdenour, et maintenant un autre percussionniste algérien, Mohamed Saïd Benguera qui va se rajouter au projet, et le groupe va s'enrichir de la venue de Jeff Sicard, clarinettiste basse, ténor, voilà, c'est comme ça, il n'y a pas d'autre calcul. Mais effectivement, cela peut se produire parce qu'on est préparé à ça, on est complètement ouverts. Ces choses là arrivent, et peut-être y-a-t-il plein d'autres choses qui n'arrivent pas, c'est la vie.

P.C. : Et tous ces projets participent à l'enrichissement de nos folklores imaginaires. C'est bien l'intérêt et le propre de l'ARFI que de développer quelque chose d'original, mais qui part de sources différentes, qui nous font progresser. Pascal Lloret, également engagé fortement dans le projet Chaabi, souhait que les prochaines répétitions fassent plus la place à un travail sur la tradition orale, pour se rapprocher au plus près de l'essence de cette musique. Propos recueillis par J.B Concert

le 9/11 au Centre culturel Théo Argence de Saint Priest Contact :

Centre culturel Théo Argence

Tél : 04 78 20 02 50


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