Entretien avec Jean Claude Ballet, organisateur du festival
CMTRA : Tu participes à ce festival
depuis ses débuts, peux-tu nous
raconter la genèse du projet ?
On pourrait dire que je suis le père fondateur
! Mais je ne crois pas aux
grandes découvertes, il s’agit plutôt
d’une évolution logique. Vers la fin
des années 60, la guitare commence à
prendre une importance particulière au
Centre Léo Lagrange, à Villeurbanne,
sous forme de cours, de guitare d’accompagnement…
N’oublions pas que
la grande période rock et folk de cette
époque marche très bien. A partir du
début des années 80, vont se créer làbas
les premières soirées guitare, à peu
prés une fois par mois. Ensuite en
1987, suite à une rencontre entre la
salle de spectacle de l’Espace Tonkin
et l’école de musique de Villeurbanne
l’idée naît de faire une journée pour la
guitare avec des concerts amateurs,
des rencontres, des cours, et généralement
un concert plus connu pour finir.
Pendant deux ans, on a continué ainsi
et la troisième année, on a pensé faire
évoluer le projet en festival. L’idée
principale du festival était de respecter
la diversité des styles. Dès la deuxième
année, l’Espace Tonkin s’est ouvert à
d’autres structures, en 1990 l’Espace
Albert Camus de Bron, puis l’association
de flamenco Duende. Voilà
l’histoire du festival, après comme
toutes les histoires, il y a des années
sans, des années avec, des gens qui
nous rejoignent, des gens qui partent,
contribuant à l’histoire vivante de la
musique.
Choisir un instrument, c’est une
thématique originale. Comment
faites-vous la programmation ?
Quelle y est la place de la guitare ?
La guitare est l’instrument du 20ème
siècle par excellence, c’est l’instrument
le plus joué au monde. On en
trouve dans la musique classique, dans
la musique ancienne (même s’il s’agit
de transcriptions), dans toutes les
musiques dites actuelles (pour
employer un mot que je n’aime pas
trop), dans les musiques du monde
(mot qu’on peut ne pas aimer non
plus), dans la recherche, dans l’innovation…
Le répertoire de la guitare est
suffisamment important pour que
chaque année on décide de s’orienter
vers une thématique, tout en attribuant
une place de choix à l’instrument. Par
exemple, lorsque l’on `programme des
concerts avec un chanteur et une
guitare d’accompagnement, la place
de la guitare doit être prépondérante.
Le meilleur exemple est le spectacle
« Guitare » de Le Forestier avec quatre
guitaristes sur scène. De la même
manière, cette année dans Rose (chanson
française), selon les morceaux,
elle alterne guitare folk, guitare électrique.
L’instrument doit rester au
centre de la proposition artistique.
Pura Fe, musique plutôt trad’ parce
que ça repose a la fois sur le blues du
delta et sur une forme de métissage
avec la musique des Indiens du sud de
l’Amérique, a une technique de guitare
bien à elle, posée a plat sur les genoux.
Encore une fois, on retrouve quelque
chose de très particulier. C’est certain
que, dans le flamenco ou le jazz
manouche, la question de la place de la
guitare ne se pose pas.
Certains concerts t’ont-ils marqué
plus que d’autres au cours des 18
éditions précédentes ? Avez-vous
programmé des choses surprenantes,
des guitares atypiques ?
On a programmé des choses très
bizarres oui ! Pour la première journée
guitare, on a programmé Jean Luc
Mas, qui travaille essentiellement avec
des bandes. Il bénéficiait d’une expérience
à l’Ensemble Intercontemporain.
Sinon, Vicente Amigo a joué ici pour
son premier concert en Europe (du
moins en France) lorsqu’il avait vingt
ans. À l’inverse, Marcel Dadi est mort
quelques années après son concert de
Bron. Sinon, j’aurais du mal à dire, car
j’ai aimé beaucoup de concerts… J’ai
de très bons souvenirs de Pepe Habichuela,
grand personnage du flamenco,
il avait fait un super concert
ici… ainsi que des frères Assad qui
viendront fêter la 20ème édition en
2008.
Cette année, la programmation est
plutôt axée musique du monde…
La thématique centrale choisie cette
année est le voyage, la migration, le
déplacement. Les musiques représentées
ici sont un peu des musiques de
l’errance, nées dans les migrations forcées,
dans l’exil, comme le tango, le
blues. D’autres sont nées dans les rencontres
comme le nouveau quartet de
Jean Jacques Milteau, né à Paris, il
joue avec une chanteuse originaire des
Etats-Unis. Ameriberia réunit un
guitariste argentin et une chanteuse
espagnole vivant dans le sud de la
France. Samarabalouf présente un
spectacle extraordinaire entre le clown
et la musique, avec un niveau de guitare
incroyable. Ces musiciens ont
super bien intégré des musiques aussi
diverses que la valse, le tango ou le
jazz manouche. L’avantage de la guitare
est de créer un langage universel.
