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Les musiques bruissonnières

Entretien avec Dominique Passeri CMTRA : Tu travailles dans un univers tout à fait original depuis presque 20 ans, cet univers est très difficile à décrire parce qu'il est polymorphe. Comment définis-tu ton métier artistique ?

Dominique Passeri : Mon logo, c'est "Les Musiques Bruissonnières" que je fais suivre par "de bruits, de sons, en de multiples chemins de travers", ma spécialité : mélanger à la fois mon savoir sur les musiques traditionnelles et les musiques de bruits, puisque j'ai une formation assez complète de ce côté-là. Ce grand écart est permanent, j'ai alors deux façons de jouer. CMTRA : Jouer de quoi ?

D.P. : A partir des années 1980 ce fut mes "Musiques Vertes", c'est-à-dire "faire sonner les plantes", tirer un profit sonore des plantes, qui s'élaboraient surtout en Provence Alpes Côte d'Azur sur une dimension pédagogique : aller dans les écoles, sur des cycles courts ou longs et offrir des jeux musicaux aux enfants, après toute la lutherie que supposait l'organisation de ces jeux.

Cette première démarche m'a ouvert aux univers du bruit. La force de ces musiques pour moi-même a été de me pousser à découvrir que j'adorais les bruits. Ensuite, quand je suis rentré en Rhône-Alpes, effectivement, j'ai fait une classe de formation en musique acousmatique au CNR, et parallèlement, car je ne souhaitais pas en rester aux propositions pédagogiques pour les scolaires, je voulais également les offrir en tant qu'artiste, sur scène.

Mes premières créations ont été "Mes Histoires vertes et tendres", et qui finalement parfois lorsqu'on me les demande, ressortent encore de temps en temps, mais ce n'est pas ma spécialité. Très souvent, je dis aux organisateurs :"ne me faites pas de scène !", je ne veux pas jouer sur scène.

Autrement, j'ai eu l'occasion de décliner l'usage sonore des plantes pour de multiples demandes, et depuis, je sais très bien cerner la demande et répondre très précisément. Je peux offrir mes "P'tites foires des Bruits Sauvages" ; mes "Ateliers Surprise" musique verte ; "La Conspiration des Mauvaises Herbes", toujours le même instrumentarium, mais ce n'est pas du tout la même stratégie, ni la même approche du public. Par exemple, "P'tites foires des Bruits Sauvages" me positionnera sur un marché, sur un lieu marchand, une foire, bio de préférence ou avec des produits alimentaires, j'aurai un tablier de maraîcher et j'offrirai mes herbes benoîtement comme un fromager ferait déguster ses fromages. Je ferai déguster mes "Amuses gueules", mes "Petits bourgognes à se siffler", mes "Campagnes antitabac" en feuilles de laurier-sauce, toutes choses qui en fait ne sont pas comestibles, mais qui se dégustent au niveau sonore.

A travers cela, c'est une base d'impro pour un personnage qui ne vibre que par des bruits tirés de plantes.

Ceci dit, "faire sonner les plantes" est une activité qui me pose problème chaque année aux alentours du 11 novembre, avec les gelées du milieu de l'automne. Donc j'ai été amené, étant issu du milieu des musiques traditionnelles, à me dire que ces musiques avaient des réponses à donner dans les formes de carnavals actuels. Il y a dix ans encore, c'était forcément des fanfares des beaux-arts qui intervenaient dans la rue, mais très peu de musiciens traditionnels. Et, en fait nous avons notre propre savoir faire avec les cornemuses, les flûtes et autres instruments, les plantes aussi pourquoi pas... Musique et nature, fête de l'hivers en Rue, au rêve de Rue : les perspectives de jeu s'ouvraient à l'infini CMTRA : Un de tes espaces de travail du rêve, c'est cette relation entre l'espèce humaine et le végétal dont on peut penser qu'elle soit distendue par l'urbanisation, mais dont on a vu, à l'occasion malheureuse de cette tempête récente qui a abattu des dizaines de milliers d'arbres, qu'elle est encore très présente et qu'elle déclenche des émotions fortes chez les gens !

D.P. : Bien sûr. Au début des années 80, quand j'ai rencontré l'usage sonore des plantes, j'ai découvert que le poireau était un outil de colporteur, on sifflait dans la bouche pour faire des sons de canaris et pour attirer les enfants, séduire et en profiter pour vendre, c'était la technique musique verte.

J'en ai écrit une histoire, qui est une histoire importante dans mes "Histoires vertes et tendres", que j'ai réutilisé de manière toute naturelle pour la mise en place d'un spectacle de rue, "L'Équipée de l'Équidé", qui met en scène non pas un poireau en tant qu'instrument de musique, mais des flûtes harmoniques : on est sur un charriot, comme des passants parmi d'autres passants, et on joue des flûtes harmoniques, mais ces flûtes, de manière étrange, sont prolongées d'un poireau, et vont caresser les gens ; alors, le poireau pressé de son jus diffuse son odeur de soupe, ce qui fait réagir le public, et c'est le paradoxe parce qu'on est aimé pour notre allure dans des costumes agréables, avec des masques agréables et une charrette agréable, on joue des musiques nordiques, suédoise ou norvégienne qui ne sont pas des musiques agressives, et puis au dernier moment les gens se retournent vers nous avec une mine de dégoût parce que : "pouah, ça pue la soupe !" CMTRA : Une autre dimension qui semble être une de tes préoccupation autour du sonore, c'est le sonore dans l'univers urbain, dans l'univers de la Rue, qu'est-ce que recouvre l'expression "Coulée Sonore" ?

