Entretien avec Ahmed « Ilyès » Chetiba, Cidet Joris Garnier du groupe Constantine.
CMTRA : Pouvez-vous retracer
l’origine du groupe Constantine ?
Cid : Le projet a démarré en 2005 avec
Ahmed et moi, ou plutôt avec le chanteur-
compositeur d’Ilyès et le bassistecompositeur
d’Our Zoo. On jouait
déjà ensemble et on avait très envie
d’explorer et de travailler des morceaux
tous les deux. Au départ, on était
surtout dans une démarche de travail
de studio, pour poser des sons, réarranger
des musiques et aboutir sur un
disque. Puis on s’est rapidement mis
à jouer ces titres sur scène, et on s’est
tout de suite rendu compte que notre
concert n’était pas assez « vivant ». On
était très occupés sur les machines, pas
tellement disponibles pour le jeu de
scène, pas très à l’aise. Joris nous a
rejoints pendant l’été 2006, amenant
avec lui ses multiples instruments et sa
personnalité. C’était encore une rencontre
sans en être une, Joris avait déjà
joué avec Ilyès. Ça a immédiatement
fonctionné, à la fois musicalement et
humainement, et Joris s’est très vite
investi sur les arrangements avec nous.
Enfin, Pierre nous a rejoints au printemps
dernier.
Partant de ce métissage, comment
construisez-vous votre répertoire ?
Et quelles sont finalement les
influences qui colorent votre
musique ?
Cid : On a travaillé de différentes
manières, au fil du développement de
Constantine. On s’est d’abord appuyé
sur des compositions d’Ilyès, que j’ai
arrangées une première fois au cours
de notre travail en studio. Joris les a
ensuite retravaillées quand il est arrivé.
Notre répertoire comprend également
des morceaux que j’ai composés sur
des machines et qui sont réarrangés
par les autres sur scène. Enfin, on présente
des titres composés tous
ensemble, à partir de rien, lors d’une
résidence à la MJC de St Priest en
2006. Sur ce travail de composition
collective, Ahmed pose généralement
des bribes de morceaux au piano, puis
on s’en inspire pour rajouter une intro,
des couplets ou des effets.
En ce qui concerne les influences
musicales, on peut déjà parler d’électro,
dans le sens où toutes les batteries
sont samplées et où on utilise les
machines comme un instrument.
Joris : On peut sans hésitation ajouter
le jazz, notamment au niveau de la
construction des morceaux avec un
thème et des phrases d’improvisation.
C’est un peu notre partie à Cid et moi,
l’impro. On voudrait d’ailleurs ouvrir
le répertoire à davantage d’improvisation,
mais aujourd’hui, on est encore
limité par nos moyens techniques. Les
machines sont programmées sur la
moitié du set environ, et Cid déclenche
les séquences sur scène, en plus de sa
basse. Pour approfondir la démarche
d’improvisation, on devra investir
techniquement.
Ahmed : Et bien sûr, pour le vocal, on
retrouve la musique traditionnelle.
Cid : En fait, nous, on appelle ça de la
« nu-world ».
Notre musique relie le Moyen-Orient
aux Etats-Unis : le travail des
machines s’inspire pas mal du jazz
rock funk des années 80 et le chant
vient de la tradition Chaoui (Aurès,
Algérie). Ce mélange un peu froid des
vieux sons avec la chaleur de la voix
d’Ahmed nous plaît beaucoup.
Que racontent les textes ? Quel est le
message de Constantine ?
Cid : Ahmed écrit les textes, principalement
autour de sa vie et de son parcours.
C’est un peu ton histoire non ?
Ahmed : Oui, je raconte surtout l’exil
de l’Algérie vers la France, mais les
textes évoquent aussi l’enfance, la
politique ou l’amour. Tous les chants
sont en berbère (chaoui) et en arabe.
J’explique la teneur du texte en préambule,
afin que le public comprenne
le sens de mes chansons. Ensuite, il se
laisse porter par la musique et par la
voix, ça fonctionne très bien.
Cid : Le message de Constantine ne
passe pas uniquement par les textes.
En fait, il existe une anecdote amusante
sur Constantine. En cherchant un
percussionniste, on a rencontré Pierre,
un excellent musicien juif, et on se
retrouve avec un groupe de caricature,
constitué d’un Arabe, d’un Juif, d’un
Français, Joris, et d’un Pied-Noir (Cid,
originaire de Constantine).
Joris : Ce jeu du hasard nous a
d’abord fait sourire, puis a pris ensuite
tout son sens. Aujourd’hui, c’est une
vraie réalité au sein du groupe, un rapprochement
des cultures que nous souhaitons
défendre et véhiculer à travers
notre musique. C’est devenu un axe
fort du projet Constantine.
Cid : Rencontre et brassage, voilà un
message de Constantine.
Quels sont vos projets pour les
prochains mois ?
Cid : En septembre, on commence par
une semaine de résidence au Bistroy,
avec un enregistrement live et une distribution
sur RMI Records et Bluezik.
Cela va nous permettre d’élaborer un
véritable outil promotionnel pour les
professionnels ainsi qu’un disque en
direction du public.
La musique évolue sans cesse. Les
titres qu’on avait travaillés en studio
ne reflètent plus le live actuel, c’est
pourquoi on est très heureux de cette
opportunité.
Joris : On va également travailler
avec la Presqu’Ile et le Centre social
d’Annonay auprès des enfants sur la
musique de Constantine, dans le cadre
de la « Semaine du respect ». On utilise
la musique comme vecteur d’échange,
pour inscrire et métisser notre travail
avec les enfants, à partir des machines et
de la musique d’Ahmed.
Cid : On travaille régulièrement avec
des publics de plusieurs cultures. Des
projets artistiques différents, des esthétiques
différentes, des cultures croisées,
c’est le projet global de Constantine.
Ahmed : Et puis, Ilyès sera en résidence
fin novembre à Arras avec un
orchestre symphonique de 80 musiciens,
avec un concert de Constantine
en clôture de résidence. Les musiciens
seront amenés à s’impliquer et à participer
à l’écriture, la rencontre musicale
promet d’être très intéressante.
Propos recueillis par Céline Dugny
Article réalisé en partenariat avec
Tagada Tsoin Tsoin,
antenne Rhône-Alpes
du Printemps
de Bourges