Par exemple, Juan Carmona, qui va
terminer le festival cette année, est de
parents gitans qui habitaient en
Afrique du Nord. Il est né à Villeurbanne
en 1963, et il est reparti faire
une carrière de Flamenco dans le Sud.
On a l’impression que la guitare nous
raconte de nombreuses histoires, plus
peut être qu’un instrument comme
l’accordéon, que l’on connaît essentiellement
dans un registre de
musiques du monde, ou à l’inverse,
comme le piano que l’on connaît surtout
en Jazz et en classique. On peut
encore élargir le festival de guitares à
toutes les déclinaisons possibles de
l’instrument : oud, mandoline, guitare
portugaise…
Le festival se déroule pendant 3
semaines et dans 6 lieux. Pourquoi
ce choix ?
Le fait de fonctionner sur plusieurs
lieux n’est pas un choix délibéré de
dire « on va convoquer tout le monde »,
mais résulte plus d’un réseau créé petit
à petit. Chaque salle garde sa liberté.
Tout repose sur la responsabilité et les
envies de chaque responsable de salle.
Une grande salle pourrait tirer la couverture
à elle en disant « je veux faire
venir Pat Metheny » et ensuite le
festival tirerait des milliers de plaquettes
pour soutenir la communication
d’un événement qui n’aurait plus
grand-chose à voir avec le projet initial.
Par exemple, Lorsque Agnès
Jaoui est passée au Radiant l’an passé,
La jauge a été limitée à 700 personnes
(au lieu de 1100) pour conserver la
dimension humaine et le rapport au
public. La rencontre est au centre de
nos préoccupations : la rencontre du
public avec les musiciens, des musiciens
entre eux, notre propre rencontre
avec le public… Très souvent, après
les concerts, les musiciens et le public
restent pour discuter, pour boire un
verre. Cette dimension est super
importante, c’est aussi ça la musique.
Ainsi, les spectateurs ont accès à la
programmation, aux musiciens. Les
gens nous connaissent… Quelques
passionnés de guitare viennent depuis
le début. Ensuite, des noyaux fonctionnent
pendant quelques années,
selon les genres. Certaines personnes
à Lyon, par exemple, ne ratent pas un
concert de Flamenco.
Propos recueillis par Camille Cohen
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Renseignements
Espace Tonkin
04 78 93 11 38
Réservations à partir du15 oct de 14 à 18h du lundi au vendredi
Programmation
- 12 novembre :
Rose&Renan Luce, 20h30, Espace Albert Camus, Bron
- 20 novembre :
J.J. Milteau Quartet, 20h30, Salle Aristide Briand, Saint-Chamond
Quatuor Cordoba,
20h30, Salle Aristide
Briand, Saint-
Chamond
- 22 novembre :
J.J. Milteau Quartet,
20h30, Espace
Tonkin, Villeurbanne
- 23 novembre :
Nathalie Sanz
&Leonardo Sanchez,
20h30, Espace
Tonkin, Villeurbanne
- 24 novembre :
Nadine Marchal,
15h30, Médiathèque
du Tonkin,
Villeurbanne
- 27 novembre :
Ilene Barnes, 20h30,
Le Radiant, Caluire et
Cuire
Véronique Le
Berre&Luizjavascript:barre
raccourci('','',document.formulaire.texte) De
Aquino, 19h, Espace
Tonkin, Villeurbanne
- 29 novembre :
Angelo
Debarre&Ludovic
Beyer Quartet,
20h30, Espace
Tonkin, Villeurbanne
- 30 novembre :
Pura Fe, 20h30,
Espace Tonkin,
Villeurbanne
Samarabalouf,
20h30, La Tannerie,
Bourg-en-Bresse
,
20h30, La Tannerie,
Bourg-en-Bresse
(1ère partie de
Samarabalouf)
- 1er décembre :
Quatuor Cordoba,
15h30, Médiathèque
du Tonkin,
Villeurbanne
Juan Carmona
Grupo, 20h30,
Espace Tonkin,
Villeurbanne
Samarabalouf,
20h30, Le Radiant,
Caluire et Cuire
- 4 décembre :
El Hadj N’Diaye,
20h30, Espace
Albert Camus, Bron
5 et 6 décembre :
NoDé, 20h30, Le
Radiant, Caluire et
Cuire
- 13 décembre :
Nadine Marchal, 19h,
La Tannerie, Bourgen-
Bresse