D.P. : "Coulée Sonore", c'est à l'image des Coulées vertes, c'est-à-dire quelque chose qui emmène le promeneur se détendre dans un lieu qui sera habituellement planté de roses, de pelouse très stricte et de quelques outils pour se maintenir "en forme".

Mes "Coulées Sonores" seront dans des univers plus étroits de part leurs dimensions, plus intimes, y compris nature : se faufiler dans des zones un peu périurbaines, étranges, et en tous cas en cherchant des acoustiques multiples, en cherchant à diversifier les réverbérations, en trouvant des sols différents, et en cherchant des stratégies ou des rêves sonores, des rêves tout court qui s'offrent tous les quinze mètres. Il faut qu'il y ait quelque chose de nouveau qui arrive avec quelques instrumentistes et des mélodies, parmi tout cet univers de bruits. CMTRA : Est-ce que cette démarche peut s'appliquer en intérieur ?

D.P. : Elle s'est appliquée dans des châteaux et dans des grottes... Personnellement, j'ai beaucoup aimé travailler ces "Coulées Sonores" dans un petit moulin à Crolles à côté de Grenoble où des tas d'artistes avaient décliné la demande parce que le lieu leur paraissait trop étroit pour circuler dans des salles qui ne faisait pas plus de quatre mètres par trois. Mais "Coulée sonore" s'est parfaitement appliquée dans ces lieux où le public avançait de salle en salle et découvrait des écritures sonores essentiellement basées sur les outils du moulin. C'étaient des sons outillophoniques, les outils du meunier, très peu d'objets extérieurs avaient été amenés.

Dans la deuxième partie de cette visite, le public retournait dans ce moulin du XVIIIe siècle avec des courroies, des roues de transmission, des roues crantées, alors, vannes ouvertes, seules les mécaniques du moulin se donnaient à entendre, c'étaient "les chants du moulin" ! CMTRA : Pour arriver à cette démarche très originale, penser le son comme relation émotionnelle entre végétal et humain, entre le bâti et l'humain, qu'est-ce qui a déclenché ce parcours créatif, à quel moment as-tu basculé ?

D.P. : Quand je me suis penché sur ma démarche, il y a quelques années déjà que j'étais dans la Rue, dans les carnavals, je sortais même mes bestioles de rue, mes éléphants, mes escargots géants qui déroulent leurs baves, enfin, tous prétextes pour faire sonner des percussions, des flûtes à trou, des flûtes harmoniques, des cornemuses, des clarinettes... Ma véritable fonction était d'organiser des rêves, de les penser, de les vivre, de les créer, de les jouer.

Un jour, j'ai pensé à un article que j'avais lu dans le premier Modal qui s'appelait "Alexandre c'est l'gars du diâbe !", un article rédigé par Frédéric Paris et Jean-Claude Blanc qui décrivait un vielleux, un monsieur dont il est dit (on comprend à demi mot) qu'il n'était certainement pas le meilleur vielleux de sa génération ou du pays, mais par contre, lorsqu'il arrivait sur la place de la foire, il sortait sa vielle, mais pas uniquement, il sortait aussi des sculptures en art brut.

Alors, il y avait le Tom-Tom, Madame Tom-Tom et la Poupée-Danseuse, le Docteur d'Août, des statuaires à peine de 25 cm typée art primitif. Dans l'article on voit des photos très précises de ces statuettes, malheureusement l'article s'arrête trop vite, on sait que le vielleux avait un franc succès sur la place public avec ses statuettes et sa musique, mais on a pas le contenu de ces interventions, il n'y a pas d'enquêtes sur des gens qui l'auraient vu jouer, aucune description.

Finalement, je me dis que c'est un peu comme moi, si une fois disparu, mes enfants qui ne m'ont pas réellement vu jouer dans la rue, devaient décrire mon métier, ils sortiraient des objets comme cela, ils sortiraient peut-être mes instruments, voilà c'est tout... et pourtant dans la rue j'organise des rêves, les gens s'arrêtent, s'en amusent, entendent des musiques, et perçoivent une émotion. CMTRA : Quand tu proposes, saison après saison, de l'urbain au plein air, de la rue à l'intérieur, des formes d'interventions différentes, tu crées en fait régulièrement de nouvelles histoires sonores, tu es en création permanente. Pour l'année 2000 et la suite, qu'est-ce que tu proposeras ?

D.P. : Une série de carnavals, avec le dernier, ce 1er avril pour la création d'un bestiaire avec Les Dragons de Saint-Georges, Lyon 5ème. Les 8 et 9 avril, une intervention pour une fête des Plantes à Réaumont en Isère. Il y a une préparation à Mélan pour une fête de l'environnement qui se tiendra en juin, mais qui se préparera dès le mois d'avril au centre de Rochasson.

Le 13 mai, dans la ferme de l'ARP en Isère, une ferme pédagogique du côté de Crémieux. Les 19, 20 et 21, une manifestation qui participe à l'éducation de l'environnement, à Aiguebelette. Les 23, 25, 26 mai "Coulées Sonores" au Valon-de-Valières à Cézériat dans l'Ain. Le 27, intervention "Déchets" pour la communauté urbaine autour de Bourg-en-Bresse. A cette occasion, il y aura "La P'tite Foire des Bruits Sauvages" chantée sur le thème du déchet en redingote, et les 23, 24, 25 et les 30 juin, les 1er et 2 juillet, à Angers, spectacle dans des parcs, d'abords dans le jardin des plantes avec "Les Arbronautes" dans les arbres, et début juillet au parc de la Garelle avec des élèves de la classe de théâtre du conservatoire d'Angers. Propos recueillis par J.B Contact

Dominique Passeri

Les Musiques Bruissonières

La Pérouse, 01310 MONTRACOL

Tél : 04 74 24 36 98


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