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Les Musiques du Monde au Collège

Entretien avec Bernard Lloret * Bernard Lloret : Longtemps, l'heure de musique en collège a été une corvée pour le jeune élève et parfois pour le professeur. Cette heure étant souvent confinée en fin de journée après les heures de cours réputées plus capitales. Il est vrai que ce n'est pas facile de faire de la musique avec une classe de 3e qui en est à sa 7e ou 8 e heure de cours. Je pense que maintenant la musique est de plus en plus prise en compte et l'on n'hérite plus forcément des emplois du temps les plus catastrophiques, ni des classes les plus pénibles et "l'ouverture musicale" a pris le pas sur le solfège "intempestif". Les élèves eux-mêmes ont changé.

Actuellement, un élève de 6e a chez lui les moyens d'écouter, dans de bonnes conditions sur sa mini-chaîne, les dernières nouveautés que nous-même professeurs ne maîtrisons pas encore. On est obligé d'être tout à fait en prise avec l'actualité. Ce qui a le plus changé, c'est que l'écoute n'est plus un acte volontaire et que nous baignons maintenant dans un environnement musical perpétuel, qui va du message d'attente du répondeur de vos administrations préférées, au "easy listening" du rayon boucherie de votre supermarché en passant par les innombrables radios commerciales que vous n'avez pas choisi d'écouter dans les transports en commun. D'où la nécessité de réinstaller une écoute moins consumériste.

D'autre part l'avènement du C.D. rend plus abordable l'accès à certaines musiques réputées moins populaires : classique, jazz et blues, musiques du monde, par le biais de rééditions de qualité en général moins coûteuses que les derniers hits décidés par les D.J. du moment. Il y a bien toujours, chez les élèves, le réflexe un peu épidermique, face à ce qui ne sonne pas tout à fait comme la musique dominante. Mais je pense qu'on peut les amener à décoder les musiques qu'ils apprécient le plus en ce moment, les amener à penser qu'elles ne sont pas inventées de toutes pièces même s'il y a des innovations. Il y a eu des précédents, il y a des musiciens qui ont innové à toutes les époques, des compositeurs en particulier, Ravel, Satie, Stravinsky, Philip Glass, Coltrane, Hendrix etc qui ont été aussi novateurs que les groupes un peu remuants de la musique actuelle. Finalement, on peut affirmer maintenant que le reggae est une musique reconnue, que le jazz n'est plus une musique de sauvage et que la musique traditionnelle, en particulier, n'est pas qu'une musique réservée à une fête de village au fin fond d'une campagne.

Par contre leurs oreilles sont habituées depuis leur plus jeune âge (c'est une génération qui est née avec le CD) à entendre des choses formatées d'une certaine manière par la radio. Ils ne sont donc pas habitués à la musique traditionnelle. On a par exemple réellement des difficultés à faire distinguer un son issu de vibrations de bois par rapport à du métal. La bande FM est d'un format très particulier qui fait qu'ils sont beaucoup moins sensibles à certaines couleurs, à certaines nuances, à certaines fréquences et j'essaie tout particulièrement de leur faire écouter le plus possible de sons bruts faits par divers objets sonores naturels ou de synthèse . CMTRA : Actuellement, peux-tu avoir l'occasion de faire découvrir réellement aux enfants pré-ados les musiques du monde dans leur variétés ?

B. L. : Dans le principe, ils y sont très sensibles. D'abord, il y a l'ouverture vers l'autre, vers des choses différentes et c'est plus facile de les ouvrir sur un monde autre que le leur. Ils adhèrent beaucoup plus rapidement, l'écoute est beaucoup plus facile quand "l'autre" est exotique comme peuvent l'être la diphonie des Mongols ou les tambours du Burundi.

C'est plus problématique quand il s'agit de la musique traditionnelle issue de France. Ils ont une image encore très typée du village, de la ruralité, ça fait encore un peu sourire, ils ont une image encore un peu figée du "paysan de base". Mais, par contre, cela commence à changer pour des raisons à la fois sincères et commerciales, avec des artistes qui se sont emparés d'une partie de la tradition, comme les musiques bretonnes, occitanes, africaines, ou du Maghreb en les "mixant" avec des musiques actuelles. Ça devient une passerelle qui fait que finalement, ça marche.

Prenons le cas de l'accordéon. Il a été longtemps associé à l'accordéoniste franchouillard avec béret, bouteille de rouge et éventuellement baguette de pain. Maintenant, grâce à son utilisation dans le jazz ou encore dans le "rock alternatif", il a d'autres images représentatives qui font que ça passe bien mieux. Parce que la musique ressemble aux gens qui la font et que pour quelqu'un de 12-13 ans, la musique transite par une génération nouvelle qui utilise ou qui découvre l'accordéon, le violon, la cornemuse voire les cuivres dans certains groupes, et l'identification est positive. Il me plait de penser que l'on assiste là à un retour de l'acoustique après une période "synthétique" impérialiste. Attention je ne voue ni la synthèse des sons, ni la musique assistée par ordinateur aux orties ; loin de là, je les utilise abondamment. Tant qu'il y a recherche et création et non pas uniquement sampling, la musique synthétisée est aussi formatrice que la musique instrumentale traditionnelle, cependant il n'est pas aussi aisé de "communiquer" avec l'être humain censé être derrière toute musique.

C'est le problème, entre autres que je relève dans la musique techno qui est une autre approche. Ça peut-être très bien, très satisfaisant, mais on ne voit pas très bien, à moins de s'équiper d'un ordinateur, ce qu'on peut en faire, ça donne peut-être envie de faire de l'informatique mais pas forcément de la musique. Alors qu'une bonne ambiance, mélange celtique, rock, ou reggae peut donner envie de taper sur des derboukas, des bendirs, jouer de la cornemuse, de la flûte, de l'accordéon ou du violon, c'est-à-dire de renouer avec une pratique ludique et sociale de la musique.

Il y a un retour à la pratique directe, à l'envie de toucher un instrument pour pouvoir produire des sons qui existent véritablement, un peu plus festifs, moins froids qu'à l'ordinateur. Ces musiques actuelles ont le mérite d'être abordables, conviviales, festives, et de véhiculer à la fois des idées d'identité et de solidarité, d'héritage culturel et de reconnaissance de l'autre, et de révéler des accents et des parlers différents. CMTRA : Les nouvelles directives de l'Éducation Nationale, dans le sens de l'ouverture musicale sont tout à fait encourageantes. Ça pose quand même une question, c'est celle de la culture des professeurs. S'il faut faire découvrir des musiques différentes, il faut déjà les connaître soi-même ?

B.L. : Il y a deux stades : les gens actuellement en formation ou qui exercent depuis peu sont représentatifs de leur tranche d'âge et ne sont donc pas si éloignés que cela de leurs élèves. Par contre mettre ces musiques actuelles en pratique en classe nécessite forcément un travail de formation personnelle pour s'approprier un peu les choses.

Ce que je souhaiterais, moi, c'est que la formation fasse appel plus souvent à des gens qui soient des professionnels extérieurs à l'institution parce qu'ils n'ont pas les mêmes préoccupations directes que nous face à des élèves. Autant on peut travailler tout seul une percussion, un instrument même si on n'est pas virtuose, autant il faut avoir les connaissances et la pratique suffisante pour faire travailler 25 ou 30 élèves dans une salle de classe. Donc, pour en arriver à l'ouverture culturelle, la participation de professionnels de la musique est nécessaire et elle est complémentaire du travail de l'enseignant. Il faut, à tout prix, que les élèves voient des artistes en situation, je veux dire en chair et en os, plutôt que des représentations télévisuelles. CMTRA : Pour ce type d'intervention de musiciens extérieurs à l'Éducation nationale, existe-il des moyens, des endroits pour les accueillir, concrètement, est-ce possible ?

B.L. : Cela se pratique déjà largement. Je dirais que ce n'est pas encore institutionnalisé dans la mesure où tous les établissements ne sont peut-être pas équipés pour recevoir des concerts, tout simplement pour avoir une écoute correcte avec un public d'une centaine de gamins ! Ce qui est nouveau, ce sont les établissements où il y a des petits auditoriums. Je souhaiterais que l'on conçoive, dès le départ de la construction de futurs établissements, un endroit où l'on puisse vraiment assister à une production (que ce soit d'ailleurs de la musique ou du théâtre) dans des vraies conditions de spectacle. Parce que la salle de classe doit rester une salle de classe, elle ne peut pas forcément être un music-hall. Je pense que c'est complémentaire, mais on ne peut pas faire venir des artistes dans un cadre uniquement scolaire.

Il faut la magie du spectacle dans une salle appropriée pour casser l'image de la fausse proximité donnée par la télé où l'on voit les artistes en play-back, avec des montages. Il faut réhabituer les élèves à la pratique du spectacle, qui a un début, une fin, une organisation, qui nécessite une écoute et une pratique du silence. Ce rapport à l'artiste dans des conditions de spectacle normal, est capital pour former ces futurs mélomanes qui seront à la fois les acteurs et le public de demain sans qui la musique aurait du mal a rester vivante. * Bernard Lloret est professeur de musique en collège. Propos recueillis par J.B.